Chapitre I. Réclamation

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La lune était d'un bleu étrange, d'une couleur que l'on ne voyait que rarement. Tout était noir autour de moi, le brouillard m'empêchait de distinguer pleinement la forêt. Seulement des arbres d'une hauteur vertigineuse dont les feuillages bloquaient la vue du ciel. Impossible de se repérer. Je pouvais sentir l'humidité des bois et la fraîcheur qui se dégageait de la nature, remplissant mon corps entier de frissons. Je tournai sur moi-même, encore et encore, dans l'espoir de trouver une sortie. Les feuilles sèches s'écrasaient sous mes pas, faisant le seul bruit aux alentours. Soudain, ma respiration se bloqua. Alors je sus qu'il était là. Sans le voir, sa présence inondait tout l'espace, son odeur parcourait tous mes sens. Lorsqu'il fut derrière moi, mon cœur se mit à battre de plus en plus vite. Sa main effleura mon poignet, et son toucher m'électrisa. Il remonta sa main de plus en plus haut jusqu'à atteindre mon cou. Mon souffle devint saccadé et mon corps se paralysa. Face à lui, je ne pouvais rien faire. Face à lui, j'étais complètement paniquée. J'étais entièrement à sa merci. Malgré l'instant de bonheur que me procurait ce moment, lorsqu'il approcha ses lèvres de ma nuque, je me mis à hurler...



Aurore se releva d'un coup, s'assommant au passage contre la poutre en bois.« Qui a eut l'idée d'installer une poutre juste au-dessus du lit... », grogna-t-elle en se massant la tête. Une fois ses esprits revenus au bon endroit, elle se posa assise contre le mur. Toujours le même rêve... Bien souvent, depuis des années maintenant, elle faisait le même rêve. Enfin, pas exactement similaire à chaque fois mais elle se retrouvait toujours seule dans un endroit lugubre puis ce garçon arrivait. Elle n'avait jamais vu son visage, ni même sa silhouette, mais elle savait que c'était un homme. Néanmoins, Aurore n'avait toujours pas découvert s'il était bon ou mauvais. Elle se savait aveuglément amoureuse de lui (dans son rêve seulement?), et c'était quelque chose qu'elle ne pouvait expliquer. Un sentiment de familiarité, de douceur, comme s'il était sa maison. Alors pourquoi finissait-elle par hurler à la fin ?Cela demeurait un mystère.

Malgré sa migraine due à son rêve, elle se leva péniblement de son lit. Aurore vivait sous les combles, dans un appartement extrêmement petit et étroit, mesurant à peine quinze mètres carrés. Elle ne possédait qu'un lit, un petit bureau avec une chaise, une armoire, une salle de bain ainsi qu'un petit frigo et une plaque de cuisson. C'était loin d'être le grand luxe, mais elle ne pouvait se permettre plus et au moins, elle n'était pas dehors. De plus, elle avait la chance dans son malheur de vivre au-dessus de la boulangerie du village ; connaissant bien la propriétaire, elle se faisait parfois offrir à manger, ce qui lui évitait de dépenser de l'argent.

En effet, Aurore vivait dans un petit village plutôt reclus, à environ deux heures et demi en voiture de la ville. Pour une jeune personne comme elle, il n'y avait malheureusement pas grand chose pour se divertir ou pour faire les courses. Le village de Sanvyr se composait d'une mairie, d'une boulangerie/épicerie, d'une pharmacie, d'un coiffeur, d'une école allant de la maternelle au lycée et étrangement, une université de lettres modernes. Cette-dernière était très petite et ne permettait pas forcément de trouver un emploi par la suite, en particulier dans ce milieu. Pourtant, c'était la voie qu'avait choisi Aurore. Elle ne savait pas précisément ce qu'elle souhaitait faire plus tard, mais elle était sûre que ce serait dans les livres. C'est pourquoi depuis l'année dernière, après l'obtention de son baccalauréat, elle s'est inscrite à cette université tout en travaillant à la boulangerie pour gagner de l'argent.

Évidemment ,c'était toujours les mêmes personnes qu'elle voyait tous les jours. Les mêmes habitants dans les mêmes maisons faites en pierre ou en bois colorées des couleurs d'automne. Il n'y avait jamais rien d'imprévisible ou de surprenant dans son quotidien. L'unique chose étrange était qu'elle ne se souvenait de rien de son enfance. Elle avait bien des souvenirs à partir de ses douze, treize ans mais avant, le blanc total. Elle avait beau essayé de se rappeler de quelque chose, de faire de la méditation pour débloquer quelque chose, en vain. Cela lui donnait l'impression qu'elle était née adolescente, ce qui était pour le moins très bizarre. Pour couronner le tout, aucun parent, aucun frères et sœurs, aucun oncle ou tante. Aurore avait pourtant maintes et maintes demandé à la mairie de voir son dossier, de chercher plus d'informations mais on lui avait toujours répondu qu'elle ne figurait sur aucune fiche. Comme si elle n'existait pas. Pendant longtemps elle avait été troublée par cette absence de...tout finalement, dans sa vie. Néanmoins, elle remarqua bien vite que cela ne l'empêchait pas de faire quoique ce soit, en tout cas dans le village. Elle savait que si elle devait se rendre en ville pour chercher un travail, les problèmes commenceront.

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