ALEXANDER
J- 42
23h08
Théâtre Carlo Felice, Gênes, Italie
— Je ne vais pas tenir cinq minutes de plus.
Comme pour donner raison à mon profond ennui, un des acteurs du spectacle qui se joue devant nous se jette à terre et supplie en criant son père d'épargner l'amour de sa vie. Je crois que je n'ai jamais vu une histoire aussi niaise de toute ma vie.
— Et c'est à lui qu'on laisse les commandes quand Rose n'est pas là ? Je ne comprends pas comment on a pu survire si longtemps.
— Julia, tu me brises le cœur.
— Toi, tu me brises le cerveau à débiter trop de conneries en une seule minute.
Cece, à ma gauche, rigole avec retenue alors que j'offre à sa jumelle un doigt d'honneur qu'elle observe en levant les yeux au ciel. Je me penche alors vers la blonde qui fait s'affoler mon cœur mais qui, concentrée à scruter le moindre mouvement des personnages, ne réagit que quand je tape gentiment sa tête de la mienne.
— Elle a ses règles ?
Le coup pied évité de justesse de la seconde blonde me confirme qu'elle a également entendu la question.
— Et toi, t'es enceinte ?
Son ton mordant m'amuse : c'est vraiment divertissant d'avoir une amie qui s'irrite aussi facilement. C'est stimulant pour mon humour d'avoir un public aussi réactif.
— Comment tu sais ?
Elle se retourne vers moi avec une mine dégoûtée.
— Je l'ai vu à ton ventre bedonnant.
Cette fois, c'est Emilio, assis à la droite de Julia, qui explose de rire et s'attire les regards courroucés des spectateurs près de nous.
— Ne rigoles pas à mes blagues, trou du cul.
Je l'entends murmurer une réponse mais un juron s'ensuit, signe qu'il a sûrement bénéficié d'un coup de pied de la part d'une Julia qui ne nous offre pas un seul regard. Elle distribue sa mauvaise humeur sans nous accorder l'honneur de s'intéresser à nous. Emi roule des yeux quand je croise son regard et m'adresse un sourire complice auquel je réponds par un clin d'œil amusé. Julia ne rate rien de notre échange mais fais le choix de ne rien dire et continue à nous mépriser comme si de rien n'était.
Je reporte mon attention sur la pièce ou plutôt sur Cecilia que je préfère à la comédie jouée plus bas. Étudier ses réactions, la manière dont son visage se secoue quand elle rit ou celle de ses lèvres quand les paroles d'un personnage la choque est une activité bien plus divertissante que de pauvres acteurs qui ne possèdent rien de son charme.
Elle repousse une mèche qui barrait son front et chatouillait sa paupière barrée et son œil de verre blanc comme la neige m'hypnotise. En fait non, ce serait mentir de dire que ce n'est pas elle tout court qui m'hypnotise. Un rire général secoue le public du théâtre, imité par les autres, dans la loge que nous avons investi. Je me penche un instant dans mon fauteuil pour apercevoir les acteurs mais rien de ce que je vois ne me semble si hilarant.
— T'entendre gémir mon nom quand tu retenais à peine ton orgasme était bien plus distrayant que cette petite pièce.
Cece m'offre une brusque œillade noire sachant pertinemment que Julia n'a pas manqué un seul mot de ma phrase. Mais je la rassure d'un sourire explicite puisque sa jumelle ne m'assaisonne pas d'une énième remarque désobligeante et fait mine de n'avoir rien entendu. Je suis presque déçu que ma tentative de relancer les hostilités ne prenne pas.
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NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1
ActionTHRILLER ROMANTIQUE ❀ Rome, Italie Avez-vous aperçu leur ombre dans votre dos quand vous vous promeniez dans les plus belles galeries d'art de la ville ? Avez-vous senti l'acier de leur lame sur votre cou alors qu'ils s'emparent de vos précieux tabl...