Le réveil fut doux. J'étais à la limite de ronronner. Quelqu'un me caressait les cheveux.
Il n'y a que deux personnes au monde qui me caressent les cheveux. Cody et ma mère. Enfin, ma mère ne l'avait plus fait depuis ma tendre enfance. Je me rappelle que Cody l'avait vu faire et qu'il s'était empressé de l'imiter. Quand ma mère avait arrêté, lui avait continué. C'était sa manière de me dire que j'étais en sécurité, qu'il était là. Je le faisais aussi avec lui, pour lui montrer qu'il n'était pas tout le temps obligé d'être fort.
Quand j'étais plus jeune, je me glissait dans sa chambre par la fenêtre la nuit, et venait lui caresser les cheveux délicatement. Sa fenêtre était en face de la mienne, alors ça m'était facile de passer dans la sienne en grimpant au cerisier qui faisait comme un pont entre nos chambres.
Les nuits où il faisait un cauchemar, je l'entendais taper au mur de sa chambre pour que je le rejoigne. Je grimpais dans sa chambre et finissais ma nuit à le cajoler, en écoutant sa respiration se calmer. Il avait beau avoir 7 ans de plus que moi, il faisait souvent des terreurs nocturnes, et je restais avec lui pour qu'il aille mieux. Et certaines nuits où il n'en faisait pas, il venait me rejoindre. Pour me montrer que même lorsqu'il allait bien, il avait quand même besoin de moi.
J'étais perdue dans mes pensées, bercée par mes souvenirs et par cette main délicate dans mes boucles. J'ouvris les yeux, pour rencontrer ceux de Cody. Je n'étais pas surprise. Ça ne pouvait être que lui. Il me fallut quelques minutes pour me rappeler que je l'avais rejoins dans son bureau après ma visite dans les bois. On s'était assis sur le canapé en discutant, et j'avais fini par poser ma tête sur ses genoux et m'allonger. J'avais mal aux côtes, malgré les antidouleurs. Ça allait durer quelques semaines d'après l'infirmière. La poisse.
J'avais du m'endormir comme ça, sur les genoux. Il avait la tête penchée vers moi, une main sur le dossier du canapé et l'autre me désordonnant les boucles. Je refermais les yeux, trop bien pour bouger.
"Bouge, marmotte. Je commence à avoir faim. Tes amies doivent t'attendre."
Je grognais de mécontentement.
"Il est quelle heure ?
- Presque 18h."J'ouvris les yeux, surprise.
"Tu m'as laissé dormir deux heures sur toi ? Oh zut désolée !"
Il éclata de rire, ce qui pour moi était un bon gros tremblement de terre. J'essayais de protester mais c'était pas pratique.
"Ah- ahaha- sto- Oh- P !"
Ce qui, bien sur ne fit que redoubler son hilarité. Je finis par m'assoir, vraiment trop secouée.
"Tu veux me rendre malade ?"
Ça y est, je crois qu'il est mort. Il est mort de rire. Drôle de mort. Aha. Bref.
"Bon tu arrêtes de te payer ma tête deux secondes ?"
J'étais limite vexée. Et lui il était plié à côté de moi, le souffle court. Je me levais et m'étirais. Mauvaise idée, la douleur me frappa dans les côtes - encore - et je lâcha un petit cri de douleur en tombant à genoux, recroquevillée.
"Quelle con.."
J'avais lâché ça, énervée contre moi même. Je n'entendais plus Cody rire, la pièce était silencieuse. Je me déplia doucement et me redressa. Je sursauta violemment de surprise en découvrant Cody, assis en tailleur en face de moi, à regarder le sol, le regard vide. Comment il avait fait pour atterrir là si vite ?
Je suivis mon instinct en avançant vers lui, et je lui caressais la tignasse d'une main, en posant l'autre sur son genou. Il releva les yeux vers moi. Il avait le regard dur. D'un geste doux, qui contrastait avec son regard, il me souleva et me posa sur ses genoux, me serrant contre lui. J'étais donc là, ma tête sur son épaule et mes jambes autour de ses hanches, à sentir son odeur dans le creux de son cou.
Avec Cody j'ai l'impression que rien n'a de sens. On passe d'un moment de fou rire à une dispute en deux secondes avant de finir dans les bras l'un de l'autre. Mais ce n'est pas important.
Une de ses mains se balade le long de ma colonne vertébrale pendant que l'autre est sur ma nuque. Moi je ne sais pas quoi faire des miennes, alors je joue avec le col de sa chemise. Oui, je sais, c'est idiot, mais je sais jamais quoi faire dans ces moments là. Je suis un peu popo sur les bords.
Ça me rappelle en maternelle, je n'ai jamais cherché à me faire des amis. Le premier jour j'étais arrivée et je m'étais assise au milieu, toute seule et j'avais jouée.
Une semaine après ma première rentrée, du haut de mes trois ans, ma maîtresse s'était plainte auprès de ma mère parce que je ne faisais aucuns effort d'intégration. J'étais rentrée en pleur, et Cody m'avait réconforté.
Je lui dit alors que je ne me faisais pas d'amis parce que je ne savais pas comment faire. Il m'avait obligée à le regarder dans les yeux et m'avait dit "tu n'es pas obligée de te faire des amies si tu n'en a pas envi tu le sais ça ? Mais si tu reste seule parce que tu as peur de ne pas y arriver, c'est pas une raison." Il m'avait fait promettre de ne pas m'enfuir si j'avais peur.
Le lundi suivant, j'avais été voir mes camarades et m'étais faite des amis. Tout ça pour dire. Je n'ai jamais été douée, mais Cody m'avait toujours poussée à atteindre mes limites. Je n'ai pas le droit de fuir.
Avant même de pouvoir réfléchir plus, je m'écartais de lui et me relevais.
"Alex?"
Je sais ce que j'ai à faire. En quelques instants je suis hors du bureau. Puis du bâtiment. Il commence à faire plus sombre. Le temps que j'arrive au cœur de la forêt, il fait vraiment sombre, avec les branches au dessus de ma tête.
Faire face.
Je touche un arbre de charbon. Je ferme les yeux. Et je visualise Cody. Sa douceur. Toujours si doux.
J'essaye de faire grandir ce sentiment de sécuriser. D'amour. Et je le pousse hors de moi, comme avec ma poussière. Une telle douleur m'envahit, mais je continue. J'ouvre les yeux. Ma poussière n'est plus sombre. Elle est dorée. Comme de l'or. Et elle rend la vie à cet arbre.
Aussi étrange que cela puisse paraître, la seule chose qui me vienne pour décrire cette poussière est ceci : la poussière de fée.
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Tinkerbell
FantasyUne adolescente de 16 ans. Une forêt. Un secret. Tout est dit, non ? Enjoy.