Lui

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C'était une histoire d'amour. C'était. Retenez le temps parce que c'est important. Le genre premier amour, quand tu découvres cette fameuse expression d'« avoir des paillons dans le ventre ». Le genre où chaque moment passé te procure cette sensation bizarre mais que tu aimes tant. Où dans chaque mot, chaque photo tu penses à cette personne. Bref, ce genre d'histoire d'amour. Celle que tu n'oublieras jamais parce que c'est celle qui t'a marqué pour toujours. J'avais 16 ans, j'étais encore un bébé. Pour moi le monde n'était qu'une suite d'évènements qui étaient généralement centrés sur ma petite personne. J'avais mon lycée, mes amis, mes habitudes, et je me portais très bien. Et puis j'ai vu ses yeux, sa bouche, son visage... après réflexion, j'aurais mieux fait de les ignorer. Mais sur le moment, la couleur de son iris m'a complètement hypnotisé. Comme une image fantôme, elle était imprimée dans mon cerveau, impossible à oublier. Je n'ai pas compris comment je n'avais jamais pu le remarquer alors que j'avais passé un an dans le même lycée. En en parlant autour de moi, j'ai appris qu'il était dans la classe de l'ami d'un ami, qu'il était gentil et plutôt bon élève. Le garçon parfait quelque part. Mais on sait tous que ça cache quelque chose. Je l'ai recroisé quelques fois jusqu'au jour où on s'est retrouvés dans un groupe d'amis communs. Ses yeux bleus se posaient sur moi plus qu'ils n'auraient du et il est venu me demander mon numéro « au cas où ». J'ai trouvé ça osé mais le ton qu'il a utilisé faisait ressortir une pointe de timidité. J'étais prise dans le moment et j'ai accepté. Deux jours plus tard, j'ai reçu un message, puis un deuxième. C'est comme ça qu'on a commencé à parler. Au début je lui racontais des choses sans utilité, les banalités que tu lances à quelqu'un qui veut « en savoir plus sur toi ». Mais les jours, les semaines et les mois passaient, et il me parlait toujours. Alors je me suis ouverte en espérant ne pas le regretter ultérieurement. Imaginez quelle a été ma surprise en constatant qu'il faisait la même chose. Il m'a raconté son enfance, la première fois qu'il a fait un manège à sensation, les choses auxquelles il était allergique, le nom de son doudou qu'il trainait partout. A 16 ans, les sentiments viennent tout seul, c'est comme ça. On échangeait dans la vraie vie, profitants de chaque pause pour se retrouver sous ces arbres. Les autres ont commencé à nous poser des questions et dès qu'on mentionnait son nom dans la conversation je souriais. Un mardi, c'était en octobre, un peu avant Halloween, il m'a entrainé dans un couloir désert et m'a embrassé. C'était mon premier baiser, je me souviens encore de la façon dont ses mains ont caressé mon visage. On a ri et il m'a demandé si je voulais être sa copine. Est-ce une surprise si j'ai dit oui ? Les autres se sont regardés et ont éclatés de rire quand on leur a dit. Apparemment ça faisait un moment qu'ils avaient pariés sur nous deux. J'ai ri et empoigné sa main un peu plus fort. C'était un peu bizarre quand les autres nous regardaient dans le couloir mais à l'instant où ses lèvres retrouvaient les miennes, je ne voyais plus rien. J'ai passé mes premiers examens le même jour que lui, je suis allée à mes premières soirées avec lui. Quand j'ai eu mon bac, j'ai sauté dans ses bras. J'étais tellement heureuse que j'en ai pleuré. Mais au fond de moi, les larmes venaient aussi du fait que je savais que j'allais m'éloigner de lui à cause de l'université. Mais peu importe, j'avais deux mois pour passer les meilleurs moments de ma vie. Et j'avais tout ce dont j'avais besoin pour réussir : mes amis, la liberté, la majorité, lui.

Et mon cœur s'est arrêté. Enfin, c'est le sien qui s'est arrêté. Sa mère m'a appelé à 6 heures du matin, la voix tellement étranglée que j'ai cru qu'elle allait s'étouffer. Elle a dit qu'il était mort, comme ça. J'ai senti tout l'air autour de moi disparaitre, toutes mes forces m'abandonnées. J'avais envie de vomir mais mon corps était juste vide. J'ai raccroché et j'ai hurlé. Mes parents se sont réveillés et m'ont trouvé effondrée sur le sol, complètement détruite. Pas d'au revoir, pas de baiser d'adieu. D'un coup, l'image de ses yeux bleus est revenue. Son sourire quand on a parlé d'emménager ensemble, sa main qui caresse distraitement mes cheveux, ses lèvres qui aspirent les miennes.

Est-ce que je regrette d'avoir croisé ses yeux ce jour-là, quand j'avais seize ans ? Non, parce que je reste persuadé qu'il est la seule personne qui aurait pu m'apprendre à aimer. Mais, même des années plus tard, il y a toujours ce trou, cette partie de moi qu'il a emmené en partant. Cette petite fille innocente qui pensait vivre dans un monde parfait. Il a été la rencontre la plus incroyable que j'ai été amené à faire. Je ne crois à la vie après la mort mais j'aime à penser qu'il représente une étoile, toujours la plus brillante. Depuis quelques temps je me remets à rire et à m'amuser mais ça a été lui premier, ma première histoire d'amour.

Une histoire d'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant