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A mort (Kawaragi Senju)

— A mort, à mort, à mort !!

J'essuyai une larme de sang qui coulait de ma narine et retraçait la courbe voluptueuse de mes lèvres. Non, on ne m'avait pas cognée assez fort pour déclencher ce phénomène. Cela m'arrivait assez fréquemment au cours d'un effort intense. Quel corps fragile, franchement.

Moi et mon adversaire nous tournions autour comme deux loups se disputant une proie. Son regard perçait le mien avec une flèche d'acier, et moi, je calculais inconsciemment toutes les possibilités de coups qu'il pouvait me porter à tout moment. Il était gaucher, usait bien trop peu de ses jambes par rapport à la répartition avantageuse de sa musculature, et me pensais droitière alors qu'ambidextre. Et puis, le public commençait à s'impatienter. Je savais que la majorité avait parié sur ma gueule ; après tout, j'avais remporté tous mes combats précédents de la soirée.

Mais, mon enchaînement de victoires ne m'empêchait pas de rester prudente et attentive. Je décidai de rester pseudo-droitière jusqu'à rencontrer un adversaire digne de mon poing gauche. Non pas par fierté, mais pour garder ma botte secrète bien cachée.

Le lycéen face à moi se jeta alors dans ma direction, chargeant comme un taureau. J'esquivai aisément, puis me rendis compte qu'il avait pris juste assez d'élan pour tourner au dernier moment et balancer un high kick de son pied droit. Je le bloquais avec mon avant bras. Dans le demi-seconde qui vint, je ripostai avec un coup de poing bien placé dans le ventre. L'impact souleva légèrement la capuche de mon large sweat. Je transpirais à grosses gouttes sous mon masque en tissu, à force d'enchaîner les affrontements.

Il cracha un peu de salive sous le coup.

Une nuée de cris de satisfaction traversa la foule. Nous échangeâmes encore quelques coups sans jamais qu'il ne me touche.

Les caméras retranscrivaient en direct la scène sur les écrans de riches gens prêts à miser sur nous. Ils se délectaient sûrement du spectacle, bien en chaud dans leur fauteuil. Voilà à quoi servaient les combats clandestins du Brahman : divertir, brasser maximum de thunes, et... et repérer les éléments prometteurs qui pourront prétendre à rejoindre le gang.

Ce que je faisais ici ?

Il fallait que je rejoigne coûte que coûte le Brahman.

Je réussis en deux temps trois mouvements à mettre au tapis mon concurrent en donnant un coup à l'arrière de son genou puis dans sa cheville, et à le maintenir au sol. J'allais lui régler son compte une bonne fois pour toute, quand il leva sa main de peur pour se protéger. Geste inutile, sauf que... sauf que celle-ci atterrit droit sur mon sein gauche. Il afficha un air étonné, pressa deux fois pour vérifier qu'il ne s'était pas trompé.

— Tu es... une fille ?!

Je décochai une droite en plein dans sa face pour le faire taire. Il s'évanouit sur le champ. Mais, trop tard, la rumeur se répandait déjà dans le public. Il y avait une fille dans l'arène. Une fille qui raflait la victoire à chaque fois. L'arbitre décréta le KO, et brandit ma main en l'air. L'audience scanda mon nom de famille à vive voix.

Je savais qu'il n'était qu'une question de temps avant qu'on me vire, ce genre d'événements était généralement interdit au sexe féminin.

La foule se tut soudainement, je relevai la tête. Une petite personne vêtue de l'uniforme du Brahman, capuche sur le nez, venait de faire son entrée dans la grande salle souterraine. Elle avait levé la main pour leur intimer le silence. L'individu descendit le grand escalier qui traversait les gradins dans un suspens insoutenable. Puis, il me rejoint dans l'arène, et m'observa de haut en bas.