Jeanne s'était sentie tomber à la seconde où la porte l'avait avalée. Plongée dans un noir complet, la chute lui avait semblé durer une éternité. Son estomac s'était retourné et elle avait cessé de crier après la première minute. Elle tombait dans le vide, mais il ne semblait pas y avoir de fond. Autour d'elle, le néant. Ses yeux avaient beau s'être habitués à l'obscurité, ses pupilles dilatées au maximum, elle ne voyait toujours rien.
— Jeanne ?
La voix de Gonzague avait retenti derrière elle et elle s'était retournée.
Soudain, elle se tenait accroupie à ses côtés, et la lumière l'aveuglait. Elle avait cligné des yeux le temps de s'adapter à la lumière extérieure. Elle se trouvait dehors, en plein soleil. Un léger vent soufflait dans ses cheveux et elle sentait l'odeur de la mer. Gonzague était agrippé au sol comme si sa vie en dépendait. Elle avait regardé autour d'elle et avait compris pourquoi. Ils se trouvaient sur une très haute colonne d'une dizaine de mètres placée au milieu d'une arène. En jetant un coup d'œil en contre bas, Jeanne avait senti sa tête tourner très légèrement et s'était rappelée pourquoi on disait tout le temps qu'il ne valait mieux pas regarder en bas. Elle avait néanmoins eu le temps d'apercevoir le lion avant qu'il ne l'aperçoive à son tour. Un rugissement avait fait trembler Gonzague.
— Ne t'inquiètes pas, on est tellement haut que le lion ne peut pas nous atteindre.
— J'ai le vertige, avait chouiné Gonzague, toujours accroché aux bords de la colonne.
Il était plaqué contre le sol, évitant les légères bourrasques de vent. Jeanne avait l'impression que celles-ci s'accentuaient, mais elle avait préféré garder l'information pour elle. Gonzague semblait déjà avoir assez de raisons de paniquer pour qu'elle lui en ajoute une autre. Mais elle devait descendre de la colonne avant que le vent ne se charge de la descendre de lui-même.
— Tu... tu crois qu'il est trop tard pour... retourner dans le chalet ?
Jeanne avait regardé en haut mais elle ne voyait rien d'autre que le ciel. Pas la moindre porte qu'il suffirait de franchir pour retourner dans la sécurité de la cabane.
— Je crois que oui. Mais ce n'est pas grave, d'accord. Gonzague, il faut qu'on descende maintenant.
Elle avait regardé à nouveau le ciel. Le soleil avait disparu et des nuages noirs se rassemblaient à une vitesse très peu naturelle. Un orage allait bientôt éclater, et il valait sans doute mieux ne pas rester ici.
— Peux pas.
— Quoi ?
— Je...p...peux pas b...bouger.
Gonzague était plus pâle que jamais. Même les jointures de ses doigts étaient blanchies sous la force avec laquelle il s'accrochait à la colonne. Jeanne ne pouvait pas rester là à vaincre la tempête. Peut-être tiendrait-il le coup tout seul ?
Elle avait regardé une nouvelle fois en bas. Une échelle sur le côté de la colonne descendait jusque dans l'arène. Parfait.
Elle avait descendu l'échelle aussi vite qu'elle le pouvait et était parvenue sans encombre sur la plateforme sur laquelle reposait la colonne. Le lion rugissait férocement à peine deux mètres plus bas. Jeanne s'était figée tandis qu'il la fixait, immobile. Il semblait prêt à bondir à n'importe quel instant, et Jeanne avait songé que s'il avait la dextérité d'un chat, ce ne serait pas difficile pour lui de le rejoindre sur sa plateforme. Elle n'était pas en sécurité. Un coup de tonnerre avait retenti et les poils du lion s'étaient hérissés. Jeanne avait risqué un coup d'œil vers le ciel lorsque la pluie fine avait commencé à crachoter. Le ciel noir avait tourné au rouge sang pendant sa descente. Des éclairs venaient flasher les arènes comme des paparazzis cannibales. Une porte se trouvait de l'autre côté de l'arène. Elle n'avait qu'à distraire le lion le temps de traverser, et elle serait sortie.
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Le Chat de Monsieur Saune
FantasíaQuand Monsieur Saune, son patron, lui confie la garde de la librairie et de son chat avant son départ en vacances, Jeanne ne voit pas ce qui pourrait mal se passer. Employée modèle le jour, écrivaine en herbe la nuit, elle se pense prête à faire fac...