Je sens mon corps se réveiller peu à peu, devenir de plus en plus léger. Les paupières toujours fermées j'essaie de me rendormir. Il fait froid, mais sous les draps je suis bien, au chaud. Je ne veux pas en sortir, maintenant, ni jamais d'ailleurs.
Je prends donc la difficile décision de me lever et d’ouvrir les épais rideaux. Il ne fait pas très beau dehors, le soleil ne veut pas tellement se montrer. Berthe entre dans la chambre et vient poser ma robe sur la chaise en face de la coiffeuse.
« Oh vous êtes réveillée ? Vous ne vous levez pas de si bonne heure d’ordinaire. »
Son ton exprime sa surprise. Il est vrai que je suis quelqu’un qui aime dormir et qui ne trouve pas l’utilité de se lever tôt s’il n’y a rien à faire de ces heures en plus. L’ennui est très présent au château, quand le roi est occupé, la Cour ne fait que l’attendre, et rien ne se passe.
« Oui, je n’arrivais plus à dormir. »
« Oh, j'en suis navrée. »Nous ne discutons que très peu. C’est une jeune femme adorable et très serviable. Elle fait tout pour égayer mes journées et me rendre la vie plus simple. Cependant, elle n’est qu’une employée et ne sera à jamais que cela, ce qui fait de notre relation rien de bien important à mes yeux. J’aurais aimé pouvoir la considérer comme une amie, car je n’ai personne à mes côtés, mais cela est-il même possible ?
« Vous avez quelque chose de prévu aujourd’hui ? » Me demande-t-elle.
« Non, pas pour le moment. »
« Cela fait plusieurs mois que vous êtes arrivée au château, vous devriez vous faire quelques amis et passer du temps ailleurs qu’entre ces quatre murs. »
« Je le sais bien, cependant je ne trouve personne qui soit à mon goût. »
« Vous ne cherchez pas aussi. »
« Très juste… »
« Allez dans les salons, essayez de discuter avec quelques personnes. Vous n’êtes pas obligée de rester si personne ne vous convient, mais essayez au moins. »Je la regarde une minute, pour réfléchir à sa proposition. C’est vrai que me sentant assez seule et n’ayant rien à faire de mes journées, la vie à Versailles commence à devenir très pesante. Je me décide alors à aller voir mon mari, pour lui demander de me présenter.
« Je vais vous aider à vous habiller. Quel parfum voulez-vous mettre aujourd’hui ? »
« Celui avec la pivoine. »
« Très bon choix. »Elle m’aide à mettre mon corset et enfiler chaque tissu qui compose ma robe. Ceci fait, elle me coiffe, me met un peu de poudre, puis du parfum. Ensuite elle s’attèle à faire le lit et emmener les vêtements sales à la blanchisserie du château, ce qui me permet d’aller trouver Nicolas.
Je le cherche partout mais ne le trouve nulle part. Je prends mon courage à deux mains pour oser demander où il peut se trouver à quelques hommes. Positionnés en cercle, dans un des nombreux salons, ils buvaient du vin rouge et discutaient de Dieu seul sait quoi.
« Pardonnez mon intrusion messieurs, mais je cherche mon époux, Nicolas de Savoie. Sauriez-vous par hasard où je puis le trouver ? »
Je prends une voix douce, calme et posée, cette même voix jugée attrayante chez une femme et que je trouve bien trop acre à l’écoute. Mais soit, c’est cela la vie en société, se plier aux exigences de l’autre pour s’attirer ses faveurs.
« Bien le bonjour ma dame. Vous devez donc être Jeanne, je suis honoré de faire enfin votre connaissance. »
C’est l’homme à ma gauche qui me répond, d’un ton que je pourrais qualifier de séducteur, mais je ne suis pas assez habituée à la société et à la cour pour en être persuadée.
VOUS LISEZ
A l'ombre des orangers
Historical FictionJeanne, habituée à sa solitude et son petit univers, découvre la joie et la vitalité de la jeune Margot. Bien que rétissante à la demande de son mari d'aider la jeune fille à s'intégrer à la Cour, elle finit par accepter et même l'apprécier. Au poin...