Les ombres noires

Chapitre 1

Lily se réveilla à cause la sonnerie infernale de son réveil et se rappela aussitôt que c'était le jour du grand départ. Comme elle habitait à la campagne et que  son collège était à deux heures de routes, sa mère avait décidé de l'inscrire dans un internat se trouvant à dix kilomètre d'une bourgade appelé Grouje-Ville. Lily n'avait franchement pas hâte d'y aller : elle ne rentrerait chez elle que les week-end et dormirait dans une chambre qu'elle partagerait avec trois autres filles inconnues. L'horreur. 

Avant tout, il fallait déjà savoir que Lily était une petite fille de onze ans, insociable et râleuse, qui parlait peu. Petite et frêle, avait le teint pâle et de grands yeux gris. Ses longs cheveux noirs et droits lui arrivaient à la taille.

Lily se leva et enfila les premiers habits qui lui passèrent sous la main : un tee-shirt gris de trois taille trop grand, un leggins noir et des bottines, noires également. Elle se passa un coup de brosse dans les cheveux, prit sa valise qu'elle avait préparé la veille et se rendit dans le hall d'entrée. Sa mère était déjà prête, élégante et soignée, comme à son habitude. Ses longs cheveux d'un blond lunaire encadraient son visage fin aux lèvres délicates et aux yeux d'un violet intense. Elle était vêtu d'un tailleur simple, mais avait ajouté une touche de fantaisie à sa tenue : des boucles d'oreilles en forme de plumes, d'un bleu profond aux reflets chatoyants.

- Tu es en retard, Lily. Allez, dépêche-toi. Et tâche de bien te comporter, à l'Internat des Arbres Morts !

- L'Internat des Arbres Morts ? Charmant, ironisa Lily.

Lily suivit sa mère jusqu'au garage, et s'installa à l'arrière de la voiture pendant que l'autre mettait dans le coffre la valise de la fillette. La mère de Lily ferma le coffre et s'assit à l'avant. Elle tourna la clé de contact et le moteur démarra. Lily, assise sagement sur son siège, entamait un nouveau livre, Les Royaumes du Nord, pendant que la voiture quittait le garage et s'éloignait de la maison.

Le voyage parut interminable, et Lily souhaitait qu'il ne s'arrête jamais. Elle n'avait aucune envie d'aller dans cet internat. Comme si elle avait lu dans ses pensées, sa mère entama un long monologue sur les bienfaits de l'Internat des Arbres Morts.

- Tu verras, tu te feras plein d'amis, et c'est un endroit charmant ! J'ai déjà parlé au directeur, par téléphone, bien sûr, il est très...particulier, on va dire, mais je suis sûre qu'il sera très gentille avec toi. Il m'a dit qu'il adorait les enfants...D'ailleurs, il y a de multiples options, à l'Internat des Arbres Morts : il y a du judo, du dessin,du football, de la natation et même de la pâtisserie ! Si tu ne trouve pas ton bonheur là bas...

Elle laissa sa phrase en suspense.

- On est arrivées !

Lily leva le nez de son livre et elle vit enfin à quoi ressemblait l'internat. C'était une sombre bâtisse, envahie par le lierre, qui paraissait très vieille. Autour de ce manoir, il y avait une immense forêt d'arbres morts et de grands sapins tordus et dégarnis. La fillette détesta aussitôt cet endroit.

- Je vais être internée...ici ? C'est glauque...N'empêche, cet internat porte bien son nom !

- Lily, tu vas t'y plaire...je suis sûre que tu voudras même rester pour le week-end tellement tu aimeras vivre ici ! Tu auras plein d'amis, tu verras ! Allez, viens, on doit aller chez le directeur, M. Trémoullet, pour qu'il te fasse visiter l'endroit, et qu'il te montre ta nouvelle chambre ! Je suis sûre que tes colocataires seront charmantes !

- Tu crois au miracles, soupira Lily.

Elles sonnèrent à l'interphone, qui se trouvait juste à côté du sinistre portail en fer forgé.

- Bonjour, dit une voix d'homme grinçante qui roulait affreusement les "r".

- Bonjour, c'est Mme Tiddler. J'amène ma fille, Lily. Elle doit être internée ici.

- Vous pouvez entrer.

Le portail se déverrouilla. Lily et sa mère traversèrent le jardin envahi de ronce qui devait sans doute servir de cour de récréation, comme le dénotait des bancs à la peinture écaillée, et elles entrèrent dans le manoir.

L'entrée était totalement différente de ce que Lily s'était imaginé. Déjà, elle était petite, bien éclairée, avec des murs recouvert de papier peint jaune vif. Le sol était tapissée d'une moquette épaisse et moelleuse, et trois fauteuils dorés, qui paraissaient confortables, meublaient la pièce. Mis à part ça, il y avait deux porte : une grande, qui menait probablement aux salles de classes ou au foyer, et une petite, en bois verni, dont la pancarte annonçait : "Bureau du directeur".

La mère de Lily se dirigea vers cette porte et frappa trois petit coups. Lily rejoignit timidement sa mère, pour entendre une voix (la même voix que l'interphone) leur demander leur identité.

- Je suis Mme Tiddler, la mère de Lily, qui doit être internée ici.

- Entrez donc...

La porte s'ouvrit en grinçant.

Le bureau était sombre, les murs recouverts d'un papier peint maculé de curieuses taches brunes et verdâtres. Pour tout meuble, il y avait un bureau, un fauteuil en cuir rouge sang, un tapis élimé et un chandelier qui éclairait la pièce. Assis sur le fauteuil, un homme très grand et très maigre fixait Lily et sa mère de ses yeux translucides, surmonté de sourcils hirsutes et touffus qui se rejoignaient au-dessus de son nez, n'en formant qu'un, très long, qui s'étalait sur toute la largeur de son front. Il avait une calvitie, et ses rares cheveux étaient blancs et hirsutes. Sont teint verdâtre, ses joues creuses, son nez crochu et ses lèvres incroyablement fines lui donnaient un air effrayant. Pour couronnait le tout, il tapotait l'accoudoir de son fauteuil de ses longs doigts griffus, aux ongles incrustés de crasse.

- Bonjour, Mme Tiddler, grinça le directeur entre ses dents brunâtres.

- Bonjour. Appelez-moi Paprika.

- Bonjour, Paprika. Et bonjour à toi aussi, Lily.

Lily esquissa un sourire crispé. Ce directeur ne lui disait rien de bon.

- Bonjour monsieur.

- Bon, s'exclama l'étrange directeur. Assez perdu de temps. Lily, je vais te faire visiter l'internat.

- Je peux la laisser ? Demanda la mère de la fillette.

- Oui, je m'en occupe. Au revoir, Paprika.

- Au revoir, maman, murmura Lily, angoissée.

La mère de Lily partit, abandonnant sa fille à son sort.

- Allez, viens, sale gosse, lui ordonna le directeur d'un ton méprisant. Et dépêches-toi, on n'a pas toute la journée.

Il avait abandonné son masque de politesse et montrait à présent sa vraie personnalité. Évidemment. Il fallait faire bonne figure face aux parents, pensa Lily en suivant le directeur dans le hall.

Le directeur ouvrit la grande porte et ils se retrouvèrent dans un long couloir sombre, aux murs gris, avec des portes de chaque côtés, chacune avec un numéro différent.

- Ça, c'est les salles de classe.

Il marchait vite, et à grandes enjambées. Ses longs membres décharnés faisaient irrésistiblement penser à des pattes de faucheux, ces araignées que Lily détestait.

Ils montèrent deux grands escaliers et se retrouvèrent dans un autre couloir sombre, presque identique à celui du rez-de-chaussé, à un détail près : les murs étaient blancs.

- Voici les chambres. Tu sera dans la chambre 13, avec Muriel Guignan, Henriette Polochon et Anastasie Pintanoussovich. Je te laisse, maintenant. Je n'ai pas que ça à faire.

- Mais...et la cantine ? Et...

- Tu te débrouilleras, sale gosse, la coupa le directeur. Tu demandera à tes colocataires.

Lily poussa un long soupir et regarda s'éloigner cet affreux directeur.