Première séance de groupe

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          Le bruit des chaises que l'on pousse emplie la petite salle. Un brouhaha animé roule alors que des tapis de gym sont installés sur le sol. L'animateur qui surveille tout cela est grand et musclé. Sa peau chocolat contraste avec sa chemise blanche et les lunettes rondes qu'il porte, adoucissent la carrure impressionnante de l'homme. Une musique entrainante teintée d'accord pop sert de bruit de fond. Une fois la salle organisée comme il l'a désiré, l'homme qui se prénomme Théophile, fait s'installer les participants en demi-cercle, chacun avec son binôme. L'homme sourit à tous à la ronde. Il est assis en tailleur, les mains sur ses larges cuisses.

— Pour ces trois dernières heures avant le weekend bien mérité, j'avais pensé à un jeu de confiance. Je sais que nous avons beaucoup travaillé cette semaine à apprendre à se connaitre mais une dernière fois avant la libération.

L'homme se lèche les lèvres et hoche la tête.

— Je suis très fier de vous tous. Notre groupe est parti pour être un bon groupe. Je pense que nous pourrons faire de grandes choses pour nous améliorer. Á la fin de la séance, pendant le dernier quart d'heure, nous ferons le point sur les binômes. Certains sont déjà encrés.

Son regard se porte sur Médéric et Gaël ainsi qu'un binôme féminin.

— D'autres ont encore besoin d'être travaillés. Pas d'inquiétude à avoir, c'est tout à fait normal. Commençons. Le contact physique est important. Il est important d'accepter, dans la mesure du possible, l'intrusion dans votre espace personnel. Cela permet à la personne autorisé à entrer de vous aider physiquement si besoin. Nous allons commencer doucement. Mettez-vous face à face et prenez les mains de votre binôme.

Médéric et Gaël se sont mis à l'extrémité de l'arc de cercle. Compte tenu de la pathologie de Gael c'était le mieux qu'ils pouvaient faire. Gael était maintenant plus à l'aise au milieu de ce groupe de gens qu'il a appris à connaitre, cela n'empêche pas les crises de survenir régulièrement. En tailleur l'un en face de l'autre, Ses mains dans celles, beaucoup plus grande de Médéric, Gael sent ses oreilles rougirent. Ils ont passé pourtant plusieurs heures au téléphone chaque soir à parler de tout et de rien. Ils avaient travaillé ensemble et avec le groupe toute la semaine mais ce genre de contact physique était le plus intime qu'ils aient eu. Et même si à chaque crise, Médéric était là, lui tenant les mains ce n'avait rien à voir avec ce soir. Pourquoi ? Peut être parce que ce geste n'était pas dicté par la nécessité. Il n'arrivait pas à regarder son visage. La pression des doigts de Médéric était chaude et sa poigne rassurante. Son cœur s'accélère et cela n'a rien à voir avec une prochaine crise. Lorsqu'il lève les yeux vers le visage de son binôme, il entraperçoit un sourire amusé. Gael baisse la tête aussi sec. La voix amusée de Médéric lui parvient.

— Tes oreilles sont rouges... vraiment rouge, c'est mignon.

— Je ne suis pas... mignon.

Médéric sourit encore devant la voix hachée de Gaël. Oh oui, il était mignon. Il lui faisait penser à un chat errant, tout ébouriffé et maigrelet, qui n'a connu que la misère. Il comprenait mieux les paroles de Caroline, la psy du premier jour, quand elle disait que donner de l'affection était plus facile qu'en éprouver pour soi. La voix de Théophile le sort de la contemplation du visage de Gael. L'homme marche doucement entre les binômes pour voir le résultat de leur travail. Médéric regarde autour de lui, reprenant conscience de l'existence des autres.

— Bien, très bien, tous. Nous avons tous des problèmes de communication, nous ne savons pas toujours comment exprimer ce que nous pensons ou ressentons. Parfois c'est tellement complexe que les mots nous manquent et nous craignons de blesser l'autre ou qu'il comprenne de travers. Il n'est pas facile de se dévoiler. Nous avons appris à nous protéger en restant silencieux. Nos sentiments, nos pulsions, nos rêves sont parfois trop grands pour simplement sortir de notre bouche. Parfois parler est inutile. Souvent nous pensons être vide mais au contraire, il y en a tellement en nous que nous sommes dépassé. Cela peut être effrayant. Comment notre partenaire pourrait-il comprendre ?

Red Blood Love (VF) [Complète]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant