No surprises

1 0 0
                                    

Le vent frais venait s'engouffrer dans son manteau alors qu'il regardait les lumières de la ville qui se reflétaient sur l'eau. Vu de la ou il était elle semblait presque belle. Comme si elle s'était parée d'une sombre robe sertie de millier de petit diamant tous brillant de différentes lueurs et intensité. Le sombre châle disposé autour de sa tête dissimulait presque ses cheveux gris se dressant en moutons sur sa tête et montant vers le ciel avant de se dissiper dans l'air. Parfois un nuage noir de ses cheveux perçait au milieu de cette uniformité grise, dévoilant toute la profondeur de la pollution quelle générait. Son visage aussi était moins visible, mais il avait appris à distinguer son hideux visage, il le connaissait presque par cœur. Il connaissait ce visage aux deux faces opposés et pourtant tout aussi hideuses l'une que l'autre. Il connaissait cette face sale, à laquelle il manquait des dents noires et crasseuses, cette face au teint noir de suie, à l'œil roulant sans cesse dans son orbite.
Il connaissait aussi trop bien l'autre face. Par coeur il pouvait dessiner ce visage blanc et délicat à l'oreille certie de dorure et de grosses boucles. Il pouvait décrire à la perfection le diamant d'un rouge incandescent qui lui servait d'oeil ainsi que ces dents couvertes d'or.
"Qu'est ce que tu regardes?
-Je sais pas un peu tout ça je crois.
-Ah vous les humains toujours aussi desespérément imprécis.
-T'es à moitié humain aussi je te le rappel.
-Oui je sais. Et c'est malheureusement un défaut qui m'a été cédé par ma mère.
-Moi je trouve que ça te rend plus supportable que tes congénères.
- Merci je suppose. "
Le silence les enveloppa pendant quelques minutes. Tous deux contemplaient la ville et leurs pensées. Tous deux voyaient briller faiblement leurs avenir incertains et le reflet des étoiles.
"Dis. T'en penses quoi de cette proposition ?
- Je sais pas. Comme je te l'ai dis, ça avait l'air d'être un piège et en même temps elle aurait pu me tuer. Et puis elle m'a laissé en voir plus que nécessaire.
-Mais quel intérêt elle aurait à faire ça? Je veux dire. Si elle veut vraiment "les" renverser elle prend des risques énormes. Et puis même toi tu n'y as pas réussi.
-Oui mais la. Elle est particulièrement haut placée. "
Ceci disant il sortit un mouchoir en tissus soigneusement plié qu'il déplia avec précision.
À l'intérieur gisait une petite boucle d'oreille certie d'un gros rubis sur lequel était inscrit en noir un caractère qu'il ne savait déchiffrer mais qu'ils ne connaissaient que trop bien.
"Euh qu'on soit bien d'accord. dit le demi-elfe. Les bagues et collier d'améthystes c'est ceux qui gèrent la distribution.
-L'émeraude c'est pour ceux qui s'occupent de cultiver et innover
- Le Jade l'import export.
-Et l'onyx pour la brigade de nettoyage et d'extorsion.
-Sans oublier la boucle de saphir pour les trois hommes de confiance du Boss ainsi que le diamant pour ce dernier.
Mais le rubis c'est pour ? demanda-t-il en remettant sa blouse blanche en place.
-La famille du boss mon ami. La famille du boss. "
Un voile de silence retomba sur ses derniers. Leur choix se resumé entre accepter et foncer droit dans un piège potentiel ou refuser et être certain de se faire dénoncer. Et alors que la nuit prenait lentement fin et que les quais commençait à reprendre vie, il glissèrent lentement du pont à la cale tels les fantômes qu'ils étaient et voulaient demeurer.

***********

De la musique s'échappait des fenêtres du Conservatoire alors qu'il avançait lentement. La C d'un violoniste émérite planait dans l'air alors que chutait les fausses notes des apprentis clarinettistes, flûtistes et bassonistes. Parfois des petits rires venaient servir de coeur à tous ses extraits de partitions desacordés, souvent accompagnant l'entrée sonore de la règle claquant sur un bureau. Plus rarement encore il entendait les cantateurs s'échauffer la voix ou même répéter pour leur future représentation. Ces fois il s'arrêtait pour écouter. L'opéra était un plaisir d'elfe snob selon son père, mais c'était plus fort que lui, il ne pouvait s'empêcher d'admirer ses chants et cette musique si unie et pourtant pleine de nuance. Il n'y était jamais allé bien sûr, qu'est ce qu'un orc viendrait faire dans un opéra.
Il continua d'avancer le long de ces rues pavés tout en pensant. Les cours de demain, l'expédition de la semaine prochaine, les partiels de fin du mois et Mélie. Si seulement il pouvait être autre chose, si seulement il pouvait être n'importe quoi d'autre que lui. Car n'importe quoi d'autre avait plus de chance de se rapprocher d'elle. Un humain, un nain, un elfe noir et un elfe avaient des millers de fois plus de chance que lui de l'approcher, de l'aborder. Une fleur, une robe, une pierre, une brise, un courant d'air, une ombre, avaient des millions de fois plus de chance que lui d'effleurer sa douce peau, de se faire toucher par ses cheveux blonds.
À mesure qu'il avançait et que le temps s'écoulait, les rues se chargeaient de plus en plus, ainsi il du abandonner cette fine toile de pensées qu'il s'efforçait de tisser petit à petit. Il avait l'impression de nager dans la foule levant les bras à des rythmes régulier pour avancer ou laisser passer un contre courant de plus petites créatures. À force d'effort il déboucha sur le fleuve. Situé entre les deux vagues de cette ville. Et comme chaque soir, comme chaque matin, il traversa ce pont. Puis comme chaque début de soirée et comme à chaque commencement de journée il de dirigea vers l'est. Contrairement à chaque matin cependant il monta sur le pont de la péniche alors que le soleil commençait à se rapprocher de la ligne d'horizon.
Meg passait un coup de ballet sur le pont pour chasser les feuilles mortes de toutes les couleurs qui s'accumulaient sur le pont. Elle avait noués ses cheveux derrière sa tête et s'essuyait régulièrement son front trempé de sueur.
"Laisse je vais m'en occuper.
-Oh non pas de ça jeune homme. dit-elle en souriant. Tu dois avoir plus important à faire que ça. "
Puis après avoir posé son sourire et son regard vert sur lui, elle se remis au travail sans délai.
Kartac rentra alors dans la péniche, se défit de son manteau qu'il accrocha à une patère. Et chassa une immense boule de poil de la table basse.
Il se posa alors à son bureau pendant quelques minutes et se mit à écrire, un premier jet surtout, un brouillon, une manière de canaliser le flot d'idée qui lui traversait le crâne. Tantôt écrivant, effaçant, reprenant, raturrant, rien de ce qu'il écrivait ne lui plaisait mais il devait continuer. Il ne pouvait abandonner. Pour lui abandonner ce travail, ce serait abandonner tout ses efforts qui l'ont mené ici, abandonner tout espoirs de jamais être comme il le voudrait, abandonner tout ses futurs orcs qui espéraient d'un avenir meilleur. Pourquoi lui? se demanda-t-il soudain. Pourquoi fallait-il qu'il soit le premier? Pourquoi lui le timide le moqué devrait porter l'avenir de ses congénères sur ses épaules? Lui le rat de bibliothèque, celui qui lisait quand les autres jouaient ensemble. Pourquoi ne pouvait-il pas être comme les autres, et travailler dans le bâtiment et l'industrie? Pourquoi devait-il accomplir son rêve ? Pourquoi avait-il ce rêve qui l'emmenait sur des chemins non balisés? Pourquoi était-il tel qu'il était ?
Alors qu'il se perdait dans ses questions un bruit de pas traversa l'escalier. Dans l'encolure de la porte de sa chambre se dressa une silhouette sombre et quasi bestiale. Les cheveux de Meg, maintenant libérés, avait pris la forme d'une boule imposante semblant à la fourure d'un fauve.
"Kartac faut qu'on discute d'un truc. "

Idyie Où les histoires vivent. Découvrez maintenant