Épilogue 3 : Rika

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La maison, système de Pangu


La planète en question ressemblait à ce qu'avait été la terre avant le Grand Exode. Le climat était tempéré la moitié de l'année puis tropical, la nature intacte, la vie un peu rude, mais tranquille. Et surtout, il y avait très peu de monde. Nos plus proches voisins étaient deux couples de fermiers, d'anciens nautes abimés par la vie qui voulaient juste avoir la paix, comme nous, les Manami et les Dibate. Ils vinrent nous donner quelques coups de main pour nous installer et ne posèrent jamais aucune question sur l'apparence exotique de Ren, qui ne leur en posa pas non plus.

Faith et Tamyan nous avaient offert leur ancien territoire, sur lequel ils avaient vécu des choses trop difficiles pour y revenir. Après avoir accompli les rites de purification et de « fermeture » devant le tronc calciné de leur ancien arbre-lige, Ren terraforma le lieu. Les hectares de terre que nous nous étions appropriés comportaient un bois, un lac surmonté d'un petit mont et une grande clairière, où Ren bâtit notre maison, dans un énorme arbre évidemment. Círdan vint nous aider à faire les configurations, Angraema à défricher. Arda, désormais Haute Prêtresse de Lethë, proposa d'installer un couple d'araignées khari dans la forêt, mais Ren déclina gentiment. La rizière fut installée derrière la maison, en terrasse, sur l'une des faces du petit mont : pour cela, je bénéficiais du savoir-faire des Manami, d'origine Pacifique comme moi, qui avaient fait la même chose chez eux. La découverte d'un champ de lotus en bordure de l'étang amena un sourire amer sur mes lèvres. Padmasana, la position du lotus. Le lotus... Un symbole végétal de résilience et de renaissance qui m'avait suivi, d'une façon bien singulière.

C'est là, sous l'arbre-lige de notre maison, que je mis au monde ma nouvelle portée. Quatre petits, ainsi que me l'avait prédit Lathé. Les deux premiers étaient sil-illythirii, comme Caëlurín (Dieu merci, ils ne s'étaient pas entre-dévorés) et il s'agissait de deux femelles. Deux reines, aux quatre yeux rouges... Elles étaient superbes, et reçurent le nom de Shëol et Shelwë. La troisième était une petite absolument adorable, aux cheveux couleur noisette et aux grands yeux verts pétillants, à la peau blanche. C'était celle qui me ressemblait le plus : elle reçut le nom d'Elarya. Enfin, la dernière, Lalaith, était bicolore, toute en angles et chétive, avec de grandes oreilles pointues et des yeux entièrement noirs... C'était le tribut que j'avais dû payer pour avoir sollicité les services de Lathelennil.

Il n'y avait que des filles. Leur père les prit une à une dans les bras, les acceptant toutes.

— Il faut prévenir Lathelennil, me dit-il. Il doit absolument voir les petits !

J'étais soucieuse de sa réaction, mais Ren se montra extrêmement fier de cette portée. Quatre femelles toutes différentes, dont deux reines jumelles... Une réussite, selon les critères de Mana.

Une fête fut organisée dès le lendemain de mon accouchement, et une procession d'ældiens – Angraema, Arda, Eren (avec sa propre portée de deux petits, un mâle et une femelle), son époux Elshyn et même Roggbrudakh, Mana et Uriel – arriva au crépuscule par le portail de l'Elbereth, planquée sous un tertre. Hautes silhouettes diaphanes recouvertes de leurs shynawil et se suivant à la queue leu leu, ils semblèrent sortir de terre, d'un inframonde magique. Le temps avait été à la pluie toute la journée, et une brume mystérieuse s'était levée, sous une lune lavée par le ciel.

Évidemment, les « shynawil de la portée » furent servis au banquet, recouverts des boutons de fleurs violettes, perlées de pluie, qu'on trouvait dans notre jardin. Un pour moi, deux pour Ren. Le dernier fut servi par les fynasyn sous le nez de Lathelennil, étonné, qui s'était efforcé jusqu'ici de faire semblant de ne pas s'intéresser aux petits. Uriel, assis à côté de lui, feignit ne rien voir.

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant