25 | Repas de « famille »

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JULIA

J- 37

20h05

Villa Spinam, île inconnue, Mer Ligure

   

On a tous eu besoin d'oublier ce qu'on avait vu.

J'ai bu pour ne plus me souvenir et si certains m'ont suivi, d'autres ont préféré fixer les étoiles ou les murs sans rien dire. Ce n'est pas que nous avons été traumatisés, non. Nous connaissons tous la violence : nous avons grandi avec elle. Mais la retrouver a fait l'effet d'un électrochoc. Elle a tenu à nous rappeler que tout ça, tout ce qu'on allait faire était loin d'être un jeu, que c'était même l'inverse. Elle nous a rappelé que nous pouvons tous mourir. Elle nous a rappelé que dehors, ce n'était pas une cours de récréation mais bien la jungle terrifiante et mortelle de la pègre. Elle nous a rappelé qui nous étions vraiment.

Pourtant, nous avons tous eu besoin de nous amuser. Pour oublier que nous pouvions tous mourir. Pour oublier que dehors, ce n'était pas une cours de récréation mais bien la jungle terrifiante et mortelle de la pègre. Pour oublier qui nous étions. Ce sont les soirées ensoleillées, les grillons qui chantent dans les bosquets, les arbres doucement secoués par la brise ou les clapotis de l'eau berçant nos songes qui ont eu raison de la morosité ambiante. Rosalia a proposé une soirée poker et beaucoup ont été d'avis que c'était une bonne idée pour se changer les esprits. J'ai préféré m'allonger sur un transat près de la piscine pour bronzer et écouter les éternelles disputes que le jeu de cartes provoque toujours.

— Tapis.

— Encore ?

— Je n'ai pas à me justifier. Tapis.

— Elle bluffe, c'est évident.

— Si tu es si sûr de toi, Caleb, je t'en prie, suit.

— Elle est en train de te manger le cerveau, Cal. Fais gaffe.

— Je suis.

— Alex ?

— Ne comptez pas sur moi. Je passe.

Sûrement la décision la plus intelligente de sa vie. J'ai beau être loin de la terrasse, je ne rate pas une miette de leurs disputes puériles vu la manière dont ils parlent fort et perdent sans aucune dignité.

— Mais bordel, tu comptes les cartes ou quoi ?

— Je te l'avais dit !

— Tu sais que tu es mauvais perdant, Caleb ?

— Allez-vous faire foutre !

— Sans façon, merci.

Je ris à gorge déployée et mes lunettes de soleil se secouent sur mon nez. Je décide de me retourner sur le dos pour éviter de brûler la peau de mon dos et les rayons du soleil caressant mon ventre découvert et mes jambes nues sont la récompense de mon choix judicieux. Je prends le temps d'étaler correctement mes cheveux autour de moi et de remonter les lunettes sur mes yeux sensibles puis ferme à nouveau les yeux et me concentre sur la conversation qui se tient là-haut.

— On n'avait pas dit que tu me donnais ta veste en cuir si je gagnais ?

— Tu fumes trop, Rosalia. Beaucoup, beaucoup trop.

— Tu mens affreusement mal, Cal.

— Affreusement, affreusement mal, Caleb.

C'est d'abord le bruit caractéristique de quelqu'un qui sort de l'eau puis l'ombre au-dessus de moi qui me font rouvrir les yeux et ce pour tomber nez à nez avec un Emilio dont le torse ruisselant et les pupilles sombre sont braquées sur moi. Une goutte dévale une mèche de ses cheveux trempés et s'écrase sur son épaule. Je la suis des yeux quand elle s'enfonce sur la clavicule halée du brun puis quand elle finit sa course entre ses abdos contractés. Un maillot de bain noir m'empêche de descendre plus bas. 

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant