Sayana
La mélodie des cigales et les bruits de la nuit de printemps résonnaient comme si le dehors était dedans. En temps normal, ce chant m'apaisait et me berçait jusqu'à ce que mes paupières se fassent lourdes. Pourtant, ce soir, je devais y résister encore un peu. Les événements de mon épuisante journée tournaient en boucle dans ma tête. Qui aurait cru que ma petite vie tranquille deviendrait si riche en rebondissements d'un seul coup?
Après avoir examiné le disque de Sam, Elora m'avait dit que c'était un saphir étoilé. Celui-ci était de couleur grise, mais il existait tout un camaïeu de teintes toutes plus extravagantes les unes que les autres. Selon mon amie et les recherches qu'elle avait pu mener au centre de documentation en fin de journée, ces pierres obtenaient des propriétés particulières lorsqu'elles étaient façonnées avec minutie.
Les rayons de la lune révélaient les creux et les bosses de l'artefact. Au vu des courbes et arabesques qui recouvraient celui-ci, je ne doutais pas que l'artisan y avait passé plusieurs heures.
Mes doigts tremblaient, pourtant, je n'avais pas l'impression d'angoisser pour la petite expérience que j'allais mener. Sans doute avais-je seulement froid. Je remontais un peu plus ma couette sous mon menton.
Hésitante sur la réelle marche à suivre, je ressortis le message chiffonné de Sam de sous mon oreiller.
"Une fois appliqué sur la tempe, il te permettra de communiquer avec le détenteur de son doublon par la pensée."
À mon avis, ce devait être le médecin qui possédait une seconde pierre semblable à la mienne. Mais comment allait-il savoir que je tentais de le joindre?
Bon, il faut que j'arrête de procrastiner et que je me jette à l'eau.
Je posais le petit objet froid sur le côté de mon visage. Un frisson me parcourut, mais rien de plus ne se passa. Mon frémissement était-il seulement dû à ce que j'étais en train de faire? Peut-être que je stressais un peu finalement.
Bon sang, ça ne marche pas son truc! Je ne ressens rien d'inhabituel.
"Ton corps entrera dans une sorte de léthargie et tu ne pourras pas bouger tant que la communication ne sera pas coupée."
Cette phrase me revint en tête. Je devais surement réussir à me détendre pour que la communication s'établisse. Plus facile à dire qu'à faire... Je me calais un peu plus dans mon lit, et, comme je l'avais appris, je ralentis ma respiration. Je m'imaginais en train de dormir et tâchais de prendre conscience de la place de mon corps dans l'espace, allongé sur mon matelas dans le dortoir des filles, dans l'enceinte de l'école, au centre de la zone sud, nichée dans la bulle que formait le dôme de protection, perdue au milieu des champs que l'on apercevait tout autour... Au-delà, tout était d'un noir profond et absolu, je ne savais rien du dehors, mais je n'eus pas besoin d'aller plus loin. Peu à peu, des fourmis envahirent mes jambes et mes bras, puis tout le reste de mon corps jusqu'au creux de ma nuque.
Instinctivement, je sus alors quelle était la marche à suivre.
— Docteur Khan? chuchotais-je dans ma tête d'une voix hésitante.
Pas suffisamment convaincant.
— Sam! m'écriais-je alors.
— Pas si fort jeune fille, me répondit une voix masculine.
J'identifiais immédiatement celle du médecin à lunettes. Je m'attendais presque à le voir surgir de derrière... De derrière quoi? Autour de moi, c'était le vide complet, le néant. Je n'entendais plus le chant des cigales. Seul brisait le silence le rythme lent et régulier d'un cœur qui bat — mon cœur, assurément —.
— Je vois que tu comprends vite, reprit Sam. Je suppose que tu es dans ton lit?
Je hochais la tête — enfin, du moins je l'imaginais —, avant de me rappeler qu'il ne pouvait pas me voir.
— Oui.
Un moment passa, puis je lui demandais:
— Comment avez-vous su que je vous interpellais?
— La pierre se met à briller quand son double est utilisé. Un peu comme si c'était un téléphone qui sonnait.
— Un téléphone? C'est une technologie humaine, non?
— Tout à fait. C'est vrai qu'il n'y en a aucun à l'orphelinat, tu ne dois surement pas savoir comment ça fonctionne.
Je ne répondis rien, attendant qu'il continue.
— Rentrons dans le vif du sujet Sayana. Je viens vers toi pour te proposer mon aide. Je veux que tu te tires d'ici et que tu vives ta vie comme bon te semble.
Je tiquais au mot que Sam avait employé. "Se tirer", cela sonnait drôle dans la bouche du médecin. De plus, il avait prononcé la fin de sa phrase en montant dans les aigus, comme s'il voulait m'en transmettre l'urgence.
— Pourquoi?
J'avais enfin posé la question qui me brûlait les lèvres, celle qui me taraudait depuis que mes yeux s'étaient posés sur les lettres rondes de Sam.
— Tu me demandes pourquoi je veux t'aider.
Plusieurs minutes s'écoulèrent, ou peut-être seulement quelques secondes, mais cet interlude me parut durer une éternité tellement j'étais suspendue à ses lèvres.
— Car tu es en danger ici. Il faut que tu partes.
— Ça, je le sais déjà. Mais pourquoi moi? Les autres ne sont-ils pas en danger eux aussi? Elora? Diane? Jason... Et tous les autres
— Oui, mais ils le sont moins que toi, et surtout, c'est moins pressant. Et puis toi, tu es spéciale, tu as plus de valeur à leurs yeux, plus que n'importe qui.
— De qui parles-tu?
— De toi, de ce que tu es. Tu vaux de l'or aux yeux du directeur Wilkerson et tu attises la curiosité d'Ashran.
J'avais du mal à assimiler ce qui me rendait si unique, et puis qui était Ashran?
— Tu dois être perplexe. Je ne sais pas ce que te racontent les professeurs en cours, mais tu ne connais pas la vraie raison de votre présence dans cet orphelinat, je me trompe?
C'était le moins de le dire. Tout ce en quoi nous croyions mes amis et moi était parti en fumée en quelques instants, au détour de découvertes fortuites et imprévues.
— Commençons par le début, revenons au jour de l'évaluation de sport, continua Sam.
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OtherWorld - 1. Et cognoscetis veritatem
FantasyL'OtherWorld est en guerre depuis plusieurs dizaines d'années. Les enfants ayant perdu leurs parents sont envoyés dans un orphelinat où ils peuvent étudier jusqu'à leurs 16 ans. Sayana n'a aucun souvenir d'avant son arrivée à l'établissement alors...