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Dans une ville de campagne un peu à l'écart des métropoles, se trouvait un parc. Tout simple. Huit balançoires, une tyrolienne, une araignée, un petit lac dont la couleur de l'eau dissuadait tout passant de se baigner, un tourniquet, des structures pour grimper, se pendre, s'accrocher, se cacher et c'était tout. Un parc comme on en trouve des milliers, paradis des enfants et cauchemars des parents, frères et sœurs plus âgés, tontons fatigués, grand-mères un peu sourdes.

Lisa, un mètre vingt-sept et demi, cheveux coupés court, barrettes attachant les mèches de devant qui s'envolent à la moindre occasion, jean déjà troué dévoilant un genou abîmé par des chutes indénombrables, tee-shirt invisible derrière un sweat épais, huit ans et pas toutes ses dents.
Meilleur ami : Chuck. Garçon un peu rondouillard, des tâches de rousseurs tout le long des pommettes, cheveux châtains, empoté, agréable comme tout, qui regardait les papillons s'envoler avec émerveillement et qui souhaitait un jour pouvoir leurs ressembler, huit ans et demi, un mètre vingt-quatre mais presque vingt-cinq il en était sûr.
Grand frère : Gally. Ado de dix-sept ans, baraqué, de larges épaules, un crâne rasé de près mais pas chauve, des sourcils en forme de vague, qui se fronçaient à la moindre contrariété, des yeux bleus assez beaux, couleur de la pluie si elle avait une couleur, sourire inexistant, vêtements marron, beiges, gris, un peu usés, caractère bien trempé, sociabilité ? il ne connaît pas, travailleur, borné, allant jusqu'au bout de ses projets et de la patience des autres.
Ennemi : Thomas. Dix-sept ans aussi. Et demi les dix-sept ans.
Petite sœur : Lisa.

La vie est belle quand elle n'est pas une pute.

Dans une ville de campagne un peu à l'écart des métropoles, se trouve un parc. Et dans ce parc, il y a cette petite fille qui se dépêche de rejoindre son meilleur ami suspendu à l'araignée. Dans ce parc, il y a Thomas qui court après Lisa.

L'araignée, gigantesque structure faite de cordes et de métal, énorme poteau au milieu maintenant l'ensemble sous forme de tente. Entourée de moitié par des bancs en pierre, marquants la limite entre les jeux et la pelouse, espacée de quatorze mètres de deux des huit balançoires, de six mètres d'une structure de bois et de métal que peu de personne utilise, coin rêvé des enfants un peu casse-cou, détesté de ceux qui voulaient rentrer tôt, paradis et enfer, étrange paradoxe.

Chuck descendit rapidement de son perchoir, sous l'œil de Gally qui n'avait pas l'air ravi. Comme si Gally allait être un jour ravi... Si Chuck descend de l'araignée, il y a deux possibilités. Trois à la limite. Il faut rentrer, Lisa est arrivée, c'est la fin du monde. Seize heures quatorze. Pas de tremblements de terre, ni de tsunamis venant du lac. Lisa.

Le cauchemar pouvait commencer.

Vous connaissez les enfants vous ? Tout seuls, ils s'amusent pendant une bonne demi-heure. Avec leurs amis, une éternité leur suffit. Seize-heure quinze. Seulement dix-sept minutes et onze secondes qu'ils étaient là. Et Lisa venait de pointer le bout de son nez. Gally le chercha des yeux. Avec un peu de chance ce serait sa mère ou son père.

La vie est belle quand elle n'est pas une pute.

Thomas soupira. Deux minutes. Deux putain de minutes et il en avait déjà marre.
Deux minutes ça vous laissait le temps d'entrer dans le parc, de repérer vos amis ou plutôt ceux de votre sœur, d'aller vers l'araignée, de vous asseoir sur une des deux balançoires parce que les bancs en pierre ne sont pas confortables et que vous êtes encore un enfant qui adore les balançoires.
Deux minutes et trente-deux secondes ça vous laissait le temps de jeter un coup d'œil à votre sœur histoire de vérifier si elle a trouvé son copain, de grogner quand vous voyez votre ennemi, de vous rendre compte qu'il y a quelqu'un sur l'autre balançoire.
Deux minutes et quarante-cinq secondes ça vous laissait le temps de vous rendre compte que l'inconnu est un garçon de votre âge à peu près car vous n'êtes pas fort pour estimer les âges, qui dessine.
Deux minutes et cinquante-neuf secondes ça vous laissait le temps de remarquer que le garçon en question est sacrément canon.
Et au bout de trois minutes, vous détournez le regard, vous sortez votre téléphone et vous l'oubliez.
Fin de l'histoire.

Le garçon de la balançoire d'à côtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant