CHAPITRE VI - JULIAN

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"Personne n'a jamais vu Dieu; si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en nous."

Jean 4 : 12




Ce n'est pas possible. Il ne peut pas me faire ressentir tout ça. Ce sont tous les démons que j'ai déjà combattus. Retour au premier niveau.

Non !

Wyatt Moore ne peut pas débarquer, faire du cinéma et ouvrir mes tripes pour y jeter quelques braises maudites. Il ne peut pas me sourire, m'embrasser, m'embraser. Il ne peut pas, et pourtant, il l'a fait. Je suis impuissant face à l'incarnation même de Lucifer. Aucune échappatoire. Aucune envie de remettre tout ça sur le tapis, pas maintenant. Pas alors que je suis clean.

Clean, un si grand mot.

Tremblant comme une feuille morte, je tombe à genoux et courbe mon dos, front contre le sol. Je ferme les yeux, les mains à plat contre le parquet et le dégoût m'envahit instantanément. Mon dos brûle, c'est un mal pour un bien, je le sais. Mais ça brûle. Seigneur, ce que ça fait mal !

- Je me confesse à notre Dieu le tout-puissant, je reconnais devant mes frères que j'ai péché en pensées, en paroles, murmuré-je contre le sol. Seigneur, la bienheureuse Vierge Marie, pardonnez-moi pour ces pensées impures. À genoux, je demande votre pardon et vous supplie de me convertir, Seigneur. Par pitié, faites de moi un homme digne de votre amour et de votre reconnaissance.

Je continue en boucle. Plus de dix fois, je reprends ma prière depuis le début. Je supplie le Seigneur de m'accorder grâce et aide pour oublier ces lèvres qui, moins de deux minutes plus tôt, étaient sur les miennes.

Comme s'il le pouvait !

Comme si Wyatt Moore avait le droit de débarquer ici, chez moi, et de me prendre la main afin de m'emmener au cœur des méandres de l'enfer !

- Par pitié, faites de moi... faites de moi...

Une boule remonte le long de ma gorge et je n'arrive plus à parler. J'ai juste envie de vomir mon repas, ici-même. Mais il ne s'agit pas de bile qui sort de mon corps, simplement un torrent de larmes. Avec une nostalgie douloureuse, je plonge dans les souvenirs obscurs de mon passé. Les couloirs maudits du temps. Je repense à tout ce que j'ai pu faire. Tout ce qui s'est passé pour que je déçoive à ce point le monde autour de moi. Tout ce qu'il s'est passé et qui fait que Dieu me punisse d'une telle force.

- Seigneur, la bienheureuse Vierge Marie, pardonnez-moi pour mes pensées impures. Je vous en supplie, accordez-moi votre pardon.

Je n'ai même pas la force d'ouvrir les yeux. Je suis incapable d'oublier sa chaleur qui m'inonde encore. Je suis idiot de penser à lui alors qu'il n'est que le fruit de la Tentation. Il est le serpent, la pomme, tout. Un Judas qui attend de vous voir à genoux afin de vous assenez un coup si fort sur la tête qu'il pourrait vous tuer.

Il me tue.

Mes pensées me tuent également. Je ne peux pas. Non. Plutôt mourir que d'accéder à ses vices, ses corruptions.

- Père Mediaz ?

Brutalement, je sors de ma torpeur lorsque trois coups butent contre la porte de mon studio. Je recule et me cogne l'arrière de la tête contre le mur. J'ai le souffle court, comme si je venais de courir un marathon. Bien sûr, je reconnais la voix criarde de Frère Paul et essaye de rassembler mes esprits. Je me relève, lisse ma chemise et vais ouvrir la porte, comme si de rien n'était.

GOOD BOYS GO TO HELLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant