Lundi, 10h32 [Brian]

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Lundi, 10h32

Brian

Ça fait déjà deux semaines. Deux semaines que mon père est décédé d'un AVC. Deux semaines que l'huissier toque tous les matins pour me rappeler que je suis au fond du trou. Deux semaines que je me sens plus seul que jamais.

Je m'appelle Brian. J'ai été abandonné par ma mère il y a exactement dix-sept ans et deux mois. Je n'ai pas besoin de vous préciser que je n'ai aucun souvenir d'elle. La seule fois où j'ai dû croiser son regard, ça a dû être le jour de ma naissance.

De ce que je sais, ma mère et mon père n'étaient plus ensemble quand elle a appris sa grossesse. Ils avaient tous les deux planifié leur avenir, mon père voulait étudier à Nice et ma mère aux alentours de Paris. Mon père m'a donc élevé seul, ici, à Nice. Et ça n'a pas toujours été facile. Pas que nous ne nous entendions mal, mais comme on dit, l'argent ne tombe pas du ciel. Et nous étions bien placés pour le savoir.

Bref, quand vous vivez dans un quartier défavorisé, que vous n'avez plus assez d'argent pour payer votre loyer, et que vous n'avez personne à qui vous raccrocher... vous n'avez aucune chance de survie.

Je pousse un soupir. Je cherche un mouchoir dans la poche de mon jean, mais ma main rencontre quelque chose de moins doux, plus résistant. J'en extirpe une photo. C'est une photo de ma mère. Vieille et délavée. Mon père me l'avait laissée un jour, pour « faire taire les questions » que je posais à propos d'elle. J'en savais très peu sur ma mère. Je connaissais son nom, et... son visage. Grâce à cette photo. Mais je n'ai jamais entrepris de la chercher, ne serait-ce que sur internet.

Je sors mon ordinateur de mon sac et en allume l'écran. Je tape sur la barre de recherche Agnès Sambré. J'essaie de repérer des concordances entre le visage de la femme que je tiens entre mes mains et ceux que me propose Google. Je trouve finalement quelqu'un d'assez ressemblant. Je clique sur sa page LinkedIn. Professeur de mathématiques au collège Alfred de Musset à Beynost, en banlieue lyonnaise. A fait ses études à l'IPESUP (Institut Privé de Préparation aux Études Supérieures) à Paris, 4e arrondissement. Paris, 4e arrondissement... il y a des chances que ce soit elle.

Je continue ma recherche sur les pages blanches, en espérant qu'elle habite la ville du collège dans lequel elle enseigne. Agnès Sambré, Beynost. Bingo ! Il n'en existe qu'une.

Je crois que je sais ce qu'il me reste à faire. Retrouver sa mère après un abandon lorsqu'on a dix-sept ans pour lui annoncer qu'on a plus de quoi vivre ni de place où vivre... ça n'arrive pas tous les jours.

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