28 | Les taupinières

436 32 27
                                    

ALEXANDER

J- 18

16h54

Quelque part au-dessus de la Mer Ligure


Dix-huit jours avant le braquage, nous sommes dans l'avion qui nous ramène à Rome. Mes doigts virevoltent avec une précision chirurgicale entre les fils de couleurs différentes et mes yeux font la navette entre l'écran de ma tablette et l'œuvre qui s'étalent sous mes pieds. Je fais défiler les vues 3D des petites bombes que je dois reproduire le plus fidèlement possible puisque ces coincés de Cal et Julia n'ont pas voulu que je m'occupe des véritables explosifs pendant la traversée. À croire qu'ils pourraient exploser alors que je suis l'homme le plus habile de mes doigts qui doit exister sur Terre. Cece pourra en attester si besoin.

J'attrape la pince coupante et romps le câble dans ma main droite. Mon bâton de colle dans l'autre main, j'assemble le fil sur le faux bloc de C4 puis entasse le tout sur le tas où ses congénères reposent et m'étire enfin les bras. Je souffle en contemplant la tonne de travail qu'il me reste : bordel, je vais me faire sacrément chier.

Des baskets au coloris discutable entrent dans mon champ de vision alors que je me remets au travail et je lève les yeux pour aviser cet abruti d'Emi qui me dévisage étrangement. Faut dire que je ne dois pas avoir l'air malin assis sur le sol avec mes petites pinces de bricoleurs.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Il est aveugle en plus d'être le con. Le pauvre n'a pas été gâté par la nature...

— Une bonne ceinture d'explosifs pour atomiser ta vieille tête.

Il donne un coup de pied dans ma pile parfaitement équilibrée qui s'effondre sous sa puérile vengeance. Je grimace mais décide de prendre sur moi et de ne rien dire de méchant. Il a l'air bizarre donc je préfère éviter de le rendre susceptible en plus du reste.

— Ce n'est pas très courtois, Monsieur Zingarelli.

Dit celui qui vient de détruire mon château de bombes. L'audace.

— J'extériorise ma colère, Monsieur Trovato.

Il s'accroupit à ma hauteur et observe mon « plan de travail » avec un sérieux que je ne lui ai jamais vu. Le problème, c'est que je sais qu'il n'y comprend rien et qu'il essaye juste de gagner du temps avant de me révéler pourquoi il est vraiment là.

— Tu ne risques pas de nous faire exploser avec tes merdes là ?

— C'est pas des vraies, abruti.

S'il les avait observées avec le sérieux qu'il mimait, il l'aurait compris tout seul. Je veux bien avouer que mon travail est exceptionnel mais pas de là à ne pas apercevoir les petits points de colle ou les longueurs de câble différentes. Bien heureusement, les otages et les forces de l'ordre apercevront ces détails trop tard ou n'auront même pas la lucidité nécessaire pour les voir. Si tous les policiers ressemblent à Emi, je pense qu'on peut dévaliser le musée entier sans problème. Il décide même de s'asseoir à côté de moi et me regarde un instant continuer ma tâche sans commenter. Il se met à tripoter mon tube de colle dans ses mains et je lui jette de temps à autre un coup d'œil intrigué. On dirait presque qu'il est venu me faire une déclaration d'amour, c'est déroutant.

— Tu vas en faire des vraies ? murmure-t-il.

Le ton conspirateur qu'il emploie alors qu'il n'y a personne autour commencer sérieusement à m'inquiéter.

— Euh... Oui ?

— Ah.

Passionnant.

— Pourquoi ?

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant