Ce soir-là

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          Il était accoudé à la rembarde de son balcon, et le vent lui caressait doucement ses cheveux noirs comme la nuit. On était au milieu de l'hiver et pourtant l'adolescent portait un short rouge et une chemise à manches courtes de couleur bleu cyan. Il était pieds nus et la neige lui gelait tout le corps, cependant, il restait là, appuyé contre la rembarde, à regarder le paysage sombre et enneigé de la soirée déjà bien avancée. Il repensait à ce soir-là, lorsque c'était arrivé. Lors de la mort de son plus grand frère. Cette maladie qui l'avait emporté lui consumé les os petit à petit.

          Si seulement son autre frère était rentré plus tôt de son voyage d'affaires, si seulement son père n'était pas devenu un vagabond traînant n'importe où et ne rentrant que très tard le soir. Si seulement sa mère ne s'était pas faite abattre sous les coups de son mari ivre. Tant de choses ne s'étaient pas passées comme il l'avait espérer.

          Il avait la sensation d'être seul, livré à lui-même. Sa maison était vide, vide d'un brouhaha joyeux ou d'un quelconque bruit, tout simplement. L'hiver était la saison qui représentait le mieux sa famille : sombre le matin et la nuit, froide et mal accueillante, pour le peu qu'on ait pas de vêtements appropriés.

          Ce soir-là, le jeune homme n'aurait pas pensé apercevoir la tête blonde de son grand frère revenir de son voyage d'affaires qui avait duré plusieurs mois. La sensation d'être seul avec un père ivrogne lui donnait l'impression d'avoir été abandonné, mis de côté. Si rien de tout cela n'était arrivé, il aurait peut-être eu une vie comparable à la plupart des familles existant dans ce monde.

          Mais il savait pertinemment que remplir ses souhaits, ses regrets et ses remords avec des « si » était le signe d'avoir tout raté. Il ne pouvait pas revenir en arrière, et même s'il avait pu, il n'aurait rien pu changer. Qui écoute un gamin de douze ans qui n'a pas encore fait l'expérience de la cruauté de la vie ? Personne.

          C'est alors qu'il vit une voiture avancer au coin de la rue. Il ne lui restait que peut de temps avant de se décider, avant de ne plus pouvoir le faire. Il serra le plus fort qu'il le pu un petit médaillon offert par sa mère le jour de sa naissance. Ce jour-là, il ne s'en souvenait plus mais ce n'était pas bien grave. Il n'avait pas de souvenirs concrèts des moments passés avec sa mère, alors cela l'attristait un peu.

          Par contre, ceux passés avec son père refaisaient surface dans les pires de ses cauchemars et il était impossibles de s'en débarrasser. « C'est parce que tu m'adore ! » répétait sans cesse l'alcoolique. « Je suis sûr que c'est moi qui vient te sauver dans chacun de tes cauchemars ! ». Et le petit garçon voulait répondre : « Non, c'est toi mon cauchemar », mais il n'osait pas. Il avait peur d'avoir à nouveau un de ses rêves qu'il détestait tant.

          La voiture était maintenant à deux maisons de la sienne. L'adolescent respira intensément l'air qui lui emplissait les poumons mais qui lui brûlait son nez.

          Lorsque la voiture se gara, le brun murmura quelques mots inaudibles pour une personne extérieure : « L'hiver sera quand même ma saison préférée, car on peut rêver de tant de choses lors de ces moments-là ! ».

          Le blond courut et grimpa les escaliers quatre à quatre et débarqua sur le balcon tant aimé de son petit frère.

          Il n'était plus là.

Ce soir-là - OSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant