Sirius fixait, sans les voir, les flammes rouge-orangées depuis un temps qu'il n'avait pas compté, le silence de la pièce seulement brisé par le son peu élevé de la radio et le crépitement du feu. Perdu dans ses pensées, il remarquait à peine les mouvements gracieux et belliqueux du brasier qui envahissait la cheminée ou le dernier tube de Celestina Moldubec qui retentissait dans le haut-parleur de l'appareil. Il était à des milliers de kilomètres de ce salon lugubre qu'il n'avait jamais aimé, de cette maison maudite où résidaient ses pires souvenirs. L'homme était bien loin de tout ceci, il était profondément enfoui dans sa mémoire. Sa jeunesse, celle qu'il aimerait retrouver, les moments qu'il donnerait tout pour revivre, les instants où il était heureux, réellement heureux. Pourtant, il savait qu'il lui avait toujours manqué quelque chose.
Le brun fut sortit de ses agréables pensées par un bruit. Le craquement de la troisième marche de l'escalier. Il était déjà présent lorsque l'homme n'était qu'un enfant, et bien souvent il avait sauté cette marche afin de ne pas se faire repérer de ses parents. Il tourna lentement la tête vers l'ouverture du salon, et fut surpris d'y voir apparaître son ami aux cheveux châtains, aux yeux de miel et dont le visage pâle et fatigué était rayé par trois cicatrices parallèles. Cependant, il se contenta de sourire à Remus et de l'inviter d'un geste, sans aucun mot, à le rejoindre sur le canapé élimé. L'homme debout ne perdit pas de temps et s'installa dans le même silence reposant.
L'un comme l'autre, ils ne prononcèrent aucune parole. Ils profitaient uniquement de la présence d'un ami que chacun ne pensait pas revoir un jour, un peu plus d'un an auparavant. Tous deux avaient l'impression que c'était irréel, que la situation actuelle n'était qu'un rêve, un fantasme de leur esprit, créé dans l'espoir de noyer ce sentiment de solitude qu'ils avaient ressenti pendant tant d'années. Sirius fut le premier à briser ce calme, il déplaça légèrement sa main, n'osant pourtant qu'à peine effleurer celle de Remus, qui reposait sur le coussin abîmé du meuble. Le châtain remarqua bien l'hésitation de son ami. Dans le but de rassurer le brun, il déplaça à son tour sa main, permettant à l'autre d'entrelacer leurs doigts.
Aussitôt ce contact établi, l'atmosphère de la pièce sembla changer. La radio commença à diffuser une chanson bien plus calme que le tube de la Sorcière Chantante, une chanson au rythme lent, une chanson invitant chaque personne à danser avec la personne qui compte le plus au monde pour elle. Simultanément à ce changement de musique, les cœurs de Sirius et Remus semblèrent s'accorder sur un rythme de battement plus agité, plus pressé, plus urgent. Et le brun se leva, tenant toujours fermement la main du châtain dans la sienne, entraînant son ami avec lui. Là, dans ce salon, devant cette cheminée, d'où le crépitement semblait également plus calme, il invita silencieusement son dernier ami à danser sur cette musique avec lui. Ils gardèrent leurs mains serrées et Remus posa presque timidement sa deuxième main sur l'épaule de Sirius, tandis que ce dernier posait la sienne sur la taille, toujours aussi fine, du châtain. Ils commencèrent à tourner en douceur, aussi lentement que s'ils cherchaient à se bercer.
And dance, your final dance.
Sirius pensa ironiquement qu'il s'agissait autant de leur première danse que de leur dernière.
This is your final chance,
To hold the one you love.
Sirius pensa à quel point il se sentit effrayé à l'idée que cela soit vrai.
You know you've waited long enough.
Sirius pensa à ces douze longues années de séparation.
So believe that magic works.
Sirius pensa à une magie bien différente de celle qu'ils utilisaient tous en agitant leur baguette.
Don't be afraid,
Of being hurt.
Sirius pensa que même si cette magie n'agissait que sur lui, il n'en serait pas blessé.
Don't let that magic die.
Sirius pensa qu'il ferait tout pour qu'elle dure.
The answer's there,
Oh, just look in her eyes.
Sirius ne pensa plus à rien. Il fit ce que le chanteur lui indiquait de faire. Il plongea ses yeux ombrageux dans ceux délicieusement doux de Remus. Remus le fixa également. Et sans qu'ils ne prononcent un mot, ils se comprirent. Ils rapprochèrent leurs corps.
And make your final move.
Remus pensa qu'il aimerait que ce ne soit pas le dernier.
Mmh, don't be scared.
Remus pensa qu'il était loin d'être effrayé par cette situation.
She wants you to.
Remus pensa qu'ils leur aura fallut du temps pour l'admettre enfin.
It's hard,
You must be brave.
Remus pensa à toutes ces années qu'il avait déjà passé à être l'être autant que possible.
Don't let this moment slip the way.
Remus pensa à mémoriser chacun des mouvements, chacune des sensations.
Believe that magic works.
Remus pensa à une magie bien différente de celle qu'ils utilisaient tous en agitant leur baguette.
Don't be afraid,
Afraid of being hurt.
Remus pensa que rien ne pourrait le blesser à présent.
No, don't let this magic die.
Remus pensa qu'il ferait tout pour qu'elle dure.
Oh, the answer's there,
Yeah, just look in her eyes.
Remus ne pensa à rien, il laissa sa tête où elle reposait, au creux du cou de Sirius. Et Sirius ne releva pas sa tête, il laissa son nez plonger dans les cheveux châtains. Et sans qu'ils ne prononcent un mot, ils se comprirent. Ils rapprochèrent leurs corps.
And don't believe that magic can die.
No, no, no, this magic can't die.
Ils pensèrent que c'était vrai, que rien ne pourrait venir briser cette merveilleuse magie.
So dance, your final dance.
Ils se fixèrent à nouveau. Et toujours sans un mot, leurs lèvres se scellèrent en un baiser. Leur dernière danse.
'Cause this is your final chance.
Aucun d'eux n'osa rompre ce baiser pour exprimer à quel point ils avaient peur que ce soit la réalité.