Admirable de technicité, impeccable de rythme, supérieur de vigilance et virtuose de contention, ce recueil de poèmes issus d'un contemporain anachronique, d'un revenant dont la minutie m'évoque quelque génial autiste. Forme et lexique, ces deux intempestives exigences, ne souffrent aucune approximation, rappelant – il en est besoin en un siècle qui ne fait plus en ce genre à peu près que de l'écriture automatique ou du surréalisme puéril – que la poésie ne se fonde pas sur une banale intention d'exprimer un émoi mais sur une prééminence accordée à la beauté du langage. Il faut du travail et de la maîtrise pour cet art d'excellence à l'extrémité de la littérature, qui condense sens et suggestions. Porfilio est en cela un orfèvre : par recherches appuyées et ouvragées, il cisèle le factice, d'une superbe élégance, parnassienne et contournée, précieuse et difficultueuse quoique sans hermétisme, et solennellement contemplative, comme des tableaux fin-de-siècle. D'innombrables retouches confinent à la perfection du rendu, c'est d'une propreté inattaquable, hiératique presque, complaisamment sculptée, artificielle et... lisse. On admire le lustre rutilant ; on n'y discerne pas le fond du vrai. Porfilio est indéniablement un magistral décorateur de cadres dorés et d'un académisme appesanti, mais il se complaît trop à des figures, et le motif de la toile tend à disparaître à l'exposition des méticuleux pinceaux.
... Ah ! ma dureté ! Je sens que je regrette déjà l'intransigeante, l'inhumaine fermeté de ce que j'écris !
Porfilio n'est pas précisément pédant et je ne le soupçonne pas de vouloir en imposer à quiconque ; seulement, c'est sincèrement qu'il aime, adore et idolâtre la manière pure, mais il n'a pas grand-chose à dire, et tout se fige à ce façonnage coloré qui n'entretient qu'un rapport lointain et esthétique avec la réalité : on y rencontre des sentiments glacés tels qu'ils devraient être, tels qu'on se plaît à les trouver dans la littérature, les plus classiques élans, les statues les plus dignes, mais ce sont des statues moulées à l'imitation d'autres statues. Beaucoup de ciels rougeoyants en braise dans des firmaments en rimes très riches. Beaucoup d'animaux décrits : c'est qu'il faut s'ennuyer fort, je trouve, pour parfaire à la perfection une pièce sur la girafe ou l'éléphant. C'est magnifique mais ça ne touche pas, ça n'a pas d'audace, le fond est piètre, c'est moins pittoresque que Hérédia qui est à la fois plus juste et plus truculent, sans profondeur, que des aplats « brillants » sans vitalité. Plus maladroit : il n'est pas rare que l'obsession formelle trouble ou abîme la représentation du lecteur. Les images sont toujours un peu surcomposées, hypermétaphorisées dans un goût d'astuces savantes et de joliesse codifiée, mais ces effets de surenchère constituent des fautes d'idées, des travestissements et des confusions du réel, car il est de ces surabondances stylistiques qui se contrarient et s'obscurcissent. À la fin, tout en lisant, j'en arrivais à chercher systématiquement d'où procédait l'inefficience de la transmission, ce qu'il y avait d'insincère et de décoratif finissant par impatienter, par empêcher la fluidité de la représentation, sans parler de raretés lexicales qui ne m'importunent pas mais sont quelquefois faites exclusivement, il faut le reconnaître, pour être remarquées comme vocables ostentatoires à l'exclusion même de ce qu'elles désignent et sont censées traduire. L'unité, à force de détours innombrables, se perd, le ton affiché de tendresse ou de gravité se désavoue à la révélation trop sensible des outils de l'artisan, la composition d'une scène s'emberlificote de tropes, on ne lit plus l'émotion mais l'élégance du travail, la facture, les ajouts qui se superposent au lieu qu'ils forment une cohérence compacte. Ah ! il faut un exemple, bien sûr, et je ne veux pas choisir ; il suffit, je suppose, que j'ouvre au hasard et que j'explique ; ce sera page 23 donc, un sonnet, – je ne m'attarderai que sur les défauts que j'explore – et déjà le titre :
« IN EXCELSIS »
Et pourquoi pas, plus simplement, « En hauteur » ? Est-ce que déjà le poète veut induire une multiplicité de connotations ? Pourquoi pas ? Passons.
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Chroniques wariennes (mes critiques littéraires)
No FicciónDes critiques de ce que je lis, écrites peu après avoir lu.