Deuil

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TOME 1 (durant une cérémonie d'adieu à Enid)


RAVEN.

La blague ne plu pas à Nevra.

A peine les mots étaient sortis de la bouche de Miiko que le vampire avait quitté sa place dans un affreux grincement de chaise. Il avait tout simplement disparu de la pièce, avec pour seul au revoir un regard empli de haine et de chagrin. Inquiète, je me levai à mon tour dans le but de lui apporter le réconfort dont il avait besoin.

Je m'étais douté que cette soirée s'avérerait être une épreuve pour lui et j'avais déjà anticipé une scène de sa part.

Mais pas un craquage de chagrin.

Je le retrouvai sur les marches du jardin privé, observant son papier en silence. Il ne semblait pas pleurer, mais il était évident que l'envie de verser des larmes était présente. Ça lui ferait du bien de pleurer. S'il laissait enfin libre court à ses émotions son deuil se terminerait peut-être...

Je m'assis silencieusement à ses côtés et passai mon bras autour du sien avant d'embrasser son épaule et d'y laisser reposer ma tête. Mes doigts caressèrent délicatement sa peau.

- Tu sais... parla-t-il après quelques minutes à écouter la nature, les gens ne trouvaient pas que c'était quelqu'un de bien.

- Et toi... qu'est-ce que tu en pensais ?

Il replia son morceau de papier pour le cacher dans son poing puis saisit ma main pour entrelacer nos doigts.

- Elle était...

Un fantôme de sourire se dessina sur ses lèvres.

- Complètement folle.

Dans ses yeux dansaient les souvenirs de sa belle adolescence.

- Elle proposait toujours des trucs de dingues auxquels même Ezarel aurait jamais pensé. Elle adorait courir, sauter... voler. Elle vivait pour la liberté. Mais c'est vrai qu'elle était loin d'être la bonté incarnée. Elle était assez... prétentieuse, en fait.

Prétentieuse ? Ça m'étonnait. Avec tout ce qu'on m'avait raconté sur elle, je pensais qu'elle représentait la pureté pure !

- Elle se pensait... au-dessus de tout le monde, continua le brun avec un ton qui paraissait presque dégoûté. Elle aimait tout écraser sur son passage et rire du malheur des autres. Coucher avec un mec un soir et une fille le lendemain... Puis revenir vers moi les yeux pleins de cœur pour que je la défende envers et contre tous, bien que je lui répétais qu'elle avait tord. Une véritable peste...

Je me sentis soudainement vide.

Nevra venait de parfaitement de me décrire. Du moins, il avait décrit la fille que j'étais dans ma vie antérieure. Et en cet instant, j'eus un désagréable sentiment de peur. La peur que Nevra m'aime parce qu'il ne voyait en moi que sa défunte meilleure amie.

- Mais tu l'aimais...

Il réprima un rire.

- C'est ce que je pensais, sourit-il en tournant son visage vers le mien, les yeux heureux. Avant de te rencontrer.

Je ne pus dissimuler un sourire comblé alors qu'il vint m'embrasser avec un amour profond. Ces belles paroles m'auraient toujours... Mais ce soir, il n'était pas question de changer de sujet aussi facilement.

Nevra avait l'air d'avoir encore beaucoup de choses à dire par rapport à sa meilleure amie. Des choses qu'il n'avait pas osé confier jusque là de peur de salir la mémoire d'Enid.

- Dis pas n'importe quoi..., susurrai-je. T'as le droit d'avoir été amoureux avant moi, tu as eu une vie avant de me rencontrer...

- Oui mais... En fait... J'en sais rien. Plus le temps passe et plus je me dis que... j'avais beau l'aimer de toute de mon âme... Je... Des fois je me dis que...

Ses yeux s'embuèrent de larmes et mon vampire peina à trouver ses mots parce que ses lèvres tremblaient. Devant cela, mon cœur subit une pression douloureuse. J'eus soudainement envie de pleurer aussi.

- Je suis content qu'elle soit plus là, articula-t-il alors que plusieurs larmes silencieuses glissèrent sur ses joues. Enfin... Je suis pas content de l'avoir tuée... Mais... parfois... j'ai cette pensée et...

Il déplia son morceau de papier et le plaça en évidence devant lui pour que je puisse le lire.

« Je suis heureux. »

Et cette phrase me fit chaud au cœur en même temps qu'elle me le brisa encore.

- Elle me le répétait tout le temps : « Sois heureux. Sois heureux, la vie est trop courte pour rester bloquer sur des détails. »

Je devinai que les détails en questions devaient être des choses que Nevra n'approuvait pas. J'imaginais qu'Enid ne croyait qu'en ce qui l'arrangeait.

Nevra ne parla plus, trop occupé à retenir ses larmes. Je lui chipai délicatement son papier.

- Tu n'as pas à te sentir coupable d'être heureux, dis-je en posant ma main sur sa joue afin de plonger mon regard dans le sien. Et je suis même fière de voir que tu aies réussi à l'écrire sur ce bout de papier. Ça n'a pas dû être facile pour toi... Tu as le droit d'être heureux.

Sa main gauche glissa le long se mon avant-bras jusqu'à mon poignet, et il vint coller son front au mien avant de finalement m'enlacer. Après un long moment l'un contre l'autre, je me décollai pour continuer notre conversation.

- Je ne connaissais pas Enid ni les liens qui vous unissaient mais elle avait l'air d'avoir beaucoup d'influence sur toi... Et je trouve ça bien que tu réussisses à te détacher de son emprise... Ça te faisait du mal...

- Oui, pouffa-t-il dans un sourire forcé. C'est ce que les autres n'arrêtent pas de me répéter.

Je lui rendis son papier et il l'observa avec un air plus calme.

- J'aurai aimé lui dire qu'elle aurait été une parfaite Gardienne, qu'on aurait toujours été tous ensemble, que je l'aurais aimée et protégée, qu'elle aurait eu une belle vie sans problèmes... mais je sais pas... J'ai l'impression que ça sonne faux maintenant.

- C'est parce que ça fait quatre ans... Tu ne peux pas savoir ce qu'elle serait devenue.

- Elle aurait mal tourné. C'est ce qu'Ezarel arrêtait pas de dire.

- Et toi ? Qu'est-ce que tu en penses ?

- Je pense que je l'aurais suivis aveuglément quoi qu'elle fasse et quoi qu'il en coûte.

Je compris que Nevra tentait de se convaincre que sa défunte meilleure amie n'était pas quelqu'un de bien. Et ce n'était pas la bonne solution. Enid méritait que Nevra se souvienne d'elle comme la fille parfaite qu'il aimait.

- A t'entendre on croirait que c'est mal... Moi je trouve ça beau. Et admirable.

- Beau et admirable ? Que je la suive dans ses conneries tu trouves ça beau et admirable ?

- Nevra, sache que je serais prête à faire les pires choses et à commettre les pires meurtres pour toi. Peu importe si tu te trouves dans le camp du bien ou du mal.

- Ça vaut pour moi aussi, princesse... Mais elle ne-

- Elle était ta meilleure amie. On s'en fout qu'elle ait été une personne méchante ou quoi. Elle était là pour toi. Elle t'a aidé. Elle t'a soutenu. Elle t'a défendu. Elle s'est battue pour toi. C'est tout ce dont tu as besoin de te soutenir. Et je suis sûre qu'elle aurait voulu que tu te concentres uniquement sur les bons moments.

NEVREN [extraits, hors-séries et bonus]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant