Chapitre 1

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Il fallait se l'avouer, le manoir était absolument sublime

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Il fallait se l'avouer, le manoir était absolument sublime. Immense, bardé de colonnes blanches incroyablement travaillées et d'un grand porche de bois clair, il détonnait au cœur des terres arides des Amériques.

Père avait voulu quitter l'Angleterre pour découvrir le Nouveau Monde, profiter de la vie pleine de richesse à laquelle il avait droit et, en un sens, je ne pouvais pas lui en vouloir. Si Elizabeth et mère l'avaient haï pour ce changement brutal d'habitude, j'y voyais surtout ma liberté.

Le Yorkshire n'avait été pour moi qu'une prison dorée ; la femme n'était destinée qu'à combler son époux, enlever des enfants, et faire jolie. J'avais eu la chance de naître dans une famille fortunée, mais cette condition me pesait.

À défaut d'être considérée pour celle que j'étais, Père s'était toujours arrangé pour que j'aies accès à tous les livres et les enseignements que je désirais. Certains tuteurs étaient partis en claquant la porte, jugeant comme une perte de temps l'instruction d'une jeune fille. Mais après des années d'études, je pouvais me targuer d'être une experte là où beaucoup échouaient.

Économie, commerce, comptabilité ou encore astronomie n'avaient plus aucun secret pour moi. Ou, en tout cas, plus aucun secret que mon pays pouvait connaître. Même l'équitation et la chasse faisaient partie de mes activités habituelles, au grand dam de Mère.

Selon elle, une femme devait se contenter d'être une parfaite maîtresse de maison, capable de diriger ses employés, porter des enfants, et exceller en broderie. Par chance, Elizabeth rentrait parfaitement dans ce moule bien trop étroit pour moi.

Si ma grande sœur ne m'avait pas sauvé la mise des dizaines de fois, j'en serais devenue totalement folle. Je pouvais étudier pendant des heures, jusqu'à en oublier de manger et de dormir, mais broder ? Très peu pour moi !

Titan s'ébroua, et je lui caressai l'encolure en murmurant.

Personne n'avait encore découvert ma cachette, dans les écuries attenantes au manoir, et je profitais de la douce quiétude que m'apportaient les chevaux. Père avait fait des pieds et des mains pour que mon étalon nous suive dans le voyage vers les Amériques, moyennant un prix impressionnant pour qu'il soit accepté dans le bateau.

Ces quelques semaines sur les mers... Dieu, elles avaient été un véritable enfer.

Même quelques mois plus tard, je m'en rappelais comme si c'était hier. J'avais un mal de mer atroce. Du matin au soir, j'avais été malade à en rendre le contenu de mon estomac, jusqu'à finir tremblante dans un coin du navire.

Au moins, la conquête de l'Ouest dans laquelle s'était embarqué mon père n'incluait plus de traversée maritime, grand bien m'en fasse !

— Préviens-moi si tu entends quelqu'un, soufflai-je à Titan.

À moitié endormi par le pansage que je lui prodiguais depuis plus d'une heure, l'étalon soupira lourdement.

La chaleur étouffante qui régnait du lever au coucher du soleil ne l'épargnait pas, à peine adoucie dans les grandes écuries. Mais il détonnait des chevaux de travail qui coloraient le paysage, bien loin de sa robe de jais.

[1] West MoonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant