2+ Une entrée fracassante

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Minho

— Tu es certaine de vouloir t'en aller ? 

Les yeux de Ryujin s'étonnent que j'essaie encore de négocier et supplier qu'elle renonce à son départ. Après une année de colocation faite de rires et de délires, c'est un véritable crève-cœur de la voir faire ses valises, au point que je retire chaque vêtement qu'elle y place dedans. 

— Minho, je vais te botter le derrière si tu continues à faire ta tête de mule. On en a déjà discuté. Le problème vient des filles qui passent la porte de cet appartement et tu ne me contrediras pas. 

D'un air boudeur, je refuse de reconnaitre un fait avéré, espérant qu'avec un caprice, mon amie changera d'avis. Mais tout ce que j'obtiens est la menace de voir mon téléphone lâché dans un verre d'eau si je n'obtempère pas et ne replace pas tous les habits comme ils étaient. Tel le vilain petit canard abandonné, j'obéis en pinçant mes lèvres pour faire croire à des pleurs imminents. Mais Ryujin a un coeur de pierre, ce que j'adore chez elle car nous nous ressemblons.

— En plus, le bureau des logements du campus m'a déjà contactée. On m'a attribué une place dans une chambre à trois. 
— Ah ouai ? Aussi vite ? 
— Hum. Je ne sais pas pourquoi mais la liste d'attente avant moi, longue comme ta queue, a refusé ce logement. Je vais emmener mon spray contre les punaises de lit et les cafards. On ne sait jamais. Il y a un truc louche là-dedans.
— Ou bien tu peux rester avec moi ? 

Un coussin vient s'abattre sur ma tête pour que je me taise et la belle brune aux formes athlétiques se pose sur sa valise pour réussir à la fermer malgré la déformation visible. Je serais prêt à refuser de l'aider à la porter si ça pouvait la convaincre de rester. Connard un jour, connard toujours. 

— Je te signale que toi aussi tu as déjà une coloc. 
— N'y compte pas. Cette fille ne passera pas cette porte, je t'en fais la promesse. 
— Tu es immature, Minho. En plus, tu auras besoin d'aide pour payer le loyer. 
— Je ferai des demandes sur les petites annonces du campus mais cette pouilleuse ne viendra pas ici. Cette gamine était sale, chouineuse et d'une débilité affligeante. 
— On parle bien d'une fille que t'as connue en maternelle, là ? Tu sais que ça grandit ces bêtes-là ?
— J'en tremble encore lorsque je la revois sortir de chez elle, le doigt dans le nez, à chercher un foutu trésor. Beurk, j'en ai des frissons. Non à la pouilleuse. 
— Comme tu le sens, mais attends-toi à ce que ta mère pique sa crise. 

Je ne m'en fais pas pour cela. Quelques regards mignonnets et la femme de ma vie me pardonnera mon caprice. Je n'en reviens pas qu'elle ait pris l'initiative de m'imposer cette dégénérée qui a eu toutes ces années pour s'enlaidir, sans penser à toutes les opportunités que j'allais manquer. Mon cerveau m'envoie aussitôt des images des étudiantes ERASMUS qui ne sont pas frileuses de s'installer avec un homme et de découvrir la culture locale, dont mes centimètres généreux. 

— Je rêve ou t'es en train de bander, s'offusque Ryujin. 
— Laisse, ça va redescendre dans quelques secondes. A moins que tu ne veuilles...

Nouveau coussin dans la figure, soit le dernier de la chambre, et nous sommes interrompus par la sonnerie de l'interphone. Une onde électrique me traverse le corps et m'envoie la sensation d'un mauvais présage, le pire que je puisse connaitre, le cauchemar de ma vie, l'horreur à l'état pur.

— Ca doit être ta coloc, me lance Ryujin. 

La vérité me frappe de plein fouet. Jusque dans mes cellules, cette fille me provoquera une aversion. Je décide de jouer la scène du mec absent et m'assois sur le carrelage, en face du téléphone. J'aimerais tant être une petite souris pour voir sa tête, des années après notre rencontre, mais je ne suis pas prêt à assumer mes songes tourmentés. Motivée à me pourrir la vie, la sonnette retentit au rythme d'une manifestation et me donnerait presque l'envie de danser tout en défilant dans mon salon. 

— Tu comptes rester là et ameuter les voisins ? 
— Je suis absent pour le moment, veuillez ne jamais entrer dans mon existence, dis-je en prenant la voix d'un répondeur à mon amie. 
— Immature mais drôle. Allez, porte tes couilles, champion et dis-lui la vérité. 

Cette audacieuse et traitresse décroche le combiné relié à la porte d'accueil et génère en moi une montée d'adrénaline. Je fais l'erreur d'avancer pour entendre ce que le monstre a à dire et me retrouve avec l'objet entre les mains. Me voilà piégé.

— Allô ? Y a quelqu'un ? demande cette étrange voix. 
— Euh... non. 

Ryujin, derrière moi, éclate d'un rire si puissant que je rougis de ma stupidité mais lui offre une petite danse de la joie en bougeant mes fesses. Cette fille est mon âme sœur.

— C'est une blague, c'est ça ? répond amèrement la morue. Lee Minho, c'est bien toi ? 
— Toujours non. 

Ryujin s'arrête soudainement de respirer pour m'offrir un regard dépité. Les blagues les plus courtes sont les meilleures, mais je suis un adepte du comique de répétition. Peut-être que cette intruse prendra peur en constatant que son potentiel colocataire est un abruti fini ? Chose que je ne suis pas, évidemment. 

— Non mais j'hallucine... Le niveau ! Allez, ouvre. J'ai une énorme valise et quelques points à mettre au clair avec toi. 

Le ton autoritaire de cette petite chose me surprend et me donne envie d'arrêter mes singeries. Il est temps que je lui apprenne qui commande dans ce magnifique 70 mètres carrés, avec mini-terrasse, deux chambres, une buanderie, un carrelage neuf et une salle de bain à l'italienne. Oui, j'ai révisé les éléments de mon bail pour pouvoir séduire les Américaines et Européennes, non pas pour faire entrer la pouilleuse de mon enfance. 

— Je suis désolé de vous informer, dis-je avec une voix hautaine, mais l'appartement a déjà trouvé preneur en matière de colocation. Je vous remercie de votre sollicitude et vous annonce que vous êtes priée de déguerpir du hall d'entrée avant que la police ne soit contactée. 

Je raccroche bruyamment pour marquer le coup, mais reprends très vite le combiné pour écouter les agissements de ce furoncle. Je l'entends pester sur mes ancêtres et moi, m'inviter à venir la déloger de force avant qu'elle ne désespère de ses 9% de batterie et se décide à appeler une amie. Ravi de la tournure de la situation, je remets délicatement le téléphone en place et me tourne pour affronter le regard colérique de celle que je dois convaincre de rester. 

— Pitié, t'en vas pas.
— Oh que si. Tu es un sacré enfoiré, Minho. C'est pas sympa ce que tu viens de faire. 
— Une pouilleuse de perdue, les Américaines de retrouvées ?
— C'est ça, pense avec ta queue et appelle-moi un taxi. 
— Tu ne veux pas que je te dépose ? 
— Non. Ca se trouve, elle t'attend en bas pour te refaire le portrait et je ne veux pas devoir intervenir pour te protéger.
— Lâcheuse... Mais tu m'aimes quand même ? 
— Oui, Minho, je t'aime. Tu es l'homme de ma vie, c'est indéniable, mais tu es un petit con.

Satisfait comme un coq dans sa bassecour, je prends le temps de faire avec elle le tour de l'appartement, en sachant que même si elle s'éloigne géographiquement de mon coeur et de mon corps, cette sublime femme ne saura jamais garder ses distances trop longtemps. 

Le Coloc Idéal [Sous Contrat d'Edition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant