Chapitre 11 (Partie 1)

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Kris

Il est encore là à m'épier celui là... Quand va-t-il finir par me lâcher les basquettes?

Kris n'avait pas eu un moment de répit depuis qu'il était rentré de son cours de sport six jours auparavant. Il avait sans arrêt une paire d'yeux vissée dans son dos, et par conséquent, la personne à qui appartenaient ces yeux observait ses moindres faits et gestes. Le jeune garçon ne comprenait pas pourquoi il en était ainsi, mais faisait de son mieux pour ne pas changer ses habitudes – ou du moins celles qui s'inscrivaient dans la catégorie "à peu près autorisée" – , et ne pas révéler qu'il avait découvert qu'on l'évaluait.

La paire d'yeux changeait de temps à autre, mais la plupart du temps, c'était ceux du directeur Wilkerson qu'il se trimballait dans toute la zone sud.

De ce faite, il n'avait pas pu rendre visite à ses elfes et toli préférés, et cela le contrariait fortement. Il sortit du dortoir des garçons et marcha en direction de la cantine.

L'école de la zone sud était bien plus petite que celle du point cardinal opposé. La majorité des étudiants étaient des garçons et il n'avait toujours pas percé le mystère de la séparation séparant les deux hémisphères, mais ça ne saurait tarder. Dès qu'il trouverait un moment pour aller fouiller l'administration. Si le directeur cessait de le suivre partout.

Tout en continuant d'avancer, Kris déchira le rabat de l'enveloppe qu'il avait trouvé sur son lit quelques minutes plus tôt. "Convocation" était écrite en gras en haut de la missive. Il devrait se rendre le lendemain matin en salle de conseil. Très bien, ça lui éviterait un énième cours de détection de stana. Quant à ce qui allait se passer au cours de la matinée, rien n'était mentionné. Le sahel avait remarqué que des lettres similaires reposaient sur d'autres couchettes, mais tout le monde n'en avait pas reçu, ce devait donc être une mesure exceptionnelle.

Alors qu'il repliait le papier et le glissait dans sa poche, il sentit la présence derrière lui s'estomper. Il s'attendait à ce qu'elle soit rapidement remplacée, mais même après une trentaine de minutes à flâner dans la cour, personne ne vint remplacer le sbire du directeur Wilkerson qui le suivait depuis le midi.

Des fossettes se creusèrent sur son visage. Il était temps de retrouver ses bonnes vieilles habitudes!

☽❈☾

Sayana

Elora me jetait sans arrêt des coups d'œil depuis que j'étais revenue de mon entretien à l'infirmerie. J'affichais un sourire qui voulait dire "tout va bien", mais mon amie n'était pas dupe.

Rien n'allait.

En l'espace d'une semaine, mon monde et ce en quoi je croyais s'étaient totalement effondrés. Je regrettais ce temps d'insouciance durant lequel je vivais dans l'ignorance la plus totale. Mes soucis principaux se résumaient alors aux contrôles de math et de physique, mes interrogations personnelles étant reléguées au second plan.

Elora ne m'avait pas posé de questions, s'attendant surement à ce que je lui explique tout en détail, comme à mon habitude après un événement sortant de notre train-train quotidien. Pourtant, aujourd'hui, le cœur n'y était pas. J'avais pris ma décision et je n'y reviendrai pas. Un simple "Pas de soucis, c'était juste un bilan santé" avait donc clos la discussion avant même qu'elle ne débute réellement.

Depuis quelques jours, nous avions pris l'habitude de faire un tour de l'école en passant par le terrain de sport le soir après les cours. C'était pour espérer apercevoir Kris qui n'avait pas donné signe de vie depuis que nous avions eu notre discussion dans la zone Sud. Ce n'était pas que nous étions inquiètes – Kris était bien suffisamment débrouillard pour éviter les ennuis à défaut d'être responsable –, mais nous avions beaucoup d'informations à échanger.

— Euh, Sayana?

Je me tournais vers mon amie et son air inquisiteur. Ses yeux verts avaient l'air de vouloir me transmettre un message.

— Non rien, finit-elle par souffler en baissant le regard.

— Toi, tu as quelque chose à me dire.

— Rien de si important, ne t'inquiète pas... Bon, il doit encore être occupé, on rentre?

— Oui, j'aimerais bien que tu me réexpliques le cours de maths de ce matin... Les chiffres et moi, tu sais bien que ça fait quarante-douze! dis-je en souriant.

Mon amie me rendit mon rictus avant de prendre le chemin du dortoir pour que nous allions nous rafraîchir avant de descendre dîner.

— Alors comme ça, on m'ignore? fit une voix derrière nous.

Kris, adossé à l'arbre près duquel nous nous étions rencontrés pour la première fois, nous observait, les yeux plissés.

Le regard d'Elora s'illumina — comme le mien surement —, puisque le garçon aux cheveux bleu s'exclama malicieusement:

— Ah! je préfère ça! De belles frimousses heureuses de me revoir!

Il sourit à pleines dents avant de reprendre:

— Trêve de plaisanteries mes chères, enchaîna-t-il. Je suis désolé de vous avoir manqué cette semaine, mais j'étais surveillé de très près. Je n'ai pas réussi à m'éclipser discrètement avant aujourd'hui...

Elora me surprit en lui répondant franchement:

— Tu nous as manqué! J'espère que t'as été sage pendant qu'on n'était pas là pour te surveiller!

J'étais si heureuse qu'Elora arrive à parler si ouvertement, et à un garçon en plus! Cela ne faisait que renforcer le fait qu'elle n'avait plus besoin de moi. Mes poings se serrèrent l'évocation silencieuse de mon départ imminent, mais j'étais douée pour intérioriser. Je n'allais pas craquer maintenant.

— Comme toujours!

Oui, clairement, j'étais de trop.

— Je n'ai pas déniché grande info depuis que l'on s'est parlé, mais maintenant que Wilkerson n'est plus dans mes pattes, Détective Kristopher est de retour!

— Kristopher? C'est ton nom complet? m'étonnais-je.

— Non pas du tout. Je trouvais juste que ça sonnait mieux, répondit le garçon en riant.

Elora était une fille très sérieuse. Il était rare qu'elle se laisse aller à de tels enfantillages, cependant, elle devait avoir besoin de décompresser puisqu'elle se mit à glousser. Elle avait le rire le plus mélodieux qu'il m'avait été donné d'entendre. C'était aussi doux à l'oreille que le chant des oiseaux mêlé à la brise de printemps. Ce moment était précieux et je tâchais de le graver dans ma mémoire, car il n'y en aurait plus de semblable.

Kris sourit de plus belle en fixant l'elfe intensément.

— Qu'y a-t-il? souffla-t-elle, gênée par cette soudaine attention.

— Rien. C'est seulement que je trouve que ça te va bien de rire, tu devrais te prêter à l'exercice plus souvent.

Elora se racla la gorge avant de changer de sujet pour évacuer son malaise. Cependant, l'espièglerie ne disparut pas totalement de sa voix.

— Bon, toi tu n'as peut-être pas bien travaillé, mais nous si. Enfin, surtout Sayana, dit-elle en se tournant vers moi. Tu lui expliques tes découvertes?

OtherWorld - 1. Et cognoscetis veritatemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant