Lady d'Arbanville (Sano Manjiro)

1.6K 92 24
                                    

(song fic)

My lady d'Arbanville

La détonation n'avait pas résonné dans tout le quartier. Non, on l'avait étouffée avec un silencieux. Personne n'entendit le coup qui était parti à une vitesse entre 250 et 500 m/s. Personne ne sût ce qu'il se tramait en bas de la rue. Les honnêtes gens dormaient sur leurs deux oreilles, au chaud sous leurs draps, malgré le froid mordant qui s'infiltrait dans les chaumières de béton. Je les imaginais tranquilles, apaisés, serrés les uns contre les autres. Serrés, comme moi contre son corps glacé.

Why do you sleep so still?

Lui aussi, sommeillait. Je souris. Repose-toi, mon ange. Oublie la cruauté de ce monde, l'infernal destin et la justice somnifère. Oublie tout le mal que l'on ne t'ait jamais fait, tous ces pieux dans ton petit cœur pâle, cette malchance diabolique qui t'a tant meurtri. Non, tu ne méritais rien de tout cela, mon chérubin. Je passai un doigt dans ses cheveux d'or. Sa poitrine tressaillait encore, à moins que ce ne soient que mes propres tremblements. Et bientôt, il faudra te réveiller. Car j'ai besoin de toi.

I'll wake you tomorrow
And you will be my fill
Yes, you will be my fill

Mon dos se courba un peu plus sur la chair blanche de mon aimé. Une goutte s'écrasa sur son nez. Elle fila vers sa bouche et s'introduit entre ses lèvres. Il y a encore une heure, elles étaient contre les miennes et avaient un goût de Doriyaki.

My Lady d'Arbanville

Il y a encore une heure, nous regardions la télé, blottis l'un contre l'autre. Enfin, je crois que je n'ai pas pu suivre une seconde de l'émission. Il parlait sans arrêt, commentait tout et n'importe quoi, je lui disais de se taire. Je déposais une tape affective sur sa tête et il cessait. Puis il m'embrassait.

Cela devait faire quatre mois que je partageais ma vie avec ce petit être de colère enfouie. Une colère sombre, presque noire, invisible, et en même temps si présente qu'elle lui bouffait le cerveau. Si dense que parfois, lorsque personne ne regardait, lorsque le gamin souriant s'en était allé, j'en faisais les frais. Alors, pourquoi ? Pourquoi étais-je si attristée ?

Why does it grieve me so?

Je me penchai sur sa poitrine, mes cheveux chatouillaient sa peau diaphane. Était-ce mon propre cœur que j'entendais tambouriner comme lui à ma porte ?

Je jetai un œil à l'homme qui tenait le pistolet, il n'avait pas bougé d'un millimètre. Je me demandais si lui aussi, entendait. Mais la seule rumeur qui parcourait cette rue était celle des chiens au loin et de la nuit qui grouillait. Sous le triangle de lumière du lampadaire, il avait l'air d'une statue démoniaque. Or son expression était celle d'un garçon égaré.

Non, on n'entendait plus rien. Je ne sentais plus d'air sortir de sa bouche mauve.

But your heart seems so silent
Why do you breathe so low
Why do you breathe so low

Kisaki Tetta se laissa tomber sur les deux genoux, les yeux éventrés. Je serrai violemment mon âme dans mes bras, comme pour le protéger d'un éventuel coup final qui ne vint jamais.

You look so cold tonight

Je fus frappée par la froideur de ses bras nus. J'avais l'impression d'étreindre un morceau de glace. Couvre toi, douceur. Je fis glisser mon gilet sur son large torse. Ses poings se desserraient petit à petit ; je connaissais si bien leur forme. Je retraçai les nervures de ses phalanges du bout des doigts puis les emprisonnai dans mes mains.

Ces poings imprimés sur mon visage, ces poings si forts et aujourd'hui si faibles.

Your lips feel like winter

Tes lèvres sentent comme l'hiver.

Your skin has turned to white
Your skin has turned to white

Et ta chair est incolore.

Mais tes yeux n'ont pas changé.

Je passai une main sur ses paupières. Le pistolet du blond avait rebondi sur le goudron et s'était échoué sur le trottoir. Je fixais l'objet aussi intensément que je regardais Kisaki droit dans les pupilles.

Il faisait si froid que tous mes muscles étaient engourdis. La peau de mes lippes avait la même couleur violacée que les siennes. Je me levai en déposant délicatement le crâne du macchabée sur les gravats et m'approchai du flingue.

Kisaki.

Kisaki Tetta.

— Adieu, Mikey.

THE KIDS AREN'T ALRIGHT | tkr osOù les histoires vivent. Découvrez maintenant