Cauchemars

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Chapitre 10

« Tu devine ce que c'est ? »

Otsu, le visage dans les mains, aurait voulut se détacher de l'enveloppe brune qui prenait toute la place sur la table, mais ses yeux y étaient vrillés.

« Je suppose que c'est un dépôt de plainte... Lâcha-t-elle dans un souffle.

- Pas tout à fait. Là dedans, tu as le témoignage d'Erwin Smith, la victime. Le mien et celui d'Hanji, les témoins. Ton nom est cité comme coupable par intermédiaire, nous voulions bien sûr t'éviter la peine maximale.

- Vous êtes si miséricordieux ! Cracha Otsu.

- N'est-ce pas ? Il fallait te protéger un minimum, après tout tu as été contrainte par un de tes clients. Nous devons donc savoir qui tire les ficelles. Le Tribunal des Armées va devoir enquêter ici. »

Une bile acide remonda dans la gorge d'Otsu. Elle ferma les yeux, pour retenir les larmes de rage qui s'accumulaient sous ses paupières.

« Le Major a décidé de me faire chanter ?

- Je n'ai pas besoin de t'expliquer ce qu'il se passera si une enquête est ouverte dans votre petite affaire. Tes patrons ne vont pas apprécier que des militaires viennent mettre leur nez ici. De manière officielle, j'entends.

- Mais en quoi me forcer à espionner pour vous va vous aider ? Demandez ça à quelqu'un qui a vraiment envie de servir vos intérêts !

- L'ennui vois-tu c'est que ces gens là font déjà partie de nos troupes. Ou sont morts, bouffés par les Titans. Toi, tu ne veux servir que toi même. Nous n'avons pas fouillé dans ton passé, pendant ta formation, pour ne pas attiser les curieux, mais tu nous en as dis bien assez. Tu te moque de la reconnaissance d'autrui, de sauver des vies ou de la survie de l'Humanité, y'a que la tienne qui t'intéresse. Ca serait dommage de gâcher tous tes efforts maintenant hein ? »

La jeune femme s'affaissa contre le mur derrière elle. Une fatigue épaisse et gluante embourbait peu à peu ses muscles. Quelque chose dans sa tête, sa cervelle peut-être, se retira du reste de son corps.

« C'est bon. Dites lui, au Major, que j'accepte. »

Le caporal acquiesça, fit disparaître l'enveloppe et quitta l'alcôve. Otsu serra ses bras contre elle, frigorifiée. L'Oeillet était un monstre endormi. Un faux pas, et il se réveillerait pour la dévorer. Un faux pas qu'elle pourrait commettre à tout moment. Et le sommeil de la bête était si fragile...

***

Le Caporal Chef s'éloigna du salon de thé, le laissa derrière lui, disparaître dans la nuit. Il se plongea lui aussi dans l'obscurité, suivit une rue, bifurqua dans une autre, et s'arrêta net avant de heurter la voiture qui l'attendait. La porte s'ouvrit, Livaï y grimpa. Presque aussitôt, l'attelage démarra et roula en direction du Q.G de la garnison, sans autre bruit que celui des sabots sur les pavés.

« Comment ça c'est passé ? S'enquit Hanji.

- A peu de choses près comme je l'imaginais.

- Donc elle a finit par signer. »

Livaï hocha la tête et se tourna vers la fenêtre, distinguant à peine les bâtiments nimbés de noir de l'autre côté, à travers son reflet.

« Tu penses toujours que c'était une mauvaise idée ?

- Oui. Mais c'est un pari d'Erwin, elle est trop proche de tous nos ennemis pour qu'on ne l'utilise pas. Et puis, il a raison sur un point. La gamine ne tient pas seulement qu'à sa peau, y'a ses compagnes aussi. Ces filles là se soutiennent. Otsu ignore qu'elle nous a donné toutes les armes dont on avait besoin pour la faire venir à nous.

Bienvenue à l'OeilletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant