Arrivé dans la salle de cérémonie, soit la salle du trône, le jeune prince ne fit qu'un bref signe de tête à son géniteur, sans aucune autre marque de respect. En effet, lui léguer un royaume détruit et un peuple effrayé ne donne aucune envie à Eselion de lui dire merci ou lui montrer une quelconque marque de respect.
Le monarque lui intima par le regard de changer d'attitude avant de reculer afin de laisser le prêtre de la cour proclamer le jeune prince Roi, au grand damne de ce dernier, dont une larme roula sur sa joue lorsqu'il senti la couronne entrer en contact avec son crâne.
Il se releva doucement et se tourna vers le peuple présent dans la salle qui l'acclamaient, ce qui eut pour effet de le surprendre au plus haut point.
En effet, le peuple le voyait bien comme un sauveur et non un tyran comme son père, ils lui faisaient confiance, ils plaçaient tous leurs espoirs sur ses épaules, les espoirs d'un royaume prospère, juste et où il y fait bon vivre, où le peuple serait entendu, enfin.
Eselion sourit alors et pris le sceptre que lui tendait amèrement l'ancien Roi avant de le lever dans les airs, prenant enfin la parole, haut et fort :
-Peuple d'Astromenos ! Je ne vous ferai pas de promesses, je ne vous ferai pas de faux espoirs. Simplement des actes. Justice sera faite, et notre royaume retrouvera sa grandeur d'antan, mais pour ça j'ai besoin de vous, de votre force d'esprit et votre solidarité ! Que tous les menuisiers, charpentiers, et autres métiers manuels et du bâtiment s'unissent pour tout reconstruire ! prenez tout le bois disponible dans les réserves du palais ! tisserands, orfèvres et autres personnes du textile ou des bijoux, réalisez vos plus belles œuvres ! rideaux, vêtements, parures de lit, bijoux, ornements ! décorez nos villes, décorez le château et tout ce que vous voulez !
Les métiers alimentaires, refaites vos marchés ! Nous en sortirons grandis, je vous le dis, mon peuple. Nous serons plus unis, plus grands, plus beaux que jamais, les dieux nous sourirons à nouveau.
Le peuple l'acclama alors dans un tonnerre d'applaudissements et de cris de joie.
L'ancien Roi grogna et s'apprêta à quitter la salle lorsque la voix de son fils retentit à son tour, à son égard cette fois.
-Quand à vous, père. Je vous arrête pour destruction du Royaume, abandon du peuple, vols et tyrannie. Vous finirez vos jours dans les cachots. Gardes, escortez-le jusqu'à sa nouvelle demeure.
Son père écarquilla les yeux et se mit à hurler lorsque les gardes se saisirent de lui, se débattant sauvagement.
- Comment oses-tu faire ça à ton propre père, Eselion ?! Je t'ai offert ce royaume, je t'ai élevé !
Ses cris furent étouffés au fur et à mesure qu'il s'éloignait contre son gré, traîné par les deux gardes.
Je fermai alors longuement les yeux, soupirant avec lourdeur. Je ne pensais pas que cela me ferait quand-même quelque chose de mettre mon père en prison, bien qu'il soit un des pires monstres qu'Astromenos ait connu, mais je vois que je me suis trompé. Cela me fend le cœur de voir ma famille être déchirée à ce point. Entre la mise à mort de ma mère, le règne tyrannique de mon père et la violence qu'il nous a fait vivre à mes sœurs et moi, tout cela me fatigue au plus haut point. Comment a-t-on pu en arriver là ? Trois mortes, un roi enfermé et moi, seul sur le trône d'un pays dévasté, à 21 ans. Elle est belle l'entrée dans la vie d'adulte.
Je finis par me m'asseoir sur le trône, droit, afin de regarder ce peuple désormais le mien.
Je pris une grande inspiration, fermai les yeux un court instant puis fais retentir ma voix dans la grande salle.
-Mon peuple, que ce jour soit un jour de fête, oubliez tous vos soucis et dansez sur ce renouveau ! que tous se retrouvent ce soir dans la cour du château, un grand banquet vous y attendra, vous mangerez à votre faim. Disposez, et fêtez ce jour nouveau ! Le soleil se lève à nouveau sur nous !
Leurs cris de joie m'arrachèrent un sourire et quelques larmes. Tout ce malheur est derrière nous.
Je les regardai alors quitter l'immense salle et me frottai les tempes, laissant tomber mon dos contre le siège mollement, soutirant un raclement de gorge agacé au précepteur Orgol. Ce vieux bois défraîchi ne me lâchera donc jamais.
-Je me passe volontiers de vos commentaires, avec tout le respect que je vous dois.
Il grinça des dents avant de prendre la parole :
- Désormais, vous m'aurez à vos côtés tous les jours, Votre Majesté. Il faudra vous faire à ma présence auprès de vous ainsi qu'à mes commentaires qui, je le sais, vous agacent profondément depuis votre plus tendre enfance. Soyez déjà bien heureux que je n'ai plus l'autorisation de tirer sur vos bouclettes rousses.
Je fis mine de ne pas l'entendre, voulant simplement retourner dormir tant la nuit dernière fût courte. J'eu à peine le temps de me lever que la voix rauque d'Orgol cogna désagréablement contre mes tympans.
- N'espérez pas retourner à vos vieux démons et vous éclipser seul constamment à dormir ou à lire dans un coin. Vous êtes roi, votre place est ici, sur ce trône, et auprès du peuple.
-Je sais, mais je vous rappelle que j'ai parfaitement le droit de prendre du temps pour moi. Je ne suis pas mon père et ne le serai jamais. Alors si vous comptez me conseiller comme vous l'avez conseillé lui, je vous enferme dans votre tour et vous ferai lire tous vos bouquins poussiéreux encore et encore jusqu'à vous rendre chèvre.
Le vieil homme grommela sans rien ajouter de plus, se contentant de suivre du regard le jeune homme qui sortait de la pièce pour finalement marmonner dans sa barbe :
- c'est vous qui allez me rendre chèvre.
Les heures passèrent et personne ne vit Eselion avant l'heure du banquet où il descendit, tout prêt et magnifiquement vêtu, au plus grand étonnement du précepteur et de toute la bourgeoisie, ne l'ayant jamais vu qu'en armure.
Il descendit les grands escaliers de pierre, saluant tout le monde en esquissant un léger sourire. Un bel homme charmant, qui ne manqua pas de faire tomber plus d'une femme dans ses séduisants filets. Il s'installa gracieusement sur le trône posé dehors pour l'occasion, levant simplement son verre pour annoncer l'ouverture de ce banquet sonnant le renouveau d'Astromenos.
Eselion perdit son sourire dès que l'effervescence de la fête repris sa place dans la cour, regardant le fond de son verre sans grande émotion.
personne ne remarqua son visage fermé, presque triste. Personne, sauf elle.
Tapie dans l'ombre, sur le toit de la tour nord, elle observait tout, de ses yeux félins, comme un chat, perché en haut d'un arbre fixant le monde qui l'entoure.
Se sentant fixé, le rouquin leva ses yeux bleus vers ce qui semblait être la source de cette oppression. Ce geste lui valut de tomber droit dans le regard de cette créature, avant que celle-ci ne disparaisse dans la nuit.
« Sûrement un Jaria, se disait-il. Ces gros félins ont dû se rapprocher de nos terres depuis la guerre, vu le peu de survivants qu'il nous reste.. »
Il retourna à la contemplation du fond de son verre avant de relever vivement la tête lorsqu'un cri d'horreur déchira les bruits de la fête.
-Elle a été déchiquetée ! On a déchiqueté ma fille ! Aidez-moi, je vous en supplie !!
Le jeune homme se redressa vivement sur son siège, allant à la rencontre de la mère qui se laissa tomber dans ses bras, en sanglotant de tout son être.
-Racontez-moi, enfin ma chère, calmez-vous, guidez-moi à elle..
Son ton se voulait rassurant, bien que cela ne changea en rien le comportement de la pauvre femme, prise d'un désespoir sans nom.
Un garde fit signe au roi de le rejoindre, ayant découvert le corps de la petite fille, laminée et à peine reconnaissable, aux portes de la grande ferme.
-Le père raconte qu'elle jouait dehors et qu'un monstre a sauté sur elle, il n'a vu que son ombre après avoir entendu les hurlements de l'enfant.. Quelle horreur, le sang ne cessera donc jamais de couler ? Après la guerre, maintenant ça..
Eselion leva la main en signe de calme, avant de masser doucement la nuque du soldat.
-Détendez-vous. Je me charge de cette histoire, je refuse que le sang coule plus qu'il n'a déjà été.
Sur ces mots, il lui intima de quitter les lieux avant de se pencher sur le corps de la fillette, son père se laissant tomber devant ce petit corps mutilé. Il suppliait le roi de faire quelque chose, de trouver ce monstre et venger son petit ange. Le rouquin lui en fit la promesse, le faisant ensuite rentrer chez lui avant de ramener le corps au château sur une charrette.
Le corps fût examiné minutieusement toute la nuit, sous la surveillance du Roi mais également des étranges yeux félins, assise sur le rebord de la fenêtre en toute discrétion. Elle se léchait encore les doigts et les lèvres en fixant l'enfant avant que son ne regard glisse sur l'homme aux boucles rousses, avant que ses lèvres ne se fendent d'un sourire fier et déterminé.
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La fleur des âmes
FantasyQuelques mois auparavant, son monde avait été ravagé par la guerre. Depuis que la plupart des humains ont été décimés, des créatures jusque là jugées mythiques sont découvertes jour après jour, dévoilant l'existence d'un monde, bien caché depuis des...