Chapitre 16.

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Assise sur le sol de la salle de bain, dans le noir, elle essayait tant bien que mal d'étouffer ses sanglots comme si quelqu'un pouvait l'entendre. En réalité il n'y avait personne. La peine était immense et tenter de réaliser et d'accepter la situation actuelle rendait la douleur exponentielle. Du jour au lendemain elle devait faire face, être forte, et continuer en sachant que ce qu'elle a toujours connu changera à jamais et qu'espérer que tout s'arrange ne serait que du temps perdu. Elle essuya son nez sur le petit mouchoir qu'elle avait dans sa main. Elle tentait comme de savoir si elle avait assez pleuré mais chaque fois, une nouvelle vague de larmes coulaient sur ses joues. La réalité échappait à son contrôle et, elle se demandait si quoi que ce soit lui a déjà appartenu. On dit que rien n'est acquis mais alors qu'avons nous ? Si ni la vie, ni les choses ne nous appartiennent alors que possédons nous ? Rien du tout.
Nous n'avons rien et tout ce que nous croyons posséder le temps peut nous le désintégrer et le réduire à néant.
Elle se leva finalement, ajustant les pans de sa petite robe fleurie et alluma la lampe pour se regarder dans le miroir. Voir son reflet avec ses yeux éclaircis par les pleurs la fit pleurer une fois de plus. Elle se regarda dans les yeux et ressenti de la pitié envers elle-même. C'était un sentiment qui donnait la nette impression que la tristesse était en train de croitre. Parvenir à avoir de la peine pour sa propre personne c'était comme débloquer un nouveau stade de noirceur. Comment irradier tout ce mal ? Elle se nettoya le visage et sorti de la salle de bain. Elle se dirigea vers le séjour et l'observa tristement, puis alla vers la cuisine qui empestait l'absence de sa mère. Tout comme le reste de la maison qui était autre fois pleine de joie.

Elle décida enfin de retourner dans sa chambre. Elle se mit au lit, ramenant ses jambes vers elle comme si elle pouvait tout simplement faire la même chose avec son cœur morcelé et elle mit la couverture sur son corps. Elle éclata d'un nouveau sanglot en se disant que si les événements ne finissaient pas par l'achever alors un jour peut-être, elle pleurerait un peu moins jusqu'à plus du tout. Elle se consolait en se disant que ce n'était que le début quoi qu'elle savait déjà que la blessure existerait à vie. Elle savait que rien ne serait plus jamais comme avant mais il fallait accepter de faire le deuil de ce qui n'existait plus. La douleur devait être assumée et ressentie dans toute son intensité. C'est ce qui lui laissait une chance d'un jour la contrôler. Il s'agirait d'en guérir ou d'en mourir quoi que par moments, vivre devenait un concept relatif et irrégulier quoi que l'on respire.

Comment vivre maintenant ? Pourquoi le ciel s'acharne à vouloir mettre en elle ce dont elle ne veut absolument pas ? Pourquoi la forcer à ressentir de la colère ? C'était injuste de détruire aux yeux d'une jeune femme l'image qu'elle avait de son propre père. La seule et unique existence que Dieu lui avait donné, empoisonnée. Cette sensation d'être perdue dans sa propre vie et de ne absolument pas savoir comment réagir. Il y a encore quelques mois, elle jurait à ses copines de classe que son père était le premier homme de sa vie, qu'elle avait une totale confiance en lui et pourtant tout cela n'était qu'une illusion. Son père était juste comme les autres hommes dont elle entendait parler si seulement il n'était pas pire. Lui qui se voulait paraitre comme étant un home pieux entretenait des relations extraconjugales et ne s'occupait plus de sa famille jusqu'à mener le tout à se rompre. Aujourd'hui sa mère n'était plus à la maison et son absence se faisait sentir dans chaque périmètre. A quoi bon jurer : "jusqu'à ce que la mort nous sépare" si c'est pour finir ainsi ? Il n'a rien fait pour empêcher cela d'arriver. Il a trompé, il a menti, il a été odieux et maintenant Kate devait accepter le fait que ses parents n'étaient plus ensemble mais aussi, si à un moment son père avait mérité sa mère, c'était aussi difficile de se rendre à l'évidence qu'il ne la méritait plus. Elle préférait largement qu'ils soient séparés. Si son père était si heureux que ça avec ses concubines et bien tant mieux.

Il n'y avait aucun amour ni aucune empathie dans ses précédents actes si bien que Kate se demandait si son héros, l'homme qui l'a toujours défendu, l'homme qui la portait sur ses genoux, n'a en réalité jamais été que cet homme monstrueux et indifférent qui venait de la blesser à jamais. L'homme qui venait de briser toute image qu'elle avait du mariage, de la famille, de l'engagement. Les hommes ne sont que des animaux qui mettent des pantalons!

Il ne s'était pas seulement arrêté à briser sa mère et à lui faire comprendre qu'il en avait assez d'elle depuis belle lurette. Non! Il avait en plus de ça terni sa réputation. Il ne s'était même pas empêché de totalement anéantir sa personne aux yeux de leur unique fille. Il critiquait sa mère devant elle tout les jours depuis qu'elle était partie l'accusant de toute sortes d'infidélités et même de manque d'éthique et de moralité à son travail. Il n'avait plus aucun frein et disposait d'un large budget d'idées détestables pour en finir avec la femme avec qui il avait pourtant vécu plus de deux décennies. Quand on veut tuer son chien on l'accuse de la rage! Saperlipopette!

La seule explication était que son amour pour sa fille avait certainement disparu en même temps que son amour pour sa femme. Seul Dieu et l'homme concerné pouvaient savoir depuis combien de temps il avait commencé à se plaquer de l'inhumanité sur la peau. S'il avait encore été capable d'aimer comme un humain il n'aurait jamais pu se rendre responsable, coupable, d'une telle cruauté maintenant apparente et singulière. Voilà donc comment un père pouvait condamner par ses actions inconscientes une part de l'avenir de ses propres enfants. Il ne suffisait pas d'en avoir l'air et d'en être capable pour avoir des enfants.

Sur ces nouveaux sanglots, l'oreiller humide, Kate s'endormi en plein milieu de sa tristesse. Espérant que peut-être, ses rêves seraient plus beaux que son actuelle réalité. Vivre était trop dur surtout lorsque l'on devait guérir des mauvaises décisions des autres.

Les seigneurs de Malte Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant