Chapitre 15 Nuit démoniaque

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Le retour de Ninlam déclencha un engouement remarquable d'un bout à l'autre de la cité. Des familles entières envahirent les rues pour rencontrer le célèbre et légendaire Ninlam. Le Mécène était désormais le conseiller du roi. David Avox ne l'avait caché à personne, si bien que tout le monde était au courant aux premières lueurs de l'aube. Le vieux Protecteur, tout ému, avait paradé toute la journée dans les larges avenues, Élisabeth à son bras.

Aussi, quand ses homologues arrivèrent, Ninlam était là pour les accueillir, toujours en compagnie d'Élizabeth. S'il avait dû la porter sur son dos de vieillard courbé, il n'aurait pas hésité une seule seconde. Les habitants habillés de tuniques de couleurs, bottes et pantalons de lin plus sombres, leur firent une haie d'honneur le long de la grande Avenue Nord. Torial était en liesse.

Perdus au milieu de la foule, tantôt écrasés, tantôt ignorés, les membres de la famille Vivlar ne virent pas grand-chose si ce n'est un bref passage de cape entre deux bras dressés. La grande allée pavée resplendissait de lumière au milieu des cris enthousiastes et des regards fixes. Les feuilles des chênes ancestraux bruissaient face à la brise qui, tel un voile d'espoir, semblait accompagner la venue des Protecteurs. Quelques apprentis, une cinquantaine au total, accompagnaient leurs maîtres en les suivant de près. Les jumeaux et Alex auraient bien aimé en faire partie, mais Ninlam le leur avait défendu. Les vieilles rancunes demeuraient tenaces au sein de la caste des Protecteurs, surtout en ce qui concernait les Vivlar.

Après leur passage, la foule se retira progressivement. Tristan laissa les autres s'éloigner par la route longeant le fleuve. Alex ralentit le pas et le rejoignit, laissant Ambre et Marlyssa au devant. Les eaux du fleuve ondulaient doucement. Si l'on avait pu définir la joie, ce flot vigoureux et plein d'entrain aurait été aussitôt désigné. Tristan s'aperçut d'un regard que son cousin boitait du pied gauche.

— Qu'est-ce que tu t'es fait ? demanda-t-il, inquiet.

— La flèche que tu as trouvée l'autre jour, tu sais, celle avec la pointe arrondie... Je peux t'assurer qu'elle coupe, affirma Alex alors qu'ils passaient par hasard devant un couple d'amoureux.

— Je suis désolé, je n'aurais pas dû la laisser traîner, mais...

Tristan s'interrompit ; un éclair de compréhension traversa son esprit.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt, observa Tristan tout haut, éludant la question de son cousin. La clef, c'est la flèche !

— La clé, mais quelle clé ?

— La flèche.

— Quoi ? La clé de la flèche ?

— Mais non, la clef, c'est la flèche, rétorqua Tristan, exaspéré. Enfin, la pointe de la flèche... Je donnerais ma main à couper qu'elle rentre parfaitement dans l'encoche !

— Mais qu'est-ce qu'il raconte ?...

Une jeune femme qui les avait entendus les observa un instant avec curiosité. Il fallait préciser que l'expression « donner ma main à couper » n'existait pas comme telle à Adalante. On disait plutôt : « J'en donnerais cent arbres ». Pourquoi ? Parce que les habitants tenaient à leurs mains dans ce Royaume.

— Tu pourrais parler moins fort, commenta Alex, pertinent. Ce genre d'expressions a rapidement fait son chemin dans les tavernes de la cité... On pourrait remonter jusqu'à nous.

— N'exagère pas, non plus, souffla Tristan en regardant l'arène qui venait d'apparaître au détour d'une maison.

Alex suivit son regard et lança ce qui ressemblait à un grincement de dents, en plus barbare.

Les Protecteurs d'Andalénia / La Danse du Lys tome 1 la Dame en BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant