Quinze

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Arrêté dans un des couloirs du lycée, Sidney se sert en ce moment de l'option appareil photo sur son téléphone afin de se brosser les cheveux. Elle enchaîne les mouvements verticaux de la main depuis qu'une brosse a pris place entre ses mains. Du moins, c'est ce qu'elle essaie de faire depuis une dizaine de minutes.

— Les filles, vous pensez que je devrais me faire une nouvelle couleur ? J'ai besoin de changement, mon brun naturel ne me satisfait plus.

— Commence par terminer de te coiffer. Les muscles de mes bras vont finir par se dégonfler et dieu sait à quel point ça ne saurait tarder.

— Encore quelques minutes. Juste une ou deux. Le temps que tout soit bien démêler pour qu'Ornella me fasse une tresse de chaque côté.

Je décolle ma tête de la fenêtre. J'ai bien entendu ? On n'a jamais convenu que j'allais me lancer dans une manoeuvre pareille. Elle a nous a entraîné dans ce couloir pour se refaire une beauté, elle a omis volontairement que nous allions y participer. Elle se doutait qu'on ne serait pas d'accord si elle nous avait transmis ses futurs agissements au préalable. Cass en est la preuve. Faire le porte téléphone n'est pas pour elle.

— Je ne me souviens pas avoir donné mon accord pour ça.

— Ah bon ? Ne t'inquiète pas, je m'en souviens c'est le principal.

Tu m'en diras tant.

— Quand mes bras retomberont le long de mon corps, ton téléphone partira embrasser le sol, je te préviens. Et je ne ferais pas l'effort ni d'essayer de le rattraper dans sa chute, ni de le ramasser quand il sera au sol.

Face à cette soudaine menace, qui vient peser lourdement sur ses épaules, Sidney récupère à la hâte l'objet rectangulaire. Encore plus efficace que l'épée de Damoclès. Cassidy et son pouvoir de persuasion.

Mon amie profite que mon regard soit attiré par les élèves déambulant dans la cour pour se mettre devant moi. Elle ne compte donc pas changer d'avis. Super.

— On peut saisir l'occasion de notre silence collectif pour reparler de ma future teinture ? Vous m'imaginez avec une couleur prune ? Quelques mèches pourraient aussi me convenir. Je suis ouverte à toutes vos bonnes propositions.

— Tu rigoles ? L'année dernière tu as tenté le vert. Je doute que tu veuilles te remémorer à quel point tu as, par la suite, plus que regretté.

Je sépare en deux sa masse capillaire avec mes doigts. Je revois cette couleur gazon au départ de ses racines jusqu'aux bout des pointes. On avait fini par atterrir dans sa salle de bain afin de diminuer le massacre. Le coiffeur avait bien fait son travail, rien à redire là-dessus. Le problème ne venait que du choix pris par notre amie ce jour-là. Elle aurait pu se douter que cette idée prise sur un coup de tête était à réfléchir un peu plus longtemps et ensuite à jeter à la poubelle.

— Sans parler de ta mère. Elle a halluciné ce soir-là. Heureusement que c'était à court terme. Les joies des choses éphémères.

Le souci de Sidney n'a rien de compliqué. Rien ne lui suffit sur le long terme en fait. Il m'est déjà arrivé de débarquer chez elle un weekend et l'aider à réorganiser les meubles de sa chambre. Elle a continuellement besoin que les choses bougent autant qu'elle-même.

C'est loin de nous déranger. La voir s'agiter dans tous les sens aboutit toujours à la mettre dans des situations nous rendant hilares. Il n'y a cas se souvenir de la semaine passée. Je ne connais qu'une seule personne capable de faire du skate en l'absence de la lumière du jour et c'est bien elle.

— Dans ce cas, la couleur prune se mêlera parfaitement à mon brun. Ne vous en faites pas, cela ne se verra presque pas.

Je tire un peu plus vers moi les mèches qui me permettent de faire sa première tresse, pour la faire arrêter de bouger. Je veux bien lui porter secours mais si c'est pour tourner la tête dans tous les sens, c'est non. Elles ne ressembleront à rien et je devrais les recommencer. Sauf qu'elle semble oublier que nous n'avons pas le temps. C'est la récréation, pas le début du salon de thé.

— Dans ce cas, autant ne rien faire si c'est pour qu'au final on y voit aucune différence.

— Vous comptez réellement laissez votre amie, moi je le rappelle, être mal dans sa peau ? Ne soyez pas sans coeur. Je ne sais réellement pas quoi choisir.

— Cesse un peu ta comédie, aucune de nous n'a vraiment dit non, ma meilleure amie approuve mes dires d'un hochement de tête. Tu n'as qu'à le faire ton relooking. Ce sont tes cheveux après tout. Et puis j'en profiterai pour me faire repercer les oreilles.

Je désigne la zone de mon lobe qui m'intéresse, depuis le temps que j'en ai envie. Autant saisir l'occasion. Je tapote son épaule en quémandant un des élastiques qui entoure son poignet. C'est que nous n'avons pas toute la journée non plus.

— Dans ce cas, c'est Ornella qui s'occupera de faire la coiffeuse du dimanche dès que tu auras décidé que ça ne te convient plus. J'avais gardé des taches brunes pendant plusieurs jours sur les mains. Je n'ai pas l'intention de recommencer dans l'immédiat.

Je ne donnerais pas le fond de ma pensée pour cette fois mais si on m'avait écouté cette après-midi-là, nous n'aurions pas cette conversation actuellement. Mettre des gants était peut-être optionnel, cela n'empêche ma chère Cassidy, que tes mains n'auraient pas pâti de nos aventures.

— Écouté et approuvé, on fait comme ça. On le fait samedi.

— De cette semaine ?

— Oui, comme ça, si ça ne me va pas je pourrais toujours modifier avant la fête sur la plage de la semaine prochaine.

Elle m'était clairement sortie de la tête cette fête. Pourtant chaque année c'est la même chose. Des étudiants en organisent une au bord de l'eau. Il y a toujours un monde fou, un feu de camp, de la nourriture et des boissons en grande quantité.

On a pu y participer deux fois. La deuxième et troisième année du lycée. Les premières années ne sont pas conviées. Autant dire que je compte y retourner pour la dernière année de lycée. Si c'est la dernière que je fais, je compte bien profiter au maximum de mes amis jusqu'au bout de la nuit.

— C'est bon pour moi. On se retrouve à la cabane comme d'habitude et on prendra le bus pour le centre-ville.

Tandis que la sonnerie retentie, la deuxième tresse retombe sur l'épaule de Sidney. Je tire légèrement à certains endroits pour donner du volume et faire un meilleur rendu. J'ai fini.

Pourquoi m'avez-vous enterré ? (en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant