Chapitre 6

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Les étoiles. Elles épiaient ses gestes, accompagnant ses mouvements de leur lumière stellaire. Leur pâleur contrastait avec la noirceur de la feuille. Du noir. Partout. Profondément ancré. D'une intensité si brute qu'on aurait pu s'y noyer. Deux puits d'obsidienne à la froideur mortelle. Comme les prunelles méprisantes du rejet.

Une flopée de croquis voletait dans la brise du soir, arrachée à leur propriétaire par le vent hivernal. Mais Harry n'avait que faire de l'échappée de ses dessins aux yeux sombres. Son fusain grattait furieusement le papier, traçant encore et encore en quête de la chose manquante. Cela faisait plusieurs jours qu'une seule pensée l'obsédait, s'inscrivant avec répétition sur des piles de feuilles blanches. Une seule et unique chose le hantait. Une seule et unique personne. Mais jamais l'esquisse ne semblait satisfaisante.

Bien sûr, c'était aussi pour tenter de se décharger de ses entêtants songes, dont il détestait chaque instant depuis que Snape lui avait très clairement fait comprendre qu'il ne voulait plus le voir. Il retraçait chacun des traits de Snape, dans l'espoir que le papier absorbe ses pensées, qu'il porte à lui seul le poids de son obsession.

Harry en voulait terriblement à Snape. Pour l'avoir fait espéré. Pour l'avoir fait sourire. Pour l'avoir traité ainsi. Pour l'avoir rendu dépendant de la sorte. Pour l'avoir rendu incapable de l'oublier. Pour l'avoir rendu incapable de le détester.

Alors il gribouillait sa rage et ses tourments sur du papier. Toutefois, les croquis ne semblaient jamais représentatifs de sa haine si vive et si estompée par l'espoir que Snape avait résolument implanté en lui. Il manquait toujours quelque chose.

Et Harry venait d'avoir une idée.

Avec précaution, il invoqua une lame d'un geste de baguette. Il ne s'était encore jamais coupé en dehors des toilettes de Mimi Geignarde. Et cela provoquait en lui une étrange sensation. D'un geste prudent, il déboutonna sa chemise. Puis, avec précision, il traça une première ligne sur son torse, appuyant avec une force expérimentée. Un liquide pourpre macula la lame qu'il apposa prudemment sur la feuille. Une tâche d'un rouge intense se déposa sur le papier. Harry décida qu'il aimait le rendu.

Alors, avec un faible sourire, il traça. Sa lame devenu pinceau, se nourrissant de l'encre de ses veines.

OoOoOoO

Il était tard. Minuit passé. Severus effectuait sa ronde habituelle. Ses pas claquaient avec rigueur sur le sol de pierre tandis que le froid enveloppait son être. L'hiver était déjà là et bien qu'il ne neigeait pas, l'air du château se faisait mordant.

Nous étions à trois jours seulement des fêtes de Noël. La plupart des élèves avaient déserté le château pour les vacances.

Alors qu'il passait près de la Tour d'Astronomie, il jeta un bref coup d'oeil dans les escaliers de celle-ci, à laffût du moindre bruit suspect, quand une feuille s'échoua devant lui sur les marches.

Severus fronça les sourcils et se pencha pour la ramasser. Il la retourna pour mieux l'observer et remarqua que quelque chose avait été tracé dessus. Severus capta un pâle éclat de Lune pour mieux analyser ce qu'il avait sous les yeux. La lumière lunaire révéla un croquis au fusain. C'était un regard. Deux yeux d'une noirceur et une profondeur intenses qui le fixaient avec un mépris visible. Des traces pourpre -Severus avait-il rêvé où ceci semblait réellement proche du sang ?- barraient la feuille de marques presque... douloureuses. Mais malgré cela, ce qui restait flagrant était l'intensité du regard auquel on ne pouvait échapper. Severus se sentait presque pris au piège par l'obscurité des prunelles dessinées.

Sortant de sa contemplation, Severus força ses jambes à monter l'escalier, tenant à découvrir l'élève qui bravait le couvre-feu. Bien qu'il savait pertinemment l'identité de ce-dernier, Severus refusait de se l'avouer. L'esquisse aurait alors pris un autre sens bien plus profond qu'il ne s'autorisait pas à interpréter.

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