2. Baptême

238 37 6
                                    

II.

C'était devenu un rituel qu'Ansol gardait secret. Dévouée plus que jamais à l'apprentissage de ce nouveau monde, elle s'adonnait au remplissage de son herbier avec grande minutie. Il y avait toujours une herbe qu'il fallait identifier, une fleur qu'il fallait comprendre, une racine qu'il fallait examiner. Trois mois passèrent depuis leur première rencontre et la jeune femme rejoignait Iara presque tous les soirs après les marchés. Qu'il pleuve ou qu'il neige, qu'elle soit punie ou de corvée, Ansol trouvait constamment le moyen de retrouver la vieille alchimiste. Et celle-ci l'attendait toujours.

Rapidement, et par cette malheureuse chance de pouvoir pratiquer sur sa propre personne, la jeune fille comprit les quelques bases de la médecine et des bienfaits de certaines plantes.

Au-delà de l'apprentissage des premiers soins, Iara commença à l'introduire aux différentes théories et substances. Mais impossible pour elle d'entamer une véritable manipulation sans une base de connaissances infaillible. Ansol se contentait à présent de nommer, d'assister et d'observer.

— Rappelle-moi les éléments, lui ordonna Iara en rangeant de nouvelles fioles propres.

— Facile. La terre, l'eau, l'air et le feu, répondit avec assurance la novice.

— Et qu'appelle-t-on les substances vraies ?

Ansol marqua une pause et reprit.

— Le mercure, le souffre et le sel, affirma-t-elle.

— Bien. Te rappelles-tu de nos planètes ?

— Oui ! C'est...

— Bien, bien, la coupa Iara en agitant sa main. Je suis fatiguée, tu devrais rentrer maintenant. J'en ai assez de te voir.

L'alchimiste avait un humour bien tranché, un caractère qu'Ansol arriva petit à petit à apprivoiser, mais aussi à imiter. La jeune fille développait une nouvelle et secrète personnalité. Peut-être celle qu'elle fut toujours destinée à avoir.

Elle voyait en Iara une femme forte, pleine d'assurance et de vie. Une petite dame aux immenses cheveux gris dont le savoir et les mots ne laissent jamais indifférent. Plus encore, elle n'avait peur de rien et ne s'inclinait devant personne.

Elle était libre de ses actions et de ses pensées.

Ansol aspirait à devenir comme son mentor. Elle avait d'ailleurs changé.

Ses cheveux noirs avaient légèrement repoussé jusqu'au-dessus de ses oreilles. Sa peau, claire et meurtrit, cicatrisait mieux. Et ses yeux en amande, sombres, intenses et attentifs, semblaient enfin s'animer d'une étincelle de vie. Ansol possédait finalement autre chose que sa longue cicatrice lui traversant le visage.

— Demain, je vous apporterai des fruits, dit Ansol devant la porte. Je les cacherai pour vous.

— Cela ne risque pas d'arranger ton cas, lui répondit Iara en pointant du doigt le bleu sous l'œil de son apprentie.

— Mais cela en vaut la peine.

La vielle dame hocha la tête et lui sourit doucement.

— Un de ces jours, tu pourras peut-être prendre le relai ici, lui confia tout à coup l'alchimiste.

— Je ne pourrais jamais être à la hauteur...

— Alors c'est encore mal me connaître, ma petite. Avec moi, pas de répits. Tu seras prête.

L'apprentie sourit et s'en alla finalement, le cœur plein d'espoir.

— Fais attention en chemin ! lui cria une dernière fois Iara sur le pas de la porte, soudain peu rassurée.

Les Mouettes aux Ailes RougesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant