Bleus-acier

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Bleus-acier. C'est la couleur de ses yeux. Pas exactement bleus. Pas gris non. Bleus-gris. Bleus-Acier. Des yeux d'une beauté d'un autre temps. Une beauté d'une autre époque. Irréelle. D'une beauté qui nous fait croire au coup de foudre. Ils sont semblables à des joyaux. Des joyaux dont on ne comprend pas toutes les nuances. Dont on ne peut pas voir toutes les nuances. 

Bleus-acier. C'est la première chose que je vois. Puis, je vois une carapace. Des yeux fermés au reste du monde. Un bouclier. Pour se protéger. Pour donner l'air à ces yeux d'être d'une sévérité, d'une froideur extrême. Pour donner à ces yeux un air détaché de tout. Autre part. Blasé. Invincible. Oui, ces yeux ont l'air invincibles, forts, indestructibles. Surpuissants. C'est la teinte de gris qui fait ça. La teinte acier. Car ces yeux sont aussi transperçant qu'une épée. Un regard, et nous sommes mis à nus. Un regard, et tous nos secret sont dévoilés au détenteur de ces yeux. Un seul regard, et ces pupilles connaissent l'entièreté de notre vie. Un seul regard, et ils savent. Tout. Je ne les ai vus qu'une fois, il y a quelques minutes, mais j'ai l'impression qu'ils me connaissent déjà. Qu'ils savent qui je suis. Qu'ils connaissent les tréfonds de mon âme. Ces yeux bleus-acier. Ils me font penser à une mer déchainée. Sous les nuages, la mer peut prendre n'importe quelle teinte. Mais, je doute qu'elle puisse reproduire une telle couleur. D'une telle vivacité. D'une telle vie. D'une telle force. Ces yeux ont l'air durs. Comme un roc.  Comme la glace. Ils ont l'air solides. Comme le fer. Comme un fil d'araignée. Qui a l'air si fragile, si simple à briser. Mais il est d'une solidité exceptionnelle pour sa taille. Si solide que les proies de l'araignée y sont piégées à jamais. En creusant plus loin, ces yeux semblent fragiles. Comme les ailes d'un majestueux papillon. Un contact avec une force supérieure, et elles se brisent. Ces yeux bleus-acier m'ont l'air fatigués. Epuisés. Insomniaques. Ils ne semblent pas connaitre le sommeil. Si doucereux sommeil. Peut être leur donnerait il plus de vie ? Ces yeux ont l'air capable de douceur. Capable de réconforter un cœur blessé. Et ces yeux réchauffent mon âme, en un seul et unique regard. Les reflets gris s'infiltrent dans mon cerveau pour se graver à jamais dans mes rétines. Les reflets bleus, eux, conquissent mon cœur et l'emprisonne à jamais. Le bleu est douceur et le gris est blessure. Un gris acier, comme l'épée qui a profané le cœur du possesseur de ces yeux. Profané, blessé, brisé, déchiqueté. Ces yeux ont l'air blessés. Lassés. Ces yeux semblent n'avoir que trop vécu. Que trop vécu sans avoir vraiment vécu. Sans avoir compris le sens de la vie. Mais ces yeux ont l'air au dessus de ça. Le sont-ils vraiment ?

Regrets. Remords. C'est ce que ces pupilles me soufflent. C'est ce que mes oreilles entendent. Ils jouent une musique triste. Une musique tellement nostalgique. Une musique empreinte de culpabilité. Une musique qui se veut indifférente. Une musique enfermée. Enfermée derrière des barreaux qu'elle seule s'est crée. Mais, si ont regarde bien, ce n'est pas la douce musique de ces yeux qui est enfermée. Non, c'est moi. Non, c'est nous. Le monde entier est enfermé derrière des barreaux. Et cette musique si triste est seule. Ces yeux sont seuls. Seuls au monde. Et ils sont nostalgiques. Nostalgiques du temps où ils ne l'étaient pas. Pas seuls. De ce temps où ils étaient heureux. Mais, le regret. Le regret d'avoir tout perdu. Absolument tout. Et le remord. Le remord de n'avoir rien pu faire contre elle. La solitude. Elle les a engloutis, ces yeux. Les a avalé, les a enfermé. Elle est cruelle. Il y a aussi la culpabilité. Oui, la culpabilité de ne pas avoir lutté un peu plus. Rien qu'un peu plus. Pour être heureux. Mais c'est trop tard. Trop tard. Bien sur que non, ça ne l'est pas. Mais comment peuvent ils le savoir ? Ces yeux sont tristes, perdus. Mais ils dégagent une musique si belle... Si douce... Si faible, fluette, mince espoir de bonheur...

Epicés. Mon dieu, ces yeux ont l'air si épicés ! Ils lancent des éclairs, foudroyant le monde entier. Le brûlant vif. Qu'il aille se faire foutre. Oui, épicés. Comme un piment te consumant la langue, détruisant tes papilles. Enflammant ta bouche, ton âme et ton cœur avec. Embrasant ton corps. Salés. Ils ont l'air salés. Pas trop, non. Juste ce qu'il faut pour te boucher les artères. Pour envahir ton sang et ne jamais le quitter. Pour rester gravés à jamais dans ta mémoire, dans ta bouche, dans tes veines. Pour conquérir ton organisme et le faire sien. Acide. Assez acide pour te donner tes frissons. Assez acide pour te faire faire une petite grimace. Assez acide pour te terrifier. Pour que tu redoutes la prochaine bouchée. Enfin, une fois que l'acidité est passée, place aux autres saveurs. Exquises. Enivrantes. Addictives. Et très vite, trop vite, elles deviennent indispensables.

La menthe. Si je devais leur attribuer une odeur, ce serait la menthe, sans hésiter. Pas une odeur douce et légère non, mais une odeur entêtée qui envahit tes narines et qui te fait perdre la tête. Une odeur inoubliable. Une odeur qui te fait penser à eux quoi que tu fasses. Une odeur si forte qu'elle pique les yeux, leurs arrachant quelques larmes. La violence ? Un mélange de ferraille, de poudre  et d'autre chose que je n'arrive pas à identifier. Une odeur attribuée à la violence. A la guerre. A une lutte acharnée, un combat sans fin. A une bataille rudement menée. Ces yeux sentent comme quand la pluie tape sur le bitume. Il en ressort un odeur métallisée, froide. Ces yeux sentent la victoire, la force. Ces yeux sentent le feu de la cheminée en plein hiver. Une sorte d'oasis. Un petit paradis. L'océan. Ces yeux sentent le sel. Ils sentent la tempête qui éclate au milieu des eaux. Un tourbillon gigantesque, qui renverse tout sur son passage. Libre. Une tempête libre de faire ce qu'elle veut. Ouais, ces yeux sont la définition même de la Liberté. 

Une lame acérée. Qui, au moindre touché, fait couler le sang et les larmes. Froide, solide. Lisse. Sans imperfection. Mais, si tu orientes légèrement la lame, tu la vois autrement. Tu la ressens autrement. Fragile. Oui, ces yeux sont si forts, tranchants, qu'ils en sont fragiles. Ils risquent de se briser à chaque instant, chaque seconde. Électrifiés. Ces yeux sont électriques. Rien que de les toucher peut faire arrêter notre cœur. Tu t'approches un peu trop, et, tu te prends un coup de jus. Systématiquement. Brûlants. Ces yeux sont brûlants. D'une chaleur faisant fondre ta peau, ta chair, tes os. Te détruisant. Te faisant mal.  Mais d'une douleur qui te rend vivant. Qui te fait comprendre que tu es encore en vie. 

Ces yeux bleus-acier sont uniques. Et, en quelques secondes, mon âme, mon esprit et mon cœur en sont tombés éternellement amoureux.

Bleus-acierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant