Je fus réveillée par une brise fraîche caressant ma peau. Les rideaux oscillaient doucement dans le courant d'air de la fenêtre entrouverte. Je ne me souvenais pas qu'elle ait été ouverte, Sam avait dû passer alors que je dormais déjà.
La lumière de la lune projetait une ombre étrange sur le sol de la pièce. Je clignais des yeux pour tenter de la distinguer.
C'est moi ou quelqu'un se tient dans l'encadrement de ma fenêtre?
L'ombre se glissa à l'intérieur sans un bruit. Je reconnus immédiatement cette manière de se déplacer et un sentiment indéfinissable s'empara de moi, quelque chose entre surprise, soulagement, joie et inquiétude.
— Qu'est ce que tu fais la Kris? murmurais-je.
— Je suis venu prendre de tes nouvelles évidemment! Mais je n'aime pas passer pendant les heures de visite...
Ses yeux brillèrent d'un éclat de malice dans la pénombre.
— T'es vraiment irrécupérable!
À parler comme ça en pleine nuit, j'avais l'impression qu'on se connaissait depuis toujours. Il avait un don pour mettre les gens à l'aise. Il faudrait vraiment qu'il rencontre Elora, si ça pouvait faire en sorte qu'elle s'ouvre à une deuxième personne...
— Je suis passée hier, mais tu ronflais comme un bébé alors je n'ai pas voulu te réveiller.
Son ton trahissait une agitation certaine. Il ne me disait pas tout.
— Et...? tentais-je
— Et... malgré l'heure tardive, il y avait encore du monde dans la chambre qui s'affairait autour de toi. J'ai vraiment cru que tu étais dans un état grave et j'ai paniqué. Mais quand j'ai jeté un coup d'œil, tu avais l'air de dormir presque paisiblement. Ce n'était qu'un médicament, rien de plus.
— Un médicament? répétais-je, septique.
— Bah oui, t'étais salement amochée après ta chute, tu as sûrement dû recevoir pas mal de trucs et plusieurs sorts de soin!
— Tu es sûr ? On m'a dit qu'on ne m'avait rien donné. J'ai la capacité d'autoguérison, je n'ai pas besoin de tout ça...
Il ne répondit pas tout de suite, le temps d'assimiler ce que je venais de lui dire. En général, le stana des semis-humains se limitait à leur partie animale, mais il arrivait parfois que certains aient une seconde faculté, cependant, c'était assez rare. Comme j'étais une Toli, il avait dû prendre pour acquis que je ne possédais que mes ailes et quelques caractéristiques partagées avec nos amis à plume.
— C'est plutôt la classe! s'exclama-t-il, une pointe d'admiration dans la voix. Mais du coup, c'est vrai que ça n'explique pas l'injection. C'était peut-être quand même pour t'aider à aller mieux?
— Sûrement, mais en tous cas je n'ai pas l'impression que ça a eu d'effet particulier.
Je me tus un instant puis repris avec hésitation.
— Dis-moi Kris, est-ce que tu as vu ce qui s'est passé quand je suis sortie de la grotte?
Il détourna la tête comme s'il ne voulait pas que je voie son visage. De toute façon, je ne distinguais pas grand-chose.
— Je suis vraiment désolé Saya, j'aurais dû venir t'aider, mais tu gérais super bien au début, je pensais que tout était normal... Mais vu ce qu'il s'est passé ensuite, j'ai compris que ce n'était pas le cas... À trois... Avec des couteaux...
Donc je ne m'étais pas trompée, cette évaluation n'avait rien d'habituel. Déjà, une attaque à trois contre un alors que nous ne nous étions jamais entraînés à ce cas de figure, c'était bizarre, mais en plus, je n'avais pas reconnu mes assaillants et ils étaient armés. Le truc c'est qu'après, ils m'avaient quand même transporté à l'infirmerie.
Et que cette version des faits ne collait pas avec celle que les profs avaient racontée à Elora.
Le hululement d'une chouette me fit sursauter.
Quelque chose ne tournait vraiment pas rond, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus...
— J'ai été lâche, je voulais t'aider, mais finalement je ne t'ai été d'aucune utilité, continua Kris. Je...
— Arrête un peu! Tu n'y es pour rien, c'est de ma faute si je n'ai pas su réagir comme il faut face à la situation. Je suis contente que tu ne te sois pas montré, tu aurais eu de gros problèmes. Je vais bien et je serai très vite sur pied, c'est ce qui est important.
— J'espère qu'ils annuleront la deuxième phase, grommela-t-il en réponse.
— Mais oui, c'est évident! Attends... Quoi?
Je venais encore de relever une étrangeté dans ses propos. Son regard se tourna à nouveau vers moi.
— Désolé?
— Non, après.
— Annuler? ... Deuxième phase?
— Oui, c'est ça, tu parles de quoi là?
— Bah, quand j'ai voulu te rejoindre, j'ai entendu les gars dire un truc comme "Elle n'a pas réussi ce test et en plus j'ai merdé. Il va falloir reconsidérer la deuxième phase"... Mais apparemment c'est une deuxième épreuve surprise puisque tu n'as pas l'air de savoir ce que c'est.
— Décidément, je ne suis au courant de rien... ai-je lâché en faisant la moue.
Je prenais ça à la légère, mais toutes ces cachotteries ne faisaient que renforcer mon impression que quelque chose n'allait pas. Je m'attendais à ce que Kris balance un autre vanne de mauvais goût, au lieu de quoi, le jeune garçon releva vivement la tête et se précipita vers la fenêtre.
— Qu'y a-t-il ? demandais-je, alarmée.
— Quelqu'un arrive. Je dois te laisser, mais je repasserai demain si jamais tu es encore là.
Sans un mot de plus, il me fit un signe de la main et enjamba l'allège, disparaissant de mon champ de vision. Je n'y avais pas pensé plus tôt, mais c'est vrai que le bâtiment dans lequel se trouvait l'infirmerie était adossé à la séparation entre la zone nord et la zone sud. Ma chambre ne se trouvait pas au rez-de-chaussée, cependant elle devait être assez facile d'accès après quelques entrechats sur les toits.
Soudainement, un rai de lumière filtra sous ma porte et des bruits de pas feutrés se firent entendre du couloir. Je me rallongeais dans mon lit en regardant dans la direction opposée à l'entrée. Pourvu qu'on ne nous ait pas entendus.
Le rai de lumière s'élargit alors que quelqu'un ouvrait le battant. Je fermais les yeux et tentais de réguler ma respiration pour faire croire que je dormais.
J'eus toutes les peines du monde à ne pas sursauter lorsqu'une voix que j'attribuais à Sam brisa le silence.
— Vous pensez vraiment que c'est nécessaire? Elle n'a pas réagi au premier sérum, qu'est ce qui vous dit que celui-ci va fonctionner? Pour le moment, elle ne se doute de rien.
— "Pour le moment", comme vous dites. Mais elle est loin d'être bête, elle va finir par se rendre compte de quelque chose. Je sais qu'elle commence à se poser des questions. Et je me doutais que la première injection ne fonctionnerait pas, la dose était la même qu'à son arrivée ici, depuis son esprit s'est bien fortifié...
Tous mes sens en alerte, je ne perdais pas une miette de leur conversation. Parlaient-ils de moi? À qui appartenait cette deuxième voix?
— Elle ne dort pas.
La phrase prononcée par Sam avait sonné comme une sentence et je me mis à trembler de tout mon corps.
— Ça ne fait rien, de toute façon elle ne se souviendra pas de ce qu'elle aura entendu, prépare l'injection, je vais l'endormir pour qu'elle se tienne tranquille.
J'étais terrorisée. Cette fois-ci, je ne pouvais rien faire pour essayer de m'échapper. Et même si j'avais tenté de fuir, je ne pus m'empêcher de me dire intérieurement que le résultat aurait été tout aussi catastrophique que précédemment. Le plus terrible, c'était cette sensation de déjà vu.
Derrière mes paupières closes, je distinguais une douce lumière rosée m'envelopper et je sombrais dans un sommeil profond.
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OtherWorld - 1. Et cognoscetis veritatem
FantasyL'OtherWorld est en guerre depuis plusieurs dizaines d'années. Les enfants ayant perdu leurs parents sont envoyés dans un orphelinat où ils peuvent étudier jusqu'à leurs 16 ans. Sayana n'a aucun souvenir d'avant son arrivée à l'établissement alors...