CHAPITRE 16

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— Allô? demande la voix endormie de l'ex Madame Raggi au téléphone

Allongé dans l'herbe de son jardin, Thomas sourit à la lune, une bouteille d'alcool vide dans une de ses mains. Seule solution qu'il a trouvé pour repousser ses démons avant qu'ils ne l'entrainent avec eux dans une chute vertigineuse.

— Est-ce que tu sais combien d'étoiles il y a dans le ciel?

Il l'entend se redresser en position assise sur le lit à l'autre bout du fil, confuse quant à sa lucidité, il le sait. Elle est si proche et si loin en même temps.

Un peu comme Victoria.

La jeune femme lui a simplement dit « Merci », tandis qu'ils nettoyaient ensemble le liquide ambré éparpillé sur la terrasse. Ce n'était pas vraiment ce qu'il avait imaginé, non pas qu'il s'attendait à ce qu'elle lui saute au cou. Il a dit « Épouse-moi » mais elle a un petit-ami incroyable et lui est censé être investi dans une relation à distance. Pourtant, elle s'est enfuie dans la nuit sur son scooter. Sans aucun mot, aucune explication, rien. Il ne l'a pas retenue, c'est peut-être mieux ainsi. S'est senti impuissant en la voyant partir. Ethan a sûrement raison. En dehors de la musique, il a le don de tout gâcher. Etaler ses sentiments n'était certainement pas sa meilleure idée. Pas être pas la bonne du tout, d'ailleurs.

— Tom, qu'est-ce qui se passe?
— Y'en a des centaines de milliers. Elles brillent fort... On dirait qu'elles m'aveuglent.

Pour confirmer ses dires, il lâche la bouteille pour mettre une main devant ses yeux rougis. A une quarantaine de kilomètres de chez lui, sa mère se prépare. Il peut l'entendre pester contre les lacets de ses chaussures.

— Où es-tu Tom?
— Le jardin est trop grand pour moi tout seul. Et si personne ne m'aime, maman, qu'est-ce que je dois faire?

La femme prend une inspiration. Le coeur de Thomas bat à la chamade dans sa poitrine. Pendant une fraction de seconde, il se revoit dans sa salle de bains. Mêmes circonstances qu'auparavant, sans aucun stupéfiant cependant.

Cercle vicieux.

— Qu'est-ce que tu as pris, Tom?
— Il faut que tu viennes voir... il chuchote. C'est tellement beau!
— Je préviens ton père et j'arrive. Ne bouge pas, j'arrive, chéri.

***

Il est un peu moins de deux heures du matin quand Thomas reconnaît les pas de ses parents dans la rue. C'est étonnant de les voir coopérer pour lui alors qu'ils ne s'entendaient pas durant toute son enfance. Ironique, presque.

Il trouve du réconfort auprès de sa mère qui l'étreigne comme s'il était toujours un petit garçon. Sa chair, son sang. Le jeune homme a hérité de ses yeux et de son sens de l'humour. Elle se détache de lui et, l'homme et la femme l'examinent de la tête au pieds, son père lui ouvrant les yeux avec ses doigts pour s'assurer de son état de santé.

— T'as recommencé? T'as pris quoi?

Thomas le repousse.

— Quoi?
— La drogue? Qu'est-ce que t'as pris?

Le guitariste baisse la tête devant le regard de Monsieur Raggi. Il n'a pas touché à la cocaïne, de peur de retomber dans d'anciens travers; par contre il a enchainé les cigarettes mêlées à l'alcool, dans l'espoir de ne plus penser. En vain. Un mal de tête cuisant le prend.

— Bordel, Tom! s'exclame son père en le secouant légèrement. Je croyais que c'était derrière toi, tout ça!
— Ça l'est.

Il se défait de l'emprise de son père.

— Alors qu'est-ce qui se passe? Explique-nous !

Une inspiration, de quoi se donner du courage pour affronter les yeux soucieux de ses parents. Il se gratte la tête, soudainement très mal à l'aise.

Juste un baiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant