NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1

32 | L'autre définition de l'amour

CECILIA

J- 1

01h56

Villa Mercurio, quartier Trastevere, Rome, Italie

    

Il n'a pas compris. Ou il a tout compris de travers, je ne sais pas.

Julia déboule en furie dans la salle à manger et je l'observe me chercher du regard, les mains tremblantes et hors d'haleine. Quand finalement elle parvient à me trouver, là dans le recoin de la pièce, prostrée en boule près du feu de cheminée, je tressaille. Ses yeux bleus sont terrorisés. Elle secoue la tête et je sens la bulle d'espoir que je maintenais en vie se briser sans cérémonie dans mon cœur. Quelque chose s'éteint au fond de ma poitrine tandis que l'angoisse et la peur se réveillent doucement. Elles sont trop insérables pour ne pas se montrer ensemble.

Ma jumelle s'avance vers moi et nous continuons de nous fixer en silence. Je me déplace pour lui faire une petite place dans mon fauteuil mais elle ne bouge pas d'un cil et reste plantée devant mes jambes, le regard vide et le visage désespéré.

— Elle ne nous abandonnerait pas, n'est-ce pas ?

Je refuse d'y croire, je refuse mais j'ai peur que ce soit le cas.

— Jamais. Elle nous l'a promis.

J'attire ma sœur dans mes bras et elle se laisse faire comme une poupée sans vie. Mes mains caressent distraitement ses beaux cheveux pour tenter vainement de l'apaiser alors que nous observons les flammes danser dans la cheminée, enfermées dans les tourbillons de pensées qui se bousculent en nous. Je n'ai aucune idée de ce qu'on doit faire. Je ne sais pas si je dois alerter tout le monde que Rose a disparu sans prévenir, qu'elle n'est nulle part, que Diego ne répond plus, que Sienna ne répond plus, que nous ne savons pas ce qui se passe. Je ne pensais pas me retrouver aussi démunie un jour, incapable de décider de ce que je dois faire pour apaiser une sœur qui tremble dans mes bras. Je me suis impuissante et je déteste ça du plus profond de mon âme.

— Elle va revenir.

Nous sursautons toute les deux à l'entrée précipitée d'Hayden dans la pièce. Julia bondit sur ses jambes, en alerte, et je l'imite avec plus de lenteur parce que blond ne nous regarde même pas. Sa chemise est froissée, ses cheveux plus en bataille encore que d'habitude et il semble défait quand il s'avance d'un pas ou deux dans la pièce, tête toujours baissée et pieds lourds. Quelque chose ne va pas et il suffit de le regarder pour le comprendre. Nous ne sommes personne sans elle, putain. C'est elle qui a fait de nous une famille et si elle s'en va, il ne restera plus rien de ce que nous étions.

— Où est-elle, Hayden ? questionne Julia d'une voix éraillée.

Il relève la tête vers ma jumelle. Ses yeux sont humides, comme la rosée du matin et lèvres tremblotent sous des respirations saccadées qui se perdent dans les soubresauts de son cœur.

— Je n'en sais rien.

Sa réponse sonne comme un aveu de faiblesse : il rend les armes. Les cartes ont été abattues et il a perdu. Perdu ce pour quoi il s'est tant battu , ce pour quoi il brisé son armure. Je retiens mon souffle quand l'homme s'effondre petit à petit sous mon œil alarmé. Je ne pensais pas dans ma vie devoir assister à la chute tel que lui.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé tout à l'heure ? demandé-je, appréhendant déjà la réponse.

Une larme roule le long de sa joue et finit par sa course sur la commissure de ses lèvres.

— Elle ne m'aime pas, souffle-t-il.

C'est la première fois que sa carapace s'effrite devant nous. C'est la première fois que je rencontre le véritable Hayden, pas le parfait gentleman que son père a fait de lui, non, le Hayden qui aime passionnément, celui-là même qui fait tout pour vivre aussi passionnément qu'il aime. Pas le Hayden au cœur de pierre mais le Hayden qui souffre, non l'humain, mais l'homme qui se cache juste derrière son sourire indifférent.