Chapitre 1

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12 septembre 1668.

Un bruit sourd suivit de cris déchirants cinglaient dans les couloirs froids et humides, encourageant la prisonnière à se frictionner les bras avant d'appuyer sa tête contre les barreaux devant elle. Le désespoir avait depuis longtemps fait son chemin dans le cœur de Valentina mais la précarité de sa situation le transformait peu à peu en désillusion, une désillusion fortement teintée de colère. Contre elle même d'abord d'avoir été si naïve, mais aussi et surtout contre le véritable responsable de son infortune. Le traître qui s'était tenu à ses côtés encore quelques minutes auparavant avant de la laisser seule dans l'antichambre de l'enfer. Valentina fronça violemment les sourcils s'exhortant à ne pas prêter attention aux cris abominables du malheureux soumis à la question à quelques cellules d'elle, mais aussi pour tenter de faire taire la douleur qui lui déchirait l'épaule et irradiait dans sa poitrine. Elle garderait pour sûr une belle cicatrice, un cuisant et douloureux rappel pour toutes les erreurs qu'elle avait commises.

Valentina gratta l'une des nombreuses traces de sang séché qui maculaient son imposante robe couleur printemps avant de relever la tête et d'expirer profondément en fixant devant elle, au delà des barreaux de fer froid qui avaient vu défiler leur lot de condamnés. Quelles perspectives lui restaient elle ? Elle espérait encore éviter de passer entre les mains expertes de Pierre Jouenne et de Monsieur De la Reynie, le sanglant exécuteur du roi et plus encore d'échapper à la peine capitale : le châtiment réservé aux traîtres et aux régicides. En l'absence de son compagnon de cellule elle pouvait s'attendre à tout et surtout au pire. Sa Majesté ne ferait preuve d'aucune clémence, elle ne l'avait jamais aimée et cela était réciproque. Louis Dieudonné de Bourbon était l'un des pires individus qu'elle n'ait jamais rencontrés, il n'existait aucune insultes, dans aucune langues qu'il ne méritait pas mais il restait le roi, l'indéboulonnable Louis XIV aussi imbu de sa personne qu'assoiffé de pouvoir. Le seul espoir de la jeune femme résidait en l'influence, elle l'espérait bénéfique, de son exaspérante patronne. Elles avaient eu beau se mépriser et se mener la vie dure ces derniers mois, Valentina avait risqué sa réputation et même sa vie pour elle. Le moins que madame de Montespan pouvait faire, c'était lui rendre la pareille et la faire sortir de la prison du Châtelet. Elle n'espérait pas plus et se refusait à réfléchir plus loin. Que ferait elle une fois sortie ? Où irait elle ? Elle n'avait personne ici, la cour avait formé son unique refuge, certes tout relatif, mais seul lieu où elle avait réussi à survivre au 17ème siècle. Le seul endroit où elle se voyait rester. L'espoir lointain de parvenir à rejoindre son époque l'avait déserté après son incarcération, l'enfermement avait peu à peu émoussé ses rêves de retour au 21ème siècle, et les désirs de retrouver sa normalité. Valentina de Medrano allait devoir supplanter Valentina Rivière, pour survivre.

Le claquement d'une porte au loin fit sursauter la prisonnière, ses derniers moments étaient ils venus ? Allait on enfin l'arracher à l'insupportable attente glaçante et solitaire à laquelle elle avait été confinée ? Des éclats de voix indistinctes s'élevaient quelques étages en dessous. Valentina avala douloureusement sa salive n'osant briser le silence précaire qui s'était abattu dans les cachots depuis que le misérable s'était tu. Enfin, un rayon de lumière se glissa dans le boyau sombre de la forteresse, Valentina s'appuya contre les barreaux pour entrevoir le nouvel arrivant dont l'ombre se dessinait dans l'embrasure de la lourde porte en bois massif. Au fond d'elle s'épanouit alors la certitude que son heure était finalement arrivée.

Temporal AnomaliaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant