OtherWorld - 1. Et cognoscetis veritatem

Chapitre 1 (partie 1)

5 ans plus tard

Je marchais en équilibre sur le mur d'enceinte du terrain de sport. Le soleil était presque au zénith dans le ciel sans nuages. À cette heure-ci, la plupart des écoliers et des professeurs devaient se presser au réfectoire ou s'échiner à résoudre quelques derniers exercices avant le cours de mathématiques de l'après-midi.

Jetant un regard furtif autour de moi afin de m'assurer que j'étais bien seule, je retirais ma veste d'uniforme que je laissais tomber au bas de mon perchoir. Levant les bras au ciel, je m'étirais, déliant mes muscles endoloris de n'avoir pas été sollicités pendant les trois longues heures de cours à écouter le prof parler de choses intéressantes.

On m'avait dit que la capacité de concentration d'un enfant n'excédait pas trente minutes... Je pense qu'en réalité ce n'est pas plus de vingt... Passé ce délai, je passais mon temps à observer les hirondelles raser le sol et remonter vers les cieux à la manière de petites fusées en me demandant si un jour, moi aussi, je pourrai voler comme elles.

Voler, ça oui, j'en suis capable, mais je veux dire voler librement, et aussi bien et rapidement qu'elles.

Les volatiles étaient encore là, à faire leurs belles démonstrations sous mes yeux, comme si elles me narguaient.

Je me laissais choir sur le mur, tapotant les briques de mes talons au rythme des allées et venues en piqué des oiseaux. Mon regard se porta alors sur un autre mur d'enceinte, plus haut, au-delà du stade. L'école et plus largement l'orphelinat, étaient divisés en deux zones: une au sud et la seconde au nord. Le mur que j'observais séparait ces deux espaces.

Au-delà de ce dernier, je pouvais apercevoir le toit d'un bâtiment ressemblant beaucoup à celui duquel je venais de sortir. Je savais que là aussi, des enfants étudiaient mais je ne les avais jamais croisés. Nous avions l'interdiction formelle de franchir ce mur sous peine d'être sévèrement punis par le directeur en personne. Après tout, aucun élève n'avait envie de se retrouver face à lui et de toute façon, il y avait bien assez d'espace et de copains de ce côté-ci pour ne pas avoir besoin de jouer les escaladeurs.

Pourtant, ce n'était apparemment pas l'avis de ceux qui résidaient et travaillaient de l'autre côté, car au moment où je comptais sauter au bas de mon propre mur, une fine silhouette se dressa au sommet de celui d'en face. Elle leva un poing au ciel en signe de victoire. Cependant, elle semblait hésiter à faire un pas de plus... Braver les interdits, d'accord, mais vraisemblablement il ne fallait pas exagérer.

Je plissai les yeux dans l'espoir d'apercevoir un peu mieux celui ou celle qui se tenait à une trentaine de mètres de moi. Il ou elle ne semblait pas avoir remarqué ma présence...

Je m'aperçus que c'était un garçon qui devait avoir à peu près le même âge que moi, 14 ans, pas très grand et assez fin. Chose étrange, il avait les cheveux teint en bleu. J'avais bien quelques amies qui arboraient des mèches colorées mais je n'avais jamais vu de garçon ayant choisi de faire de même et encore moins pour la totalité de sa tignasse.

Finalement, il releva la tête et m'aperçut. Il me fit un grand signe de la main, je suis convaincue qu'il devait sourire à pleine dents. Je n'esquissais aucun geste en retour, méfiante.

J'avais bien escaladé le mur de 3 mètres quelques fois mais n'avais jamais franchi la limite au-delà. Ce garçon fera sans doute pareil et il ferait mieux de s'éclipser avant qu'un professeur ne remarque ses gesticulations suspectes en haut de la séparation. Alors que je songeais justement à retourner vers les salles de classes dans l'espoir de trouver quelque chose à grignoter avant la fin de la pause déjeuner, le garçon sauta au bas du mur avec aisance. Cependant il n'était pas descendu de son côté mais bien du mien et le voilà qui trottinait tranquillement au travers du stade. Il se dirigeait droit vers là où je me trouvais.