Art d'une vie

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On aurait dit que tu peignait la vie.




Chaque pigment et chaque gestes désignaient une étape ou un obstacle rencontré.

Tu mettais tant de coeur à l'ouvrage que ça en devenait

 effrayant. 


 Nuit et jour,


 tes yeux se battaient pour rester ouverts

 et achever l'oeuvre d'une existence. 

Ton visage autrefois enfantin s'imprégnait  de cernes et de rides. 


Car oui, 

tu l'avais commencé tôt, cette peinture. À peine avions nous eu le temps de nous rencontrés et moi de t'aimer que tu avais décidé de rester cloitré chez toi à peindre jusqu'à en mourir.


Au début,

 je passais tous les jours. 

Toi tu me parlais, 

 tu me racontais ce que devenait ton tableau qui avait accaparé ta vie.


Le temps s'est écoulé. 

Les années aussi.

Je ne t'avais pas oublié, moi, mais tu étais tellement concentré sur ta tâche que tu ne m'accordait plus qu'un maigre regard dénué d'expression.

Tu ne vivais que pour ce tableau qui représentait ta vie.



Et tu passais, occasionnellement, à côté de la tienne.




Je me demandais, 

parfois,

 ce que tu pouvais encore peindre sur ta vie maintenant morne et sans histoires.


Et je me demandais ce que tu devenais, 

toi,

 la grande artiste cachée par l'ombre de son propre talent.



Je suis revenu.

Il y a quelques jours. 



La porte n'était pas fermé et les lieux paraissaient vides de vie.

L'appartement était plongé dans le noir.



 Mais lorsqu'on observait la pénombre, on distinguait ce qui avait dû être auparavant un théâtre de lumière. 

Partout se dessinait l'oeuvre d'une vie de solitude.




Il y avait,

une toile, au bout de la pièce, sans doute le départ de ton oeuvre, qui avait laissé échapper ton imagination hors du cadre.

Chaque détail me rappelait combien tu m'avais manqué.

Et je pleurais.

 Le temps ayant fini par brisé mes rêves d'amoureux.

Je m'étais dirigés vers ta chambre.



Et puis je t'avais vu, parmi la fresque coloré qui se dessinait autour de toi.

Je t'avais vu, le regard vide, la peau translucide et la corde autour du cou.

Tu flottais dans la pièce, me saluant ironiquement d'être arrivée trop tard.



Car tu t'étais décidée à mettre fin à ton œuvre.

Des mots et encore des motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant