Jeudi soir, après une matinée de cours et un après-midi au Cosy Bear Café, j'étais seule pour la dernière heure jusqu'à sa fermeture. Je jetai les périmés, fis l'inventaire des invendus et préparai les viennoiseries pour le lendemain. La cloche sonna pour m'avertir de l'arrivée d'un client tardif que j'espérais être Rayan. Comme la semaine précédente, mon professeur serait peut-être là pour me tenir compagnie. Je sortis des cuisines pour l'accueillir mais mon visage pâlit lorsque je découvris Julius. À l'extérieur du café, il faisait noir, renforçant l'impression d'être prisonnière d'une boîte où il n'y avait que lui et moi, enfermés, piéges. Figée de l'autre côté du comptoir, je ne fis aucun pas vers lui.
— Qu'est-ce que tu fais là ? questionnai-je avec rudesse pour dissimuler ma crainte.
— Je vois en effet que tu n'es pas contente de me voir. Tu ne voulais pas que je sois témoin de ton uniforme de serveuse dans ce café minable ?
— Il faut bien que je gagne ma vie, concédai-je.
— Tu sais qu'avec moi, tu aurais tout ce qu'il te faut, sans avoir besoin de travailler.
— Je suis fière d'être indépendante financièrement.
— Je t'ai quand même un peu aidée... lui rappela-t-il. Tu as encore le téléphone que je t'ai offert pour ton anniversaire ? Et le PC que je t'ai payé quand l'ancien était mort ? Et les fringues, les sacs ?
— Si c'est ce que tu veux, je peux tout te rendre...
Je sortis de ma poche mon téléphone et le posai sur le comptoir entre nous. Julius approcha et je constatai que ses épaules et ses cheveux étaient humides, il pleuvait à l'extérieur. Son regard vert était pénétrant et je me demandai comment le garçon que j'avais rencontré deux ans plus tôt était devenu cet homme possessif, malveillant et dangereux.
— Est-ce que tu as demandé à ton dealer de venir me rendre une visite de courtoisie ?
— De quoi tu parles ?
— Nathaniel est venu me voir lundi soir, je ne sais pas quel était le but de la manœuvre mais j'ai moyennement apprécié.
— Je n'étais pas au courant.
— Il n'y a un truc entre vous ?
Non !
Au même moment, la cloche sonna sur Rayan qui s'arrêta sur le pas de la porte. Son regard passa de Julius à moi, dans une attitude d'hésitation. Il comprit qu'il venait d'interrompre une discussion que je n'avais pas envie d'avoir.
— Est-ce que je dérange ? questionna-t-il.
— Non, il allait partir, assurai-je en jettant un regard noir à Julius.
Je raccompagnai mon ex à la porte et sortis avec lui pour apaiser les tensions. La pluie était fraîche et j'espérais qu'elle allait calmer nos échauffements.
— Écoute Ju', je suis désolée de la façon dont ça s'est fini. Ta colère est légitime mais tu dois passer à autre chose. Tu ne peux pas me forcer à t'aimer à nouveau.
Mon ex soupira de tristesse et baissa la tête. Sa main se posa contre mon visage, elle était froide mais je ne la repoussais pas non plus. Je n'espérais qu'une chose, qu'il comprenne et qu'il fasse le deuil de notre relation, qu'il me rende ma liberté. Ses doigts glissèrent sur ma nuque, remontèrent à la base de mes cheveux.
Julius se pencha un peu, nos fronts s'unirent.
— Je t'aime et je ne te lâcherai pas jusqu'à ce que tu l'acceptes.
Il embrassa mon front d'un baiser aussi doux que sa voix était déterminée. Enfin, il retira sa main et quitta le trottoir. Je le regardai partir avec une boule nouvelle dans mon estomac et la certitude que ce n'était que le début. Bouleversée, je retournai à l'intérieur du café où Rayan posa sur moi un regard inquiet.
— Milla, ça va ? m'interrogea-t-il.
— Je ne sais pas trop, soufflai-je en m'asseyant sur une banquette.
— Qui était ce garçon et qu'est-ce qu'il te voulait ? demanda-t-il en s'accroupissant devant moi.
Je n'avais même pas remarqué qu'il m'avait tutoyée et c'était le cadet de mes soucis. Incapable de réfléchir, je ne pensais à rien d'autre qu'à « il ne va pas me lâcher, il ne va pas me lâcher ».
— C'est mon ex, je ne sais pas comment il a su que je travaillais ici ....
— Il te harcèle ? Tu veux que je te raccompagne au campus ?
— Non, non. On ne doit pas nous voir ensemble, ça va t'attirer des problèmes, refusai-je.
— Je ne te laisse pas seule. Tu as quelqu'un à appeler ?
— Oui.
Nathaniel. C'était à lui que je pensai en premier. Non seulement je pouvais compter sur lui pour me protéger mais je voulais aussi savoir pourquoi il avait été voir Julius et ce qu'il lui avait dit.
— Tu peux fermer le café, je reste avec toi jusqu'à ce qu'il arrive...
Je trouvais mon téléphone pour contacter Ambre et qu'elle me donne le numéro de son frère parce que je ne l'avais plus. En attendant qu'elle me réponde, je finis de laver les tables mais je ne vidai pas le lave-vaisselle et je ne pris pas le temps de nettoyer la machine à café. J'enverrai plus tard un message à Hyun pour m'excuser de mes tâches bâclées.
Je n'arrivais pas à concevoir que Julius espérait toujours me récupérer et qu'il était prêt à tout pour y parvenir. Certes, au fur et à mesure de notre relation, sa domination, son contrôle et sa jalousie s'étaient intensifiés et je m'y étais soumise volontairement, jusqu'à ce que ce soit trop. Est-ce que mon départ avait encore augmenté sa folie ?
Entre temps, Ambre m'avait répondu et se demandait sûrement un peu curieuse pourquoi j'avais besoin du numéro de son frère. Je ne lui répondis pas et cliquai sur le numéro pour passer l'appel. Bien sûr, lui non plus ne décrocha pas et je lui laissai un message.
A présent, le café était bouclé et il ne restait que Rayan et moi.
— Je suis désolée de t'embêter avec ça... Tu peux rentrer chez toi tu sais. Je ne risque rien ici.
— Je serais rassuré lorsque tu seras entre de bonnes mains.
Je hochai la tête en signe de remerciement.
— J'ai bien vu que tu n'étais pas bien et j'ai compris qu'il y avait quelque chose de pas net.
— Merci d'être passé.
— J'avais apprécié notre petit repas de la dernière fois et puisqu'Alice est revenue faire des siennes cette semaine... J'avais besoin de parler à quelqu'un qui connaisse la situation.
— Tu ne connais personne ici ?
— Non, en deux ans, je ne me suis pas vraiment fait d'amis. Ils sont plutôt sur Bordeaux, Lyon ou Paris. Et ma famille est à Casa Blanca et ils ne savent même pas qu'on divorce.
— Je suis désolée pour toi.
— Il faut croire qu'il n'y a pas que moi qui aies une vie personnelle compliquée...
Au moment où j'étais prête à lui faire part de mon histoire avec Julius, mon téléphone vibra. C'était Nathaniel. Le plus calmement possible, je lui expliquai avoir eu la visite de Julius et je lui demandai devenir me chercher au café pour me ramener au Campus. Il ne fallut que quelques minutes pour entendre quelqu'un toquer à la porte du café. Nathaniel était essoufflé, du souffle court de celui qui s'était dépêché. Ignorant mon professeur, il posa sur moi un regard inquiet, que j'essayai de rassurer.
— Tu vas bien ?
— Oui, oui, il ... ne m'a rien fait, heureusement que Rayan est arrivé.
— Je n'ai pas voulu la laisser seule.
Nathaniel releva la tête vers Zaïdi comme s'il le voyait pour la première fois et le remercia.
— Allez viens, je te ramène.
On quitta le café, Rayan vers sa voiture et Nathaniel me raccompagna au campus.
— Raconte moi ce qu'il s'est passé, exigea-t-il une fois seuls.
— Il est venu au café, on a commencé à se disputer, il m'a dit que tu avais été le voir et il a demandé si on était ensemble, énumérai-je. Après, Rayan est arrivé, j'ai raccompagné Julius dehors et il m'a plus ou moins fait comprendre qu'il ferait tout pour me récupérer.
Je me tus et le silence devint grave. La route n'excéda pas cinq minutes et la fine pluie qui tombait sur nous rendait la météo à l'image de mon humeur, maussade, angoissée.
— Je suis désolé, s'excusa Nathaniel après encore quelques secondes de temps mort. Je ne pensais pas qu'en allant le voir, il viendrait d'intimider.
— Pourquoi tu y as été ? Je ne t'avais rien demandé...
Je n'étais pas en colère mais ma réplique sonnait comme un reproche. A mes côtés, mon accompagnateur soupira, piégé par sa propre manœuvre.
— Je pense que j'étais curieux, je voulais le jauger, l'effrayer peut-être.
— Il n'est pas du genre à être facilement impressioné.
— J'ai vu ça. Tu dois éviter du sortir du campus. C'est l'endroit le plus sûr, il ne peut pas y entrer.
— Oui, sauf que toi, tu l'as déjà fait sans problème alors pourquoi pas lui ? Et puis je dois travailler, faire des courses, continuer ma vie. Je ne veux pas me cacher...
J'étais agacée de cette situation, sûrement aussi apeurée mais quelle était la solution ? Me cacher, fuir à nouveau ou lui céder par facilité ?
— Tu sais quoi, reprit Nathaniel d'un ton revigoré. Essaie de rester en sécurité dans le campus, enferme-toi dans ta chambre, reste le plus souvent avec ta coloc ou tes amis. Et dès que tu dois sortir ou aller bosser, je serai là.
— Quoi ? Tu vas jouer aux gardes du corps ? me moquai-je à demi.
— Et tu aurais quelqu'un pour t'aider à porter tes courses et t'ouvrir la porte. On essaie quelques jours et on voit s'il s'accroche ou non. Et si ça ne va pas, je trouverai une autre solution, c'est ma spécialité.
Je secouai la tête, c'était une idée ridicule qui risquait de ne pas tenir plus de deux jours. Rapidement, Nathaniel s'excuserait de son retard et ne viendrait plus du tout. Je voyais déjà comment ça allait se terminer...
— Fais-moi confiance... me pria-t-il.
— Je n'ai pas vraiment le choix.
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[Terminé][Amour Sucré][Nathaniel]Trauma
FanfictionMilla revient à Saint-Amour après trois ans d'absence. Elle retrouve Rosalya, Alexy et quelques autres amis du lycée. Par contre, elle ne pensait jamais revoir Nathaniel, ni même lui dire pourquoi elle avait été obligée de partir à l'époque.