Une douce mélodie résonna dans la plaine, alors que le vent venait souffler dans ses cheveux roux. La jeune femme marchait calmement au milieu des hautes herbes. Elle ferma les yeux pour mieux apprécier la symphonie du violon. Des rires d'enfants s'animèrent autour d'elle, elle sentait leurs mouvements et leur joie de vivre. La caresse de l'herbe sous ses mains l'apaisait davantage. Elle avait le sentiment d'être au Paradis. Son cœur palpitait, mais sa gorge était si étroite. Était-elle triste ? Peut-être. Elle ne se souvenait de rien, juste de la plénitude de cet endroit qu'elle visitait si souvent dans ses rêves.
« REVIENS » Le cri retentit à sa droite et la chaleur de ce rêve se refroidit. Elle ouvrit les yeux de nouveau. Elle connaissait bien ce moment. Elle l'avait tant étudié avant de se réveiller en sursaut, pleine de sueur et tremblante. La voix était aigüe mais masculine, elle ne pouvait pas distinguer son visage mais dans ses bras reposait un enfant. Des yeux verts, des bouclettes blondes et un doux sourire qui se transforma vite en pleurs et en terreur.
La mélodie se stoppa. Et de nouveaux hurlements s'ajoutèrent aux lamentations de l'enfant. Des cris de désespoir, de peur, de colère. La jeune femme sentait tout le poids de ces cris dans son cœur, ils résonnaient au plus profond d'elle, comme une si une vague de culpabilité la frappait. Et à ses pieds gisaient un nombre incalculable de corps, pourrissant sous ses yeux alors qu'un silence assourdissant s'installait. Ce qui était autrefois une magnifique plaine était maintenant un champ boueux et salis du sang de milliers de victimes. Elle ne savait pas les circonstances de leur mort. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle en était responsable. Puis vint le grondement du ciel et la pluie, venue nettoyer la terre et la purifier. Un autre éclair puis le tonnerre qui se transforma en un son familier. Comme si on martelait du bois frénétiquement.
« Tu vas te réveiller oui ?! Faun ! » Le gérant hurla en frappant plus fort sur la porte. Elle se réveilla aussitôt. Ah oui, elle travaillait ce matin. Et connaissant Warban, s'il venait la réveiller ainsi, c'est qu'il y avait déjà des clients attendant à la porte de l'auberge ou même que les autres filles étaient débordées par les demandes. Elle sortit du lit comme une tornade, enfilant son uniforme le plus vite possible, et se batailla avec ses cheveux quelques minutes avant d'arriver à les attacher rapidement en une simple queue de cheval surmontée d'un ruban blanc assez conséquent. Elle ouvrit brusquement la porte.
« Je suis là ! Désolée ! » Elle s'excusa tout en se penchant légèrement en avant. Son gérant, un grand Aéthien dans sa cinquantaine l'observait d'une mine renfrognée, très peu satisfait du retard de la jeune femme. Elle se releva et le regarda d'un œil suppliant, elle savait qu'elle était en tort, et elle ne comptait pas manquer de respect au seul homme ailé qui avait bien voulu l'engager. Ses yeux gris dérivèrent vers l'étage du dessous, où de nombreux clients étaient attablés, riant avec leurs camarades ou toujours somnolant, au vu de l'heure assez prématurée de la journée. Les ailes grises de Warban s'étendirent un peu, pour les cacher de leur vue et éviter de créer une scène devant ses précieux clients.
« Écoute, Faun, je comprends bien ta situation mais si tu n'es pas dans la possibilité de te réveiller à l'heure je n'aurai pas la possibilité de te loger ainsi longtemps. » Elle acquiesça, l'homme avait raison. Elle devait s'apprendre à s'échapper de ce rêve qui la hantait toutes les nuits. Il était assez patient avec elle pour ne pas la mettre à la porte après ses nombreux retards, elle n'allait pas le contredire sur ses fautes.
Elle s'empressa alors de descendre les escaliers et de s'occuper des Aéthiens attablés, qui n'attendaient qu'elle. Il y avait d'autres filles pour servir les clients, mais son côté exotique semblait attirer les hommes ailés et amenait un beau petit nombre de nouveaux clients. Le cuisinier lui, était seul et avait de plus en plus de mal à gérer autant de commandes. En quelque sorte, il maudissait Faun, elle et ses oreilles rondes et son apparence semblant venue d'ailleurs. Elle qui était plus petite que les autres serveuses, et qui ne faisait que d'envoyer des sourires charmeurs aux hommes de la salle. Elle ne faisait que lui ramener plus de travail. Alors qu'elle venait de retranscrire les demandes des clients au cuisinier, elle remarqua qu'un groupe de soldats, pour la plupart ailés, l'observait, l'un d'eux leva la main pour l'appeler. Ils étaient tous habillés d'un vêtement militaire bleu pâle et un blason sur leur épaule représentait un pégase cabré, montrant une expression de détresse. Des gardes de la famille Sylswith accompagné de leur Seigneur. Ce dernier arborait un sourire presque inquiétant en la regardant. Elle sentit son cœur se serrer, elle n'avait jamais été fan de ses visites. Cette fois, il avait amené avec lui son garde du corps personnel. Elle leva les yeux vers ce dernier qui était debout dans le coin de la pièce, n'ayant pas été donné le droit de s'asseoir. Elle devait sa tête pour observer son visage tant l'homme était grand, elle n'avait jamais vu quelqu'un lui ressemblant. Ses yeux entièrement noirs étaient fixés devant lui, dans le vide, il arborait de longs cheveux noir corbeau qui retombaient sur ses épaules. Contrairement aux soldats, il portait des vêtements légers et peu protecteur. Son torse était recouvert d'une chemise large blanche et il portait un pantalon noir qui tombait presque en lambeaux accompagné de bottes elles aussi en mauvais état. Un large collier de fer l'étranglait presque, elle pouvait y lire des mots dans une langue qu'elle ne connaissait pas encore parfaitement : « Υπακοή ». Elle réfléchit une seconde avant de comprendre la signification du mot : « Obéissance ». Ce genre de langage était utilisé uniquement pour les enchantements.
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La mélodie de nos souvenirs
RomanceLa jeune femme sentait tout le poids de ces cris dans son cœur, ils résonnaient au plus profond d'elle, comme une si une vague de culpabilité la frappait. Et à ses pieds gisaient un nombre incalculable de corps, pourrissant sous ses yeux alors qu'un...