Chapitre 7.

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La liberté. C'est la seule chose à laquelle je pensais lorsque je sentais mes cheveux dans le vent, assise à l'arrière de la moto de Baji, escortée de près par celle de Chifuyu. J'avais fini par les convaincre de mettre un casque tout de même, et je m'en étais acheté un pour moi. Même si je n'avais pas de moto, c'était plus sécurisé pour monter sur celle de Baji. Je ne savais toujours pas vraiment où mes deux camarades allaient m'emmener, mais j'avais confiance. Avec eux, rien ne pourrait m'arriver. Et puis... Ils m'ont dit que ça me ferait sûrement plaisir, alors j'avais hâte de voir ce qu'ils me réservaient.

Il fallut peu de temps pour qu'on arrive à destination. L'endroit était tellement illuminé que je ne voyais rien pour le moment, trop éblouie par... des phares? Oui, c'étaient bel et bien des dizaines de paires de phares qui m'arrivaient en plein visage. Puis, ce que je vis après m'être habituée à la luminosité me laissa sans voix. Des dizaines de motos, toutes différentes, que ce soit par leur marque, leur couleur, ou bien même les autocollants qui avaient servi à les personnaliser. Nous étions sur un parking vide. Il n'y avait que cela, des garçons, et des motos.
Puis, c'est quand j'aperçus mes deux amis revêtir une veste noire, dans le dos de laquelle je pouvais lire les mots "Tokyo Manji" que je compris où je me trouvais. J'étais au rassemblement du gang de Baji et Chifuyu. Ils m'avaient avoué qu'ils faisaient partie d'un gang, tous les deux, que Baji était l'un de ses fondateurs et que Chifuyu l'avait rejoint il y a peu de temps, grâce à Baji, d'ailleurs. Pourquoi m'avaient-ils emmenée ici? J'avais un peu de mal à comprendre. Je regardais donc tout autour de moi, les gens, les véhicules... Il semblait bien que j'étais la seule fille de tout ce cortège. Certains jeunes hommes avaient l'air d'avoir mon âge, d'autres semblaient légèrement plus jeunes, et d'autres encore, plus vieux de quelques années. Certains inspiraient peu confiance, d'autres si, mais la seule chose que je remarquais pour le moment, c'était la façon dont ils me dévisageaient, l'air intrigué pour quelques-uns, le sourire aux lèvres ou avec un regard peu accueillant pour d'autres. Ils semblaient tous différent les uns des autres, et je devais avouer que je me sentais un peu intimidée.
Je sentis la main de Baji se poser sur mon épaule, ce qui me fit me retourner, alors qu'il m'offrait ce sourire qui se voulait toujours plus chaleureux. Il relevait ensuite la tête pour pouvoir hausser le ton, et s'adresser ainsi à cette foule d'adolescents.

-Les gars! C'est une pote à Chifuyu et moi, restez tranquille! Elle aime bien les motos, alors on s'est dit que ça lui ferait plaisir de venir jeter un coup d'oeil ici, vu tout ce qu'on a! Lança-t-il simplement à la foule alors que cette dernière se contenta de hocher la tête.
Je relevais les yeux vers Baji, qui semblait me dire d'aller voir ce qui me plaisait. Je voulais tout voir, faire le tour, poser des questions, admirer tous ces magnifiques véhicules un à un. Mes yeux brillaient comme ceux d'un enfant à qui l'on fait la surprise d'aller dans un parc d'attractions. Je ne savais pas par quel bout commencer. J'aurais probablement tout regardé si Baji n'avait pas précisé ces quelques paroles :

-Par contre, quand le chef arrive, reviens vers moi, qu'il sache que t'es pas une intruse arrivée ici par hasard.
-Et comment je sais que le chef arrive? Demandai-je ensuite. Je ne savais pas qui il était, alors j'aurais aimé savoir quand je devais revenir vers mon ami, histoire de ne pas avoir de problèmes. Je m'imaginais déjà un grand gaillard, sûrement plus vieux que nous, tatoué, probablement balafré, avec une carrure de monstre, une voix grave et un air méchant. J'espérais juste ne pas causer de problèmes à Baji et Chifuyu par ma présence.
-Tu le sauras bien vite, allez, file à ce qui te passionne, Rym! Me répondait-il en me souriant.

Et c'est ce que je fis. Maintenant avancée dans ce rang de motos, je ne savais plus où donner de la tête. Je restais plus longtemps à parler avec certains d'entre eux, dont j'avais retenu les noms. Mitsuya, Hakkai, Smiley, Pah-Chin, Peh-Yan... Ils étaient tous différents les uns des autres, certes, mais quand il s'agissait de parler de moto, tout se déroulait à merveille. J'avais posé beaucoup de questions, et offert beaucoup de compliments. Quand je m'apprêtais à passer au véhicule suivant, j'entendis le bruit de deux autres motos qui venaient d'arriver, puis je vis tous les membres du gang présents se redresser et se mettre droits. Et c'est là que je comprenais ce que Baji m'avait dit. L'ambiance était devenue un peu plus sérieuse, et même s'il n'était pas encore là, je sentais la prestance de cet homme à des dizaines de mètres. Je m'empressais alors de retourner vers Baji, qui me faisait signe de rester debout entre lui et Chifuyu. Je l'écoutais directement, et reportais mon regard vers l'espèce d'allée qui s'était construite entre les gens présents. C'était donc ça, le respect des chefs de gang? Je ne m'attendais pas à ça du tout. Et c'est maintenant que je comprenais que les préjugés de mon père ne tenaient pas en place. Ils n'étaient pas sauvages, ils ne manquaient pas de civisme. Personne ne m'avait insultée, personne ne m'avait touchée, alors qu'ils auraient pu le faire mille fois. Ils étaient respectueux. Je comprenais alors que la vision de la police était subjective, et que cela variait sûrement selon le gang. Ceux du Tokyo Manji paraissaient totalement normaux.

Puis mes yeux se posèrent sur ces deux têtes blondes qui s'avançaient au centre de l'allée. Celui à l'avant du cortège était bien plus petit que tous les autres, et pourtant, il dégageait une aura spéciale. N'importe qui se serait senti déstabilisé, et moi la première. Et c'est ainsi que je compris que le chef, c'était lui, escorté de près par ce qui devait être son second. Un grand garçon aux cheveux coiffés en une tresse, et dont l'une des mèches retombait sur le côté droit de son visage.

Alors qu'ils s'avançaient, les membres du gang les saluaient. Avec Baji, nous étions rangés tout à l'avant de la foule, devant des escaliers. Celui que je présumais être le chef de ce groupe ne tardait pas à monter ces derniers, avant de prendre la parole. La prestance, l'éloquence, et surtout, l'écoute d'une foule entière. Mon doute était alors affirmé : c'était lui le leader. Et même si je n'étais aucunement membre de ce gang, son discours me captivait. Il avait une façon de parler qui donnait envie de l'écouter. Il parlait de bagarres de groupes, de rassemblements, mais rien de plus, ce qui m'effaçait de la tête encore plus de préjugés de mon père. Ils n'étaient pas tous des meurtriers. Ils n'étaient pas tous des drogués, des agresseurs. Ici, ils parlaient de régler leurs problèmes extérieurs sans avoir à mêler des innocents dedans. Et ça changeait totalement ma vision des choses.

Le chef, dont j'appris le nom quelques secondes plus tard de la bouche de Baji, avait demandé ce que je faisais là. Sur le coup, j'avais senti tout mon corps se raidir lorsqu'il encra son regard dans le mien. Ce garçon, aussi petit qu'il soie...Il inspirait le respect. Baji lui expliquait le pourquoi du comment j'étais ici, et le blondinet, nommé Mikey, avait juste hoché la tête en souriant en signe d'approbation. Puis le rassemblement prit fin. Les membres qui semblaient être les moins importants partaient, alors que ceux qui semblaient compter plus, comme Baji et Chifuyu, restaient un peu. J'avais donc suivi le mouvement, et m'étais retrouvée dans la discussion entre ceux qu'étaient les membres fondateurs et les capitaines de certaines divisions. Je ne savais pas qu'il y avait un système de hiérarchie dans les gangs, alors décidément, j'en apprenais beaucoup, ce soir.
Le second du gang, nommé Draken, ainsi que Mikey, m'avaient dit de revenir la prochaine fois qu'ils auraient une réunion, car je pourrais bien m'entendre avec une jeune fille nommée Emma. Apparemment, elle ne faisait pas partie du gang, mais elle venait parfois aux rassemblements, et elle était sympathique. Je me disais alors que c'était une bonne façon de me faire de nouveaux amis, même si la plupart ne faisaient pas partie de mon collège. Ces garçons semblaient gentils. J'acceptai alors avec plaisir de revenir les autres fois, sans vraiment me soucier de ce que je pourrais raconter à mon père lorsque je rentrerai plus tard. Je n'y pensais pas pour le moment, je ne voulais pas y penser. A l'instant présent, je profitais de cette douce sensation que d'être au sein d'un groupe de personnes. Des personnes qui te parlent et t'écoutent avec de l'intérêt, des personnes qui te sourient. Mon "Dans une autre vie, dans un autre monde" s'était complètement dissipé pendant ce laps de temps où je parlais avec eux.

Mais mes pensées revenaient quand j'arrivais au bout de ma rue, déposée par Baji, après que la réunion ait pris fin et que nous ayons parcouru la distance qui me séparait de ma maison. Chifuyu était quand à lui, déjà rentré. Un dernier salut au grand brun qui me raccompagnait, et un dernier sourire avant que je rentre chez moi.
Une fois la porte ouverte, mon père se jetait limite sur moi. Il m'exposait son inquiétude vis à vis de ce qu'il osait appeler  "ma disparition". J'étais partie deux heures, pas plus, et il s'inquiétait comme ça. Je trouvais alors l'excuse que j'avais raccompagné une amie chez elle, et qu'elle m'avait invitée à boire un thé avec elle, que nous avions discuté un moment et donc que j'étais ressortie un peu plus tard. Et il me croyait. Il semblait trop inquiet pour se douter de quoi que ce soit. Il me demanda juste de penser à le prévenir par message lorsque je faisais cela.

Sauvée, il ne se doutait pas qu'il y a encore une demi-heure, je discutais avec des garçons issus d'un gang, et tant mieux. Sinon Dieu sait ce que mon père aurait trouvé pour me bloquer à la maison.

Angels can't fly down hell. (BAJI KEISUKE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant