Chapitre 7 : Travail

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Salieri revint au palais dès le lendemain. Il ne pouvait pas rester caché indéfiniment, de plus, maintenant que son cadet connaissait son adresse, il était inutile de rester chez lui. Il arriva tôt et discuta brièvement avec les nobles présents, s'excusant pour son absence, avant d'aller dans son bureau reprendre son travail. Pendant la semaine, il n'était toutefois pas resté inactif, et il n'avait qu'à reprendre là où il s'était arrêté la veille, avant l'interruption inopinée de l'autrichien. Quelques heures passèrent dans le silence absolu, il était rare que Mozart arrive en début de matinée, sans doute à cause de son rythme de vie nocturne et libertin. Quand le soleil arriva à son zénith, le maître de la chapelle entendit les portes de la salle de musique claquer, et il sursauta. Mais, à sa grande surprise, le plus jeune n'alla pas dans son bureau, il préféra ouvrir la porte du sien, le fixant avec un grand sourire avant d'entrer pour s'assoir en face de son aîné.
- Maestro, quel plaisir de vous revoir ! Ça faisait si longtemps.
- Épargnez-moi vos sarcasmes.
Le blond mis sa main sur son cœur, le regardant avec un air vexé.
- Monsieur, comment pouvez-vous dire ça ? Il n'y a aucun sarcasme, je suis vraiment ravi de vous voir.
L'italien roula des yeux, mais déjà, le plus jeune lui lançait un regard séducteur et malicieux.
- Puis-je me permettre de vous dire que vous êtes magnifique ce matin ? Non pas que vous ne le soyez pas d'habitude, mais j'avais envie de complimenter votre beauté époustouflante.
Un long soupir sortit des lèvres du compositeur.
- Cessez de me parler comme aux personnes que vous séduisez Mozart, ça ne fait que m'agacer.
- Autant pour moi, maestro, il est vrai que vous êtes plus réceptif aux contacts physiques. Puis-je vous masser les épaules dans ce cas ?
Antonio ouvrit la bouche pour répliquer avec fermeté quand Wolfgang reprit en riant.
- Ah non, pardon, je risque de vous chauffer bien trop vite. Vous êtes encore plus inflammable qu'une bombe de gaz.
Les joues rougissant face à cette terrible vérité, Salieri répondit finalement.
- Si vous n'avez rien de sérieux à me dire, veuillez quitter cette pièce. Je refuse d'écouter vos obscénités plus longtemps.
Un éclat fourbe traversa les iris du plus jeune, et le brun redouta ce qu'il allait dire.
- Et bien justement, maestro, je vais vous surprendre, en attendant de vous prendre. Je viens pour le travail !
- Voilà qui est surprenant en effet et... Vous avez dit quoi ?
Mozart éclata de rire en voyant que le visage de son interlocuteur avait pris un air déboussolé en plus d'une teinte rouge pivoine. Il sortit de sa sacoche des feuilles qu'il lui tendit.
- Maestro, j'aimerais que nous composions un morceau destiné à la cour et même à Vienne toute entière ! Je me suis permis de procéder à quelques brouillons, sachant que vous aimez le travail organisé et précis, vous voyez que je fais des efforts juste pour vos beaux yeux. Bien sûr, ce n'est qu'une ébauche faite sous une pensée furtive, il faudra retravailler ça pour que vous puissiez ajouter vos notes et idées, si toutefois vous acceptez.
Plissant les yeux, Salieri consulta les documents, imaginant sans peine la mélodie tandis que ses pupilles parcouraient les inscriptions. Mozart avait-il vraiment écrit cela d'une traite ? Comment ça pouvait-il être si parfait alors qu'il s'agissait de brouillons ? Il n'entendait pas la musique, mais déjà, elle l'ensorcelait à travers les arias.
- Je... C'est... sublime... Murmura-t-il après quelques instants, s'attirant une expression fière de son cadet. Entendu, j'accepte de travailler sur une composition avec vous. Mais nous débuterons demain, j'ai à faire aujourd'hui.
Mozart frappa dans ses mains avec enthousiasme.
- Oh fabuleux ! Merci, monsieur Salieri !
Il posa ses coudes sur le meuble, rapprochant son visage de son aîné avant de soutenir sa tête de ses paumes, et le regarda avec malice.
- J'ai hâte de jouer en étant assis sur vos genoux...
- Sortez d'ici immédiatement.
Le blond se leva, lui offrit une référence exagérée, avant de partir en riant.

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Salieri était concentré sur son travail quand il entendit un brouhaha désagréable s'élever derrière la porte de son bureau. Il essaya de poursuivre sa composition pendant quelques minutes, mais le bruit extérieur se faisait qu'augmenter au fil du temps. Agacé, et ne comprenant pas ce qu'il se passait, il posa sa plume et se leva pour ouvrir la porte. La pièce était emplie de monde, à sa grande surprise. Pourquoi donc ? Les nobles de la cour n'étaient pas censés venir dans ce lieu. Il comprit rapidement la raison de cet étrange phénomène. Mozart, installé au centre, au piano, jouait tranquillement, et son public commentait avec enthousiasme la mélodie. Ainsi, il donnait un concert. Antonio porta son attention sur les notes de musique, et comme à chaque fois qu'il écoutait Mozart, il se sentit happé et percuté par son talent. S'appuyant contre le chambranle de la porte pour rester debout, il se laissa envoûter par le prodige. Celui-ci jeta un regard par dessus son épaule, et, voyant le trouble de son aîné, il sourit avant de lui adresser un clin d'œil discret. L'italien se sentit rougir, et il fit volte face pour refermer la porte et se soustraire au regard si intense de l'autrichien. Pourquoi cet arrogant et impertinent compositeur lui faisait-il un tel effet ?

Mozalieri - Un jeu inavouableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant