I.
Je suis assis sur ce rocher, tout en haut, au-dessus du monde. C'est le mont Pelat, le roc le plus élevé de la région, 3050 mètres. Je suis parti tôt ce matin, aux alentours de 7h, et me voilà maintenant au sommet, l'ascension a pris à peu près 3h. Une fois arrivé c'est d'abord une sensation de solitude extrême et de vertige qui s'est emparé de moi ; j'étais totalement isolé avec tout autour de moi, des montagnes semblant s'étendre à l'infini. Malgré cela, après un bref moment d'adaptation, je me sens vite bien ainsi. Me voilà donc là, seul. J'oublie petit à petit, j'oublie les désagréments, les problèmes journaliers, les envies, les désirs, les dégouts... un vent frais souffle tranquillement sur mon visage.
Combattant ma peur du vide, je décide enfin de me lever pour pouvoir apprécier la grandeur du monde qui m'entoure, dans toute sa puissance. Mon cœur bat très fort dans ma poitrine, dans mon ventre, je sens mon sang pulser jusqu'au bout de mes mains, jusqu'au fin fond de mes orteils. Je respire fortement plusieurs fois et me rassois. Le vide qui avait pris place dans mon esprit tout au long de cet instant d'euphorie se peuple petit à petit, à mesure que mon estomac se remplit lui-aussi du sandwich que je me suis préparé ce matin, avant de partir, alors qu'il faisait encore nuit ; une baguette coupée en deux par le milieu, du beurre, quelques tomates tranchées, un peu de concombre et de la tomme de chèvre.
La machine à penser se remet en branle, lentement. Il faut digérer, assimiler, accepter.
***
Je m'appelle Camille Tisbeni, j'ai 29 ans et j'habite dans un petit village fortifié du nom de Colmars-les-Alpes dans la vallée d'Allos. Cela fait maintenant deux ans que j'ai emménagé dans ce lieu, à l'écart de la vie cosmopolite, loin des grandes villes, du stress et de la fatigue permanente. Il y a deux ans donc, j'ai hérité d'une somme assez importante d'argent et j'ai décidé de quitter mon studio minable à Paris, de fuir l'écriture interminable de ma thèse et de m'exiler dans cette petite vallée accrochée à la montagne. J'ai acheté une maison un peu à l'extérieur du village, pas très loin du fort de France avec pour l'intention de mener une vie paisible et sans obligations aussi longtemps que l'argent que j'avais touché me le permettrait.
Évidemment, d'un point de vue extérieur, hériter d'autant de moyens pourrait apparaître comme une bonne chose, une opportunité d'investissement pour le futur, un nouvel envol. Pour autant, hériter signifie d'abord de perdre quelqu'un de sa famille ou un proche, ce qui est, entendons-nous, assez dévastateur. En ce sens, ma fuite vers la montagne était aussi un moyen pour moi de faire le deuil, de passer à un nouveau chapitre de ma vie, un chapitre dans lequel je serais bel et bien seul. Il me semblait alors que j'avais un besoin viscéral d'embrasser cette solitude et cette vie loin de tout était, paraissait-il, une bonne option pour y parvenir.
II.
Une fois les quelques semaines de déménagement terminées, ma vie à Colmars s'automatisa assez rapidement. Je me levais en fin de matinée, allais chercher une baguette chez la boulangère, en grignotais un morceau sur le chemin du retour, puis je m'exerçais pendant une trentaine de minutes ; je faisais des pompes, des tractions, des abdominaux, travaillais ma souplesse, le but étant globalement de réveiller correctement chaque partie de mon corps. Cela étant fait, je mangeais un réel repas du midi.
L'après-midi, j'avais trois activités phares. J'aimais passer du temps à jouer à des jeux-vidéos sur mon ordinateur ; c'était le plus souvent des jeux de studios indépendants. Parfois ils n'étaient pas assez complets ou même un peu bancals, mais toujours faits avec beaucoup d'envie et de cœur et c'était ça qui m'intéressait. De plus, ils étaient souvent très originaux et offraient des possibilités de gameplay variés. Quand je ne faisais pas cela je lisais aussi, souvent. J'étais passionné des romans de Fred Vargas, d'Haruki Murakami et aussi d'Alain Damasio. Je relisais sans cesse les mêmes histoires - toujours plusieurs en même temps - découvrant à chaque lecture de nouveaux aspects, des nouvelles pistes qui m'avaient échappées lors des lectures précédentes. J'y réfléchissais fréquemment et trouvais toujours de nouvelles théories selon mon humeur ou selon les autres livres que je lisais à ce moment-là. Finalement, il m'arrivait aussi de m'asseoir, sur un fauteuil de mon salon ou sur un transat de mon petit jardin et d'écouter de la musique, simplement, me laissant transporter par la mélodie ; doucement, brusquement. J'avais fait du violon dans ma jeunesse et j'aimais beaucoup le son de cet instrument alors j'écoutais des concertos pour violons, de toutes les époques, de tous les genres. De Mozart à Berg en passant par Mendelssohn ou Tchaïkovski. J'aimais aussi beaucoup les musiques de Georges Brassens et d'Abd Al Malik que j'écoutais fréquemment.
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Le petit foulard jaune
ParanormalNouvelle fantastique : Un jeune homme, Camille, dans sa vingtaine, perd un proche, hérite et s'isole dans la montagne. Il y rencontre une jeune femme qui a le même prénom que lui et autour de qui des choses étranges se produisent. Dans ses rêves, il...