AlexT47-A Ou La Théorie de l'Intelligence Naturelle *Delve Deeper 2021*

Chapitre 8

Après un long quart d'heure de discussion, nous avons raccroché. Ma grand-mère m'a expliqué plus en détail le besoin irrépressible de mon père à recréer un être humain. En prenant place dans un nouvel amphithéâtre, je n'ai plus qu'une envie. Trouver Alex, lui dire que je suis désolé, et voir à travers lui tout l'amour qu'a mis Hugo pour faire vivre encore ma sœur et ma mère. Il ne m'est jamais venue à l'idée qu'il souffrait. Il était si peu présent que je croyais qu'il n'en avait plus rien à faire de nous.

Je compte les minutes avant la fin du cours magistral. Deux heures, c'est long. Ça donne cent vingt minutes. C'est-à-dire sept mille deux cents secondes. Déjà que compter jusqu'à mille ça prend du temps... Et puis une seconde aussi, c'est long !
Bref. J'attends que le cours passe. J'ai trois heures de pause après, de quoi chercher mon nouveau camarade. D'autant plus que je n'ai aucune idée d'où il se trouve. S'il est resté avec Lolie, il pourrait être aussi bien chez elle que dans quelques bars ou cafés du campus où elle travaille. Et puis s'il est parti avec quelqu'un d'autre... Non, il refusait de me quitter. Il doit être retourné à mon appartement. Peut-être qu'il attend sur le seuil. J'espère au moins qu'il n'a pas essayé de forcer la serrure.
À la sonnerie, je me dirige vers le Café Latte où sert Lolie entre midi et deux. Elle devrait au moins pouvoir me donner des renseignements.

Sa longue robe noire et blanche, type échiquier, tranche avec sa coiffure et le feu d'artifice tatoué sur son cou. Lorsque Lolie me voit, elle me sort un grand sourire et me fait signe qu'elle prend sa pause. Je la regarde approcher en sautillant sans comprendre comment elle trouve tant d'énergie.

- Hey ! Comment ça va ? Ton pote est trop cool ! Pourquoi tu ne me l'as pas présenté plus tôt ?

- Je ne le connais pas depuis longtemps. Tu sais où il est ?

- Chez toi. Je lui ai donné mon double de clés. Il avait l'air inquiet quand il est parti.

À peine ai-je entendu ces mots que je sors du café en la remerciant. Arrivé chez moi, je remarque tout de suite l'odeur de propre qui règne. Je ne sais que penser en comprenant qu'il a nettoyé l'appartement alors même que je lui ai faussé compagnie. Le blond, accoudé près de l'évier, se retourne en m'entendant. Un sourire illumine son visage :

- Tu as passé une bonne soirée ? J'espère que ça ne te dérange pas, j'ai rangé...

Troublé par son calme, alors que je pensais qu'il m'en voudrait d'avoir échappé à sa présence, je peine à trouver mes mots :

- Non, c'est très bien... Merci.

Il attrape deux verres dans l'armoire et me propose de l'eau. Je commence à me demander si la dernière soirée n'a pas été effacée de sa mémoire. Alors, je lui demande :

- Tu ne m'en veux pas ?

Il me lance un regard brillant d'une étrange lumière. De... l'amusement, il me semble.

- Alors, maintenant je peux ressentir des sentiments ?

Je suis bouche bée en l'entendant faire de l'humour. Mais mon cœur se serre quand je me rends compte de la manière dont je l'ai traité. Il n'avait rien demandé pourtant.

- Comment tu sais que je pense ça ? Je ne pense pas te l'avoir dit en face...

- Pitié ! Tu le penses si fort. Bon, le fait que ta grand-mère m'ait rapporté ton état d'esprit m'a peut-être aidé aussi...

Alors que je ne peux empêcher un rictus d'apparaître sur ma face, je me vois dans l'obligation de m'avouer une chose : ça ne sera peut-être pas si terrible d'être en sa présence. Et puis, comme l'a dit ma grand-mère, ce serait également un moyen pour faire la paix avec mon père. D'une certaine façon. Alors j'attrape le verre qui me tend, et trinque avec lui.

Comme le disait Abi "Le futur, ce n'est pas la suite de ton passé. C'est le nouveau chemin que tu décides de tracer."