AlexT47-A Ou La Théorie de l'Intelligence Naturelle *Delve Deeper 2021*

Prologue

Relance de loyer impayé

Monsieur,

A ce jour, je vous rappelle que nous n'avons toujours pas réceptionné votre paiement pour le loyer du mois de février.

Conformément au contrat de location que vous avez signé, l'échéance pour le paiement de votre loyer est fixée au plus tard au 30 du mois qui précède.

Aussi, je vous remercie de procéder au plus vite (sous 7 jours à compter de la date de réception de cette lettre) au règlement de cette échéance afin de régulariser votre situation de façon amiable.

A défaut, je vous informe que j'engagerai une action en justice afin d'obtenir la résiliation du bail, le paiement des arriérés de loyers et des dommages intérêts.

Dans cette attente, je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.

Mme.Latouche

Un déchirement. La feuille cède sous mes mains. Je jette rageusement les morceaux dans la corbeille. En pestant contre cette vieille femme, je me prends une bière dans le frigo. Que je la paie aujourd'hui ou le double demain, ça ne change rien, non ? Déjà, le mois dernier, elle ne m'a pas lâché. Elle était prête à me traîner en justice la mamie ! Je n'essaie même pas d'appeler Jean, il a été très clair la dernière fois : « Plus un sou, Corentin. Tu me dois déjà une somme phénoménale, et plus ça va, moins je pense que tu me rembourseras. Et Lolie est d'accord avec moi, alors ne va pas quémander chez elle non plus. »

C'est ça qu'on appelle un ami ? Moi, je lui ai permis de changer de logement sur le campus en plein milieu d'année ; de refaire des contrôles après coup. J'ai même piqué les clefs à la réceptionniste pour qu'il puisse se venger d'une ex. Tout ce que je lui demande en échange, ce sont quelques petits sous en attendant que j'ai accès à mon héritage.

De toute façon, ils s'en mordront bien tous les doigts. Je suis quand même le petit-fils de Du Castel, le parrain de la faculté. Et puis, bon sang de Dieu, quand mon père me laissera enfin toucher à son compte en banque, je deviendrai plus riche que quiconque dans le coin. Mais en attendant, je dois serrer la ceinture et me contenter d'un petit studio minable.

Je regarde pour la vingt-troisième fois depuis ce matin mon téléphone en espérant voir le nom de M.Omaince, le notaire de la famille. Toujours rien. Cet homme est un bon à rien. Voilà trois jours que mon très cher paternel nous a quittés. Infarctus du myocarde. Il est parti plus tôt que je ne le pensais, mais je ne m'en plains pas. Seulement, pour enfin toucher à la somme qui me revient de droit, il faut que ce bonhomme s'occupe de tout l'administratif - si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais déjà utilisé sa carte bleue.

J'attrape mon vieux blouson et sors me changer les idées. Le vent froid de l'hiver me fouette les joues et rabaisse ma capuche à chaque fois que je la relève. Quand j'observe le couple qui s'abrite sous un sapin et dont les cheveux viennent sans cesse leur cacher le visage, je me sens bien heureux d'avoir opté pour une coupe courte en décembre. J'évite ce genre de problème. Mais la bouffée d'air qu'apporte la brise est comme le souffle d'un sauveteur. Il me permet de revivre. La brunette se tourne soudain vers moi et je reconnais Marie. Une vague de colère me fait dresser l'échine quand elle m'offre son plus beau sourire. Qu'elle aille au diable. Cette fille m'a quitté au début du mois pour un geek qui n'a toujours pas de poils au menton. Soit disant que j'étais trop hypocrite et sournois. Je la rendais mal à l'aise, paraît-il.

Je me réfugie dans le café du coin en refoulant les souvenirs de notre rupture. En vérité, je pense que ça a fait plus de mal à mon ego qu'à mon cœur. C'est en m'asseyant sur une chaise en plastique que je sens mon téléphone vibrer. Ma journée s'éclaircit quand je vois le nom du contact :

M.Omaince