Ténèbres

45.

Ezéchiel

Les mots de Mira me mettent mal à l'aise mais ce n'est rien face à ces maux, je n'ai jamais autant détesté ma situation. Je me force à adopter une voix neutre pour cacher mon trouble et lui demander :

— Est-ce que tu as terminé ?

L'air ailleurs Mira hoche la tête avant de me regarder, ses jolis yeux troublés par des larmes qui perlent. Tandis que mon cœur se serre je coupe le dictaphone et alors que j'allais rendre à Sophia son portable Mira m'interrompt en me demandant d'attendre.

— J'ai quelque chose à t'avouer, mais juste à toi, les autres n'ont pas besoin d'être au courant.

— D'accord, dis-je en me rasseyant, dis-moi.

— J'ai failli lui dire à Véga, tout lui raconter. Elle était tellement gentille, je suis quasiment certaine qu'elle m'aurait aidé. Mais je n'ai pas réussi à le faire. Je ne sais pas pourquoi, et je ne sais même pas pourquoi je t'en parle...

La fin de sa phrase n'est qu'un murmure si bien que je doute même de sa réalité. Pourtant Mira me scrute l'air anxieuse comme si elle attendait ma réaction. Déstabilisé face à son aveu il me faut quelques secondes pour que j'arrive à former une phrase cohérente :

— Je suis content que tu ne l'aies pas fait.

Je n'ai pas à cœur d'insister plus que ça et de lui rappeler que je devrais au mieux la tuer au pire me débarrasser d'elle si jamais elle ne respecte pas les règles. L'ambiance dans la pièce est étouffante et j'ai hâte de la quitter. Pourtant Mira reprends à nouveau la parole :

— Mais je crois qu'elle a fini par comprendre ma situation par elle-même quand elle est passée me voir après que... Sa phrase reste en suspens quelques secondes avant qu'elle poursuive en essayant de maîtriser les tremblements de sa voix, elle a voulu m'aider et a insisté pour que j'apprenne le numéro de quelqu'un qui pourrait me sortir de là. Je n'en ferai rien, je sais ce que je risque, mais je voulais que tu le saches, ça me paraissait être le plus honnête. J'aurais quelque chose à te demander par contre...

— Dit moi.

— Ne me fait plus jamais faire ce genre de truc. Jamais. Promet le moi s'il te plaît, une vraie promesse.

Son regard sur moi me trouble beaucoup plus qu'il ne le devrait mais il me donne en même temps assez de courage pour lui répondre et surtout lui révéler la suite des événements.

— C'est promis. En fait les choses vont changer, je veux que ça soit différent pour toi. Je ne sais pas si ça sera réellement mieux mais je crois que ça en vaut la peine d'essayer. Donc je vais te réclamer.

— C'est à dire ? Me demande Mira l'air perdue.

— Te réclamer pour moi, juste pour moi. Tu vivras avec moi et tu n'auras plus à travailler. Je ne te forcerais à rien, tu restes juste près de moi. Est-ce que cela te semble possible ?

Elle prend le temps de réfléchir quelques minutes, les yeux clos et le front plissé par de légères rides. Quand ses yeux se posent sur moi elle a l'air déterminée et hoche la tête.

— Ça me va. Je ne serais toujours pas libre mais c'est mieux que rien donc ça me va. J'ai juste une question, tu as dit que tu allais me réclamer, ça veut dire que tu dois demander l'accord de quelqu'un ? Que rien de tout ça n'est sûr ?

— En effet. Mais je n'ai jamais rien demandé donc ça ira. Ne t'inquiète pas, je ne t'abandonnerais pas. C'est promis.

— Quand est-ce que ça sera définitif ?