chapitre unique

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amar perdu.
tout autour de lui, noir. les murs par habitude chauds et colorés de la maison familiale sont ternis par l’obsurité des habits des invités et la noirceur de l’ambiance.

amar se fraie un chemin parmi la foule et les chuchotements. son regard se perd dans les détails des visages qui s’offrent a lui : les têtes sont baissées, les yeux pleins de larmes. des mains se serrent, des corps s’étraignent et se soutiennent. des mots de confort et d’amour sont prononcés. certains flottent dans l’air, se diffusent et se propagent. d’autres tombent, sans conviction, et éclatent au sol. tous les mots ne sont pas dits avec le coeur.

amar reconnaît des visages qu’il connait par cœur, certains qu’il n’a pas vu depuis longtemps et d’autres qu’il n’a jamais connu. toutes les personnes qui construisent sa vie sont dans la pièce avec lui : il aperçoit ses amis du collège, groupés dans un coin, en silence, collés les uns aux autres et les bouches closes. il ont l’air d’avoir froid. au milieu du salon, son oncle et ses cousines se câlinent pour arrêter la chute infinie des larmes. amar entend sa famille parler arabe dans les moindres recoins. on parle français, beaucoup, aussi certains amis parlent turque, et certains hommes parlent anglais au téléphone. amar se noie dans le mélange des langues et des accents qui effleurent ses oreilles. il ne comprend pas tout ce qui est dit et n’essaie pas de mieux écouter. il continue d’avancer dans la demeure si pleine de monde mais tellement vide de présence. il cherche.

mille questions traversent le cerveau d’amar. c’est l’explosion dans sa tête. même s’il ne comprend pas il où il se trouve, pourquoi il y est et ce qu’il se passe, il sait qu’il est lui, il est amar. ses boucles noires tombent et retombent en tornades sur ses yeux et dans sa nuque. sa tâche de naissance est toujours présente, au beau milieu de sa main, toujours aussi pleine et ample. la chaine autour de son cou porte toujours la main de fatma, cadeau de sa mère il y a des années. si l’amulette est sur lui, amar sait qu’il est en sécurité. cette fois, il sait que tout est différent mais le bijou, comme toujours, lui confère ce sentiment de bien être. amar sent aujourd'hui plus que jamais qu’il est intouchable, et cet élan de quiétude l’effraie. mais amar avance encore, les lèvres closes et la tête bien droite, éternel sourire paisible sur son faciès. ses yeux verts s’imiscent sur chaque visage, chaque coin de mur, chaque geste. amar observe. il cherche. les questions à la fois basiques et absurdes fusent toujours dans chaque recoin de ses pensées. il ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il se passe. même s’il tente de n’y laisser rien paraître, amar a peur, ses mains frêles tremblent dans les poches de son gilet bleu.

il continue de se frayer un chemin parmi les innombrables personnes qui peuplent la pièce, si lourde. nul ne semble faire attention à lui. tous les personnages dans chaque endroit de la demeure font preuve d’une peine dont amar ne connait pas la cause. il cherche.

et amar s’arrête. il mets fin à sa marche quand il se retrouve devant la cuisine, sa cuisine. tout est en ordre, rien n’a changé, chaque ustensile est à sa place, propre. mais la pièce n’a jamais accueilli autant de monde. les vêtements des invités sont toujours noirs et aussi tristes. amar entend les pleurs et les souffles qui se retiennent. de là où il est, il a vue sur tout. au milieu de la pièce, sur la vieille chaise en bois, il y a cette femme. inchangée. cheveux noirs en pagaille. coude sur la table et main sur la tête, essoufflée.

pourquoi... comment a t-il pu...

le coeur d’amar se sert. les mots glissent doucement de la bouche de la dame entre deux sanglots. le silence provient de toutes parts, la solitude guette chaque respiration d’amar et il se sent submergé, il se voit sombrer et se noyer lentement. l’unique source de bruit provient des lèvres de la vieille femme, qui perds son regard dans les carreaux rouges cassés du sol. elle se plaint, elle pleure, beaucoup, des bouts de phrases sans sens se heurtent aux murs de la cuisine.

sirine...
un homme tente de rassurer la malheureuse. sa main tremblante essaie de trouver un chemin jusqu’à son épaule, mais elle se perds et retombe le long des cuisses du personnage. amar perdu, trop égaré pour daigner prêter attention à l’identité du lâche.

je le connaissais. je refuse d’y croire. c’était tout, c'était mon monde! il n’était pas comme ça, je jure, je le connaissais mieux que quiconque... je pensais... qu’il m'en aurait parlé. je ne peut pas y croire.

sirine, doucement... tu n’es pas obligée d’en parler... tu devrais aller te reposer.

comment veut tu que je trouve le sommeil? tu crois que je vais continuer à vivre comme si rien n’est arrivé? comme si... il n’était pas parti...

à nouveau, elle fond en sanglots, et cette fois plusieurs bras plus courageux viennent l'étreindre et tentent de toutes leurs forces de la soutenir.
mais aucune présence n’arrive à panser le cœur de sirine.

amar éclate en mille morceaux. il comprend, il trouve son chemin. et peu à peu tout se tait, les voix dans sa tête disparaissent et il se retrouve plus que jamais inatteignable. il sait qu’il est intouchable, et chaque partie de son corps lui paraît brûler. ses yeux se lamentent et l’expression de frayeur sur son visage s’encre dans chaque parcelle de sa peau. il comprend.

il s'avance et traverse la foule.

sirine se calme et lâche dans un soupir :

mon fils... où que tu sois, reviens nous... amar, mon cœur.


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⏰ Dernière mise à jour : May 15, 2022 ⏰

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𝐋𝐄 𝐒𝐈𝐋𝐄𝐍𝐂𝐄 𝐃𝐄 𝐓𝐄𝐒 𝐌𝐀𝐔𝐗.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant