I. 13

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- Bonjour ! C'est l'heure de la toilette ! me lance une infirmière.

A l'hôpital, on se lève tôt ; on nous change les draps, on nous aide à nous laver si on ne peut pas le faire soi-même et ensuite on a le droit à un petit-déjeuner. Et, ce matin, c'est pareil.

Ma sœur s'est faite reconduire dans la chambre il y a quelques heures, avec une mine plus fraiche, des pansements en moins et après avoir passé d'autres examens. Rien de grave apparemment.

Lorsqu'elle tourne un œil à moitié éveillé vers moi, la commissure de ses lèvres relevées, je lui présente mon index et mon majeur dans un « V » qui se veut victorieux.

Une infirmière l'aide à passer un plastique autour de son plâtre pour le protéger sous l'eau.

- Ce n'est pas vraiment ce que je voyais pour nos quinze ans, ne peut-elle s'empêcher de rire.

- Sans blague.

Nous nous levons pour nous faire au moins un câlin avant de nous diriger vers les douches qui se trouvent dans le couloir, au rythme des béquilles de Soleïane qui s'enfoncent dans le linoleum. Je porte sur mon bras le moins abîmé nos serviettes.

Au seuil de la chambre, nous rencontrons Annaëlle déjà tout habillée pour les funérailles. La fiancée de Jérémy porte une élégante robe noire et, sur son col rond, une croix dorée et finement ciselée scintille. Ses longues tresses, partant de son crâne, sont rassemblées sur sa nuque pour ne pas la gêner dans ses mouvements. Ses jambes brunes sont laissées à l'air libre et à la chaleur de l'été où des lacets de spartiates noires serpentent sur ses chevilles. Dans ses bras, un sachet d'habits.

- Joyeux anniversaire les filles ! s'exclame-t-elle un peu surprise de nous voir debout. Comment vous allez ?

- Bien, je vais pourvoir sortir je crois, réponds Soleïane. Et toi ?

- Ça peut aller, dit Annaëlle en souriant avant de poser son regard sur moi.

- Ça va, répondis-je d'une voix qui s'améliore.

- Bon, je sais qu'il y a mieux comme cadeau d'anniversaire... qu'un paquet de vêtements pour aller à un enterrement, commence Annaëlle en triturant ce qu'elle a dans les mains, mais je me suis arrangée avec Mme Christine pour faire en sorte de choisir des vêtements que peut-être... vous pourriez porter une seconde fois... Si vous en avez envie.

- C'est très gentil, la rassure Soleïane, ça nous fait vraiment plaisir Anna.

J'appuie son dire d'un sourire bienveillant que je calque sur celui de ma sœur, ne sachant pas trop comment réagir dans ce genre de situation délicate. Annaëlle parait satisfaite car son visage semble s'éclairer.

- Allez ! nous encourage-t-elle. Opération douche !

Ma sœur et moi n'éprouvons pas de gêne à entrer dans la même et unique douche de l'étage. Je pose nos affaires sur le banc en bois déjà humide avant de me déshabiller. L'air est moite et le carrelage brillant. De la moisissure pique les joints jaunis dans les angles du bac d'eau. Un réservoir de savon presque vide nous sert de gel douche autant que de shampoing.

- J'aurai dû demander à Annaëlle de ramener un après-shampoing, se plaint ma sœur en découvrant la piètre qualité du produit tout-en-un.

Je suis si contente de sentir à nouveau l'eau de la douche sur moi que je prends le temps de noyer mon visage sous le jet bien chaud. Nous nous servons alternativement du pommeau qui ne tient plus sur son attache, à moitié arrachée du mur.

Enfants des Astres-Livre I : Nomen OmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant