— Palsembleu ! Hors de question de saborder le Jusant ! hurle Captain Rust' aux matelots.
Si ça continue comme ça, nous allons vite aller nourrir les poissons. Quelle idée, aussi ! Je le répète, partir à l'aventure pour dénicher le trésor perdu de Missine n'était vraiment pas judicieux. Même si nous possédons le talisman trouvé lors de notre dernière quête, censé nous montrer son emplacement exact le moment venu, cela n'est pas de tout repos. Mais mon père, le capitaine, va toujours au bout de ses projets. Quand il a quelque chose dans le crâne...
Charybde et Scylla protègent si bien le passage que nous n'arrivons pas à emprunter le détroit. L'océan est démonté, le ciel brumeux chargé d'électricité obscurcit l'horizon et nous avons du mal à maintenir le cap. Le commandant hurle ses ordres. De mon côté, je m'efforce par des encouragements de maîtriser mon équipage, trempé jusqu'aux os, qui commence à paniquer. Je les comprends, ces deux monstres marins sont effrayants, je n'en mène pas large non plus.
Scylla tente d'engloutir le navire dès que nous l'approchons. Son corps hideux de nymphe géant possède douze moignons en guise de pieds. Les six têtes de sales cabots démoniaques, jaillissant de sa taille en de longs cous, essaient de nous dévorer. Un rêve éveillé.
Charybde, quant à elle, crée des tourbillons dévastateurs pour avaler le vaisseau dans les profondeurs abyssales et nous faire passer l'arme à gauche par les innombrables crocs qui sortent de part et d'autre de son trou béant.
Heureusement, la joyeuse bande de mages que j'ai recrutée s'en donne à cœur joie en envoyant éclairs et boules de feu à tout-va, tandis que les canonniers bombardent ces monstres démentiels. Je rejoins le chef sur le gaillard, m'accrochant à tout ce que je peux tant le bateau gîte, prenant au passage quelques douches à cause des vagues qui nous submergent.
— Papa, c'est de la folie ! On va terminer à la baille avec tes bêtises.
— Ma fille, n'aie pas peur. Tu sais que tu peux me faire confiance. Est-ce que j'emmènerais ma famille vers une mort certaine ?
— Mais... aurais-tu perdu la vue ? Nous allons finir par sombrer !
— Calme-toi, tu dramatises. Tu es bien comme ta mère.
— Oui, eh bien, maman a raison ! Tu es fou...
— Parez à virer !
D'un geste brusque, me coupant net la parole, il barre à bâbord. Notre bâtiment évite de justesse l'attaque des chiens de Scylla. Le tricorne de mon père s'envole, mais il le rattrape in extremis. Manquerait plus qu'il faille aller le récupérer en mer, il nous a déjà fait le coup. Je secoue la tête et repars sur le pont en sautant par-dessus la rampe. Je cours, le cœur battant à tout rompre, jusqu'à la poulaine où se trouve Ectaz.
— Ec, on fonce de nouveau vers Charybde, fait passer le navire par-dessus ! crié-je.
Je n'en peux plus de tenter de les abattre, autant laisser cette mission au prochain inconscient. Le mage se concentre et ouvre grand les bras, paumes vers le ciel. Ses cheveux longs et blonds comme le blé flottent autour de son visage.
— Accrochez-vous ! braillé-je aux pirates.
Les uns s'agrippent au bastingage, les autres aux cordages. Le bâtiment quitte littéralement la mer, soulevé par une gigantesque bourrasque qui gonfle les voiles. Je me penche par-dessus bord pour contempler le spectacle de la bête et perçois comme des grondements sinistres sortir de son antre, que nous survolons. Des frissons me parcourent quand je pense à ce qu'il serait advenu de nous si nous nous étions fait avaler.
Lorsque la coque du bateau replonge dans l'eau, la tempête s'arrête nette. Le ciel s'éclaircit aussitôt. Nous venons de quitter l'enfer pour arriver au paradis. L'océan bleu-turquoise est d'un calme plat. Le soleil brille et s'y reflète en un millier d'étoiles sur sa surface.
Les matelots s'affalent sur le pont, encore sous le choc de cette bataille acharnée contre les deux démons.
— Je vous l'avais dit que ça passerait ! s'esclaffe mon père.
Ben tiens... Son rire communicatif gagne l'équipage, qui reprend des couleurs.
— Tournée générale ! poursuit-il. Nous avons besoin d'un remontant. Miss'Tine, apporte le rhum !
Ma mère sort de la cuisine avec plusieurs bouteilles. Nos compagnons d'aventures l'encerclent rapidement. Ec me lance un clin d'œil et file retrouver les autres pour s'emparer de sa rasade.
Je les laisse festoyer, car un scintillement au loin attire mon regard. Je saisis ma longue-vue pour scruter l'horizon. Une lumière différente se détache dans les reflets du soleil sur l'océan. Ma peau au niveau de la poitrine chauffe tout de suite. Je sors de sous ma chemise le talisman que je gardais précieusement autour du cou et constate que sa température augmente. Après en avoir informé mon frère, le second du capitaine, nous faisons route vers ce cap en douceur.
— Il demeurerait dans les profondeurs ? me demande Dayrine, la télékinésiste.
— Plus nous approchons, plus la lumière s'intensifie. Le bijou devient brûlant. Ce n'est pas une coïncidence.
Elle me fixe de ses yeux d'un bleu presque transparent et me comprend en silence. Elle reporte son attention sur la surface et tend les bras. La mer s'agite alors devant nous et le Jusant se remet à pencher de bâbord à tribord, faisant râler mes compagnons dont le verre déborde.
De l'énorme bouillon formé par son sortilège sort un immense navire rongé par le temps. La joie de l'équipage jaillit. Nous nous lançons à l'abordage avec les canots sous les ordres de mon père, complètement excité par la situation.
Après avoir accosté avec les chaloupes, nous fouillons l'épave de fond en comble. Les cabines sont sens dessus dessous, mais aucun trésor en vue. Dans celle du capitaine, le squelette, assis dans son fauteuil, arbore encore fièrement son couvre-chef. Avec mon frère, nous approfondissons nos recherches dans la pièce, sans plus de succès.
D'un coup, mon père exulte. Nous sortons en vitesse sur le pont principal et rejoignons les pirates qui sont attroupés. Au milieu du cercle formé trône un unique coffre, trouvé au fond de la cale. En guise de serrure, un trou représentant la forme de la relique que je porte attend de retrouver son bijou.
— Ma fille, vas-y ! Ce doit être quelque chose d'inestimable, vu la difficulté pour l'atteindre !
Il trépigne d'impatience, tel un enfant recevant un cadeau. Je m'approche de l'objet tant convoité, m'accroupis et insère le talisman dans l'emplacement prévu à cet effet. Le couvercle de la malle en bois s'entrebâille. Les murmures de mes camarades prennent de l'ampleur lorsque j'en sors une toute petite boîte.
Je me redresse, fébrile. Un gros coffre pour si peu... Un mauvais pressentiment s'empare de moi. Captain Rust me rejoint et je l'ouvre, sans difficulté. À l'intérieur, un simple message, indéchiffrable pour le moment.
Mon père pousse un rugissement de colère, l'aventure n'est pas finie.
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Lε ოօղძε ძε մოἶ - Recueil de nouvelles
Cerita PendekBienvenue, bienvenue, bienvenue... dans mon univers et mes diverses nouvelles. Ici, je vous partage quelques-unes de mes courtes créations dans divers genres littéraires. Certaines écrites comme ça, d'autres dans le cadre d'exercices d'écriture. Pre...